LA MYSTIQUE DU CONQUÉRANT : De Xerxès à Poutine

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LA MYSTIQUE DU CONQUÉRANT : De Xerxès à Poutine
LA MYSTIQUE DU CONQUÉRANT : De Xerxès à Poutine

Africa-Press – Togo. Plus que les bêtes sauvages les êtres humains, par excès d’intelligence malicieuse, posent des actes contraires à la raison pratique ; ce qui les plonge dans des tragédies inouïes desquelles, toujours, ils s’en sortent misérables tous ensemble. Même la longue histoire documentée des grandes civilisations passées, dont ils possèdent une haute connaissance du meilleur et du pire, ne les aide pas à éviter les atrocités morbides de guerres multinationales. Plutôt, ils ne semblent que reproduire, au fil des siècles, des copies grandioses du pire. L’Orient et l’Occident s’enlacent le plus dans cette boucle d’enfer.

Xerxès en Macédoine, germe de l’impérialisme occidental

Il y a plus de 2400 ans, précisément en 480 avant Jésus Christ, Xerxès, sur les traces de son père Darius, quitta la Perse, l’Iran actuel, et marcha sur la Grèce dans une longue expédition guerrière. Il sema désolation et incompréhension sur son chemin.

Pourtant, Xerxès prit la lourde peine de s’armer puissamment pour parcourir des milliers de kilomètres de terrains tortueux à cheval et pour naviguer mille nœuds de mers agitées sur des vaisseaux à la rame pour aller conquérir de vastes territoires, loin très loin de Persépolis la demeure de ses ancêtres où il est roi.

De Persépolis il traversait et soumettait : la Mésopotamie (Babylone en actuel Irak), la Phénicie (actuel Liban), la Judée (actuelles Palestine et Israël), la Syrie, la Turquie, la Grèce et la Macédoine en répandant du sang. Il ne rebroussa chemin qu’a Salamine non loin de Marathon où son père, dix ans plus tôt, l’appétit essentiel déjà assouvi, rebroussa chemin face à une résistance grecque modeste mais têtue.

Les grandes courses annuelles modernes de marathon dans les grandes villes occidentales ne sont pas de simples moments de divertissement. Elles commémorent encore de nos jours, plus de 2000 ans après, ces tragédies épiques subies sous l’Orient. C’est la mémoire des épreuves et des victoires sur les pures folies de conquêtes.

Folies induites par la luxure d’une cour royale où il faut entretenir des généraux et des ministres, des clergés et des conseillers qui avaient envie eux aussi de vivre une vie dorée à l’ombre de celle légitimement et uniquement accordée par les usages coutumiers à l’institution sacrée qu’est le statut de roi. Un roi, chef de nation, enivré de pouvoir et qui abuse du confort matériel nécessaire accordé à son statut sacré, suscitera inévitablement des envies de la part de ses courtisans qui l’inciteront à conquérir, soumettre, et vassaliser d’autres peuples afin que les lourds tributs imposés ailleurs puissent ruisseler vers la cour à domicile et déborder vers les vases quémandeurs de ces courtisans envieux, vaniteux et belliqueux.

Par contre un roi sage, un chef d’Etat avisé, doit éviter cette dérive en vivant dans la stricte médiété, même si son trésor public déborde d’excédents. Le mal que fit Xerxès en 480 avant Jésus Christ en répétant les fantaisies de son père Darius, n’est que la conséquence des habitudes de cours royales et de cabinets d’Etats qui sombrent et se complaisent dans la luxure. Cependant lorsque l’élan de conquête est pris, le motif avancé est toujours la défense de la patrie ou la promotion de valeurs universelles, religions ou droits.

L’Europe retient et reproduit la tare

Les élites politiques européennes d’alors, en 480 av. JC, peu sophistiquées et victimes avec leurs peuples de cette agression extérieure portée pendant des décennies par un appétit impérialiste venant du Moyen Orient et plus précisément de la Perse (Iran Actuel) sous les rois Darius et Xerxès, avaient appris la leçon à leurs dépends.

Elles ont intériorisé cette ‘’mauvaise leçon’’ dans leur subconscient des générations durant. Et par la suite, sous une impulsion de vengeance audacieuse menée par Alexandre le Grand sur l’Orient, entre moins 334 et moins 326, comme exutoire impétueuse après plus d’un siècle, elles l’ont finalement extériorisée et expérimentée à petite échelle dans leur propre espace relativement réduit, circonscris dans les pourtours de la Méditerranée.

Ainsi, cette expérimentation de l’esprit conquérant en Europe a d’abord duré quelques siècles à travers l’expansion de la Rome antique pendant près de 500 ans ; et par la suite pendant au moins mille ans à travers le Catholicisme médiévale impérieuse. En fin, dès le 15e Siècle avec la signature du traité d’Alcàçovas en 1479 au Portugal, la conquête est devenue une pratique systématique exportée à grande échelle sur la planète entière à travers le mercantilisme et l’esclavage transatlantique en première phase, puis le colonialisme en deuxième phase, et de nos jours l’impérialisme libéral global en dernière phase, économie de marché et droits de l’homme.

C’est donc suite à la leçon apprise chez les Perses et conservée par précaution dans une conscience utilitariste, que le processus d’appétit impérialiste occidental a produit en près de 2000 ans une lignée de conquérants avides dont:

Alexandre le Grand pan-helléniste, les Césars de la Rome, les Carolingiens fidèles bras armés de l’Eglise, les Habsbourg , les Saxes et les Windsor, les Romanov de la Russie dont Pierre le Grand ; Napoléon Bonaparte, James Monroe l’américain, Hitler, Staline, les Bush puis Poutine. Ils sont depuis toujours en compétition de ressources les uns contre les autres et tous à l’assaut d’espace de vie les uns après les autres.

La brève parenthèse de la raclée fulgurante et dévastatrice mise par les descendants de Genghis Kanh le mongole dans ce processus épic européen au 13e Siècle ne fut qu’un élément étranger fortuit, issu d’une course poursuite égarée derrière des vassaux fuyards, les Cumans, depuis les steppes d’Asie Centrale.

Folie et Raison, la Fécondation

Tous ces conquérants ont contribué sur le long terme à fortifier l’esprit impérialiste européen. Esprit auquel la faculté de raison critique a été accouplée dès le 17e Siècle. En effet lorsque, principalement, Descartes vint poser le « Je pense, donc je Suis » dans son exposée de la méthode rationnelle, l’Europe vit naître – Renaissance – dans sa culture un nouvel élan de conquête ; cette fois-ci la conquête de la pensée sur la matière, la maitrise raffinée et systématique de l’esprit sur la substance, les ressources.

C’est donc l’ignition fécondatrice du rationnel grec antique dans le giron du romantique médiéval chrétien en ces années 1600 qui éleva vite l’Europe à la civilisation rationaliste occidentale qui a rang d’hégémonie mondiale de nos jours depuis 400 ans. La science, raison pure et froide, est mise au service de la politique armée, instinct brut et vif.

Un cas des plus illustres: en 1800 Napoléon, au nom de la patrie en danger sous la menace des royaumes voisins réfractaires à la Révolution, s’arma et monta à cheval. Il traversa les Alpes puis le Rhin sur la voie de guerres. Initialement parti de Paris pour défendre la patrie, il transforma prestement la défensive nationaliste en une offensive impérialiste transcontinentale démesurée. Il soumit l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne, la Prusse, l’Autriche, la Pologne, l’Egypte et la Turquie, puis le Portugal.

En 1806 Hegel, meilleur devin intelligible du sens général de l’histoire, vit passer Napoléon dans une allure triomphale avec ses troupes à Iéna en Prusse (en Allemagne actuelle) ; Hegel émerveillé conclut en quelque sorte « Voici en cet instant l’incarnation de l’Esprit, de l’Idée, de l’Absolu ; le point culminant et magnifique de la Raison qui ruse à travers l’histoire. »

Vue à l’échelle millénaire, la grande logique de l’histoire générale des hommes est faite de drames et de catastrophes, de tragédies et de désastres. Les gloires et les défaites guerrières rythment les grands moments collectifs planétaires incarnés dans les grandes civilisations, leurs apogées et leurs chutes.

Napoléon connut la gloire à Iéna en 1806 mais rencontra en 1812, au bout du chemin, le général Koutouzov de la Russie qui l’a battu à plat à la Bérézina et mit en déroute sa grande armée continentale. Son déclin définitif eu lieu à Waterloo (en Belgique actuelle) en 1915 face à l’alliance anglo-saxo-germanique dirigée par la Grande Bretagne. Les fusils et les engins de guerres anglo-saxons étaient devenus plus sophistiqués entre temps et avaient eu raison de la fougue de Napoléon. Depuis lors cette défaite maintient la France alignée derrière les anglo-saxons et les germaniques.

Apprenez la Loi

Somme toute, la force spirituel du conquérant réside dans la mystique d’une Patrie à défendre. Au creux de la folie conquérante il y a une romantique patriotique qui nourrit l’audace. Et le secret de la réussite se trouve dans l’usage de la raison pure qui dompte la matière, clarifie et planifie la vision du succès et aplanie les voies contre les forces réfractaires.

Les peuples dominés doivent apprendre la leçon à leurs dépends. Le cycle infernal est infini à l’échelle séculaire; c’est un éternel retour à chaque siècle. La folie romantique commande l’action et la raison pure la planifie. Poutine en Ukraine ? Ce n’est que Raison, ‘’la raison pure, qui ruse à travers l’Histoire’’. Telle est la loi. Peuples dominés, comprenez la loi ! … Pour demain et pour les siècles à venir.

New York ,31 Juillet 2022

Michel M T KINVI

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