Marquée par une Perte D’Influence en Afrique, la France Décide de Créer un « Commandement Africain » au Sein des Forces Armées FrançAises

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Marquée par une Perte D’Influence en Afrique, la France Décide de Créer un « Commandement Africain » au Sein des Forces Armées FrançAises
Marquée par une Perte D’Influence en Afrique, la France Décide de Créer un « Commandement Africain » au Sein des Forces Armées FrançAises

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Togo. S’inspirant d’AFRICOM, qui a pour mission « la coordination des relations militaires entre les Etats-Unis et tous les États africains », à l’exception de l’Égypte, la France vient de mettre en place un leadership africain pour s’adapter au déclin de son influence, répondant au nom de « Commandement africain ».

La création d’un Commandement pour l’Afrique au sein des forces armées françaises, marque une évolution notable dans la posture militaire française sur le continent africain. Ce nouveau commandement aura pour mission de coordonner et de piloter l’ensemble des opérations militaires françaises en Afrique.

En centralisant la planification et le commandement des opérations, l’armée française espère gagner en réactivité et en synergie, car Paris aurait vu utile de revoir sa stratégie militaire en Afrique, prenant une décision significative à l’instar des États-Unis, dans un contexte de disparition de son influence traditionnelle dans ses anciennes colonies du continent africain au profit de la Russie et de la Chine, en établissant un commandement pour ses forces.

C’est pourquoi en adaptant les outils militaires aux nouvelles menaces, face à l’évolution des modes de guerre et à l’émergence de nouvelles menaces, le Commandement pour l’Afrique devrait permettre à l’armée française de mieux s’adapter aux réalités du terrain. L’accent est désormais mis sur le renforcement des capacités africaines en matière de sécurité et de défense, ainsi que sur la promotion d’une approche multilatérale des crises.

Il faut dire que ces dernières années, la France a été contrainte de se retirer de plusieurs pays africains, comme le Mali, le Burkina Faso, le Niger et la République centrafricaine, à la suite de coups d’État qui ont conduit à une escalade du sentiment anti-français.

C’est ainsi qu’aujourd’hui, Paris chercherait à remédier à la présence militaire française sur le continent en créant ce commandement pour l’Afrique, devenu officiel après sa publication au Journal officiel, fin juin dernier, et à la tête duquel a été nommé le général de brigade Pascal Ianni, en qualité de « Chef du commandement africain à compter du mois d’août ».

Pour rappel, le général Ianni est responsable de la prospective et des questions stratégiques au sein de l’Etat-major des armées françaises, s’étant spécialisé dans le domaine de la guerre de l’information.

Cette structure reflète un changement marqué dans l’approche française, similaire à celle que les États-Unis ont établie il y a des années à travers le commandement militaire américain en Afrique (AFRICOM), sachant que les autorités françaises prévoient de maintenir environ 100 militaires sur 350 au Gabon, et 100 au Sénégal sur 350 soldats. Paris compte également maintenir une centaine de soldats en Côte d’Ivoire, sur la côte sud de l’Afrique de l’Ouest, contre 600 soldats actuellement, et environ 300 soldats au Tchad, dans le centre-nord de l’Afrique, contre 1 000 soldats actuellement.

Cette décision survient alors que des sources gouvernementales françaises avaient annoncé auparavant que Paris envisageait de réduire sa présence militaire en Afrique centrale et occidentale à plusieurs centaines de personnes.

D’après les analystes, la nouvelle direction vise non seulement à centraliser et à améliorer les opérations sur le continent, mais aussi à adapter la présence française aux nouveaux enjeux stratégiques et sécuritaires, expliquant dans ce contexte que cette nouvelle stratégie passe par des partenariats « renouvelés » et plus discrets, visant une présence spécifique et ciblée, en fonction des besoins exprimés par les partenaires africains.

On peut également dire que cette reconfiguration intervient à un moment où Moscou, à travers son propre groupe de sécurité la « Légion africaine (anciennement Wagner) » et des accords diplomatiques, s’attèle à renforcer sa présence dans des zones auparavant sous influence française.

A ce propos, dans une étude publiée en juin dernier, l’Institut français des relations diplomatiques et stratégiques a donné les raisons de l’échec de la précédente stratégie de Paris consistant à « être présent en Afrique sous prétexte de lutter contre l’extrémisme », et l’erreur a commencé depuis le règne du président François Hollande en 2013.

La même source estime que l’actuel président Emmanuel Macron avait emboité le pas à Hollande en commettant les mêmes erreurs, lors de son arrivée au pouvoir en 2017. Il n’avait pas diagnostiqué l’échec persistant du doublement, au cours de son premier mandat qui a duré cinq ans, des opérations de renforcement de la sécurité et du pari sur les alliances militaires, comme la force conjointe du « G5 Sahel », ou la force européenne « Takuba » lesquelles ont toutes deux clairement échoué.

En plus, selon l’étude française, « le retrait le plus notable de Paris a été celui du Mali, du Niger et du Burkina Faso, et même si des changements politiques surviennent dans ces trois pays, il sera impossible de faire comme si de rien n’était et de revenir à la situation antérieure », indiquant que l’opinion publique ne l’acceptera pas en raison des erreurs commises par Paris.

En revanche, les pays ont désormais la liberté de choisir leurs partenaires, d’autant plus que l’Afrique est un continent que tout le monde convoite.

Néanmoins, vu que la création du Commandement africain semble inédite et controversée, avec comme difficulté que « certains pays africains souffrent encore d’instabilité politique », c’est peut-être pour cette raison que le « Quartier Général » du commandement africain sera abrité par Paris.

Par ailleurs la réorganisation militaire française va reposer sur un « Commandement pour l’Afrique » [CDT Afrique], dont la création a été actée par un arrêté publié le 10 avril dernier:

« Le Commandement pour l’Afrique est un état-major opérationnel du niveau opératif, organisme interarmées relevant du chef d’état-major des armées. Dédié aux opérations en Afrique il est chargé, sur sa zone de responsabilité, de la préparation et de la conduite des opérations ou engagements opérationnels interarmées dans l’ensemble des milieux et des champs matériels ou immatériels. […] Il est subordonné au Centre de planification et de conduite des opérations [CPCO] en tant que contrôleur opérationnel », précise ledit arrêté.

Comme l’indiquent des publications francophones, l’armée et les services de sécurité français ont récemment été victimes d’attaques informatiques à grande échelle. Par conséquent, la principale priorité de la nouvelle structure sera l’attention portée à la confidentialité. Ils soulignent que l’état-major des armées françaises souhaite « réduire son exposition et son champ d’action ».

• Paris réorganise ses forces en Afrique pour s’adapter à l’évolution des circonstances

C’est ce qu’a déclaré une source diplomatique française à Nezavissimaïa Gazeta (La Nezavissimaïa Gazeta est un journal quotidien de gauche russe, en langue russe, publié par Izvestia dans tout le pays depuis 1990), commentant le changement de stratégie de la Ve République sur le continent brun. Les autorités du pays de l’hexagone ont pris cette décision dans le contexte de la volonté de l’Elysée de réduire le nombre de forces présentes sur les sites restants, et comme l’ont indiqué les médias français, le Commandement africain concentrera probablement ses efforts sur l’organisation d’un soutien militaire et en matière de renseignement aux partenaires locaux restants dans leur lutte contre les groupes rebelles.

• Organiser le soutien aux pays partenaires

Le souci de discrétion est bien le premier effet recherché. Les attaques informationnelles ont rendu l’armée française radioactive. Pour infléchir la situation, l’état-major des armées veut « réduire la visibilité et l’empreinte »: très logiquement, ce Commandement pour l’Afrique sera donc basé à Paris.

Mais les objectifs restent inchangés. Ce Commandement aura pour vocation:
• L’organisation du soutien aux pays partenaires dans la lutte contre le terrorisme et l’extension des trafics,
• La formation des armées régionales,
• La stratégie d’accès.

La France revoit la redistribution de sa présence militaire en Afrique

Alors que le sentiment anti-français grandit dans certaines anciennes colonies et que des pays comme la Russie cherchent à y renforcer leur influence, la France a franchi une nouvelle étape vers ses adieux à l’Afrique de l’Ouest et centrale.

Selon d’autres sources, la France entend réduire sa présence militaire en Afrique de l’Ouest et du Centre à environ 600 soldats, conformément aux plans du président Emmanuel Macron annoncés en février 2023, qui tournent autour d’une « réduction significative » de la présence des forces françaises en Afrique.

Selon un plan en discussion avec ses partenaires africains, la France envisage de réduire considérablement le nombre de ses forces « déjà déployées » en Afrique, et les mêmes sources ont indiqué que le nombre de militaires pourrait être augmenté périodiquement en fonction des besoins des partenaires locaux. Toutefois, l’Etat-major français a refusé de commenter ces déclarations.

Outre environ 1 600 soldats déployés en Afrique de l’Ouest et au Gabon, la France comptait jusqu’il y a deux ans plus de 5 000 soldats dans la région africaine du Sahel dans le cadre de l’opération Barkhane de lutte contre les organisations terroristes.

Mais Paris a progressivement retiré ses forces à la demande des militaires arrivés au pouvoir au Mali en 2021, au Burkina Faso en 2022 et au Niger en 2023. Les trois pays ont conclu des accords de sécurité avec la Russie, qui cherche à étendre sa présence sur le territoire du continent.

Le Tchad, dirigé par Mahamat Idriss Deby, le fils d’Idriss Deby Itno, président depuis plus de 30 ans, est le dernier pays de la région du Sahel à accueillir des militaires français.

• A propos de repositionnement !

Jean-Marie Bockel

En février, Macron a chargé l’ancien ministre Jean-Marie Bockel de développer de nouvelles visions pour la présence militaire française dans les pays africains partenaires. Il devrait rendre son témoignage au cours du mois de juillet courant.

Deux sources ont indiqué à l’Agence France-Presse que l’armée française comptait effectivement lancer cet été un commandement basé à Paris et dédié à l’Afrique (prévu d’être opérationnel le 1er août 2024).

Quant au Chef d’Etat-major des armées françaises, le général Thierry Burkhard, il a révélé que l’armée française n’exclut pas de « partager » ses bases avec des partenaires américains ou européens, et au lieu de missions de combat, les soldats français fourniront principalement, sur demande, des formations et des capacités aux pays partenaires.

Le Commandement Afrique sera-t-il similaire à ses pairs ?

• 1 – L’AFRICOM, ou comment les Etats-Unis ont-ils façonné leur influence militaire en Afrique.

Le Commandement américain pour l’Afrique (AFRICOM) est l’un des principaux commandements militaires du Pentagone, responsable des relations et des opérations militaires dans 53 pays africains, ayant été créé dans le contexte d’un intérêt accru des États-Unis pour l’Afrique après les attentats du 11 septembre et à la lumière de l’expansionnisme chinois et russe.

L’AFRICOM a connu un développement remarquable avec la création d’installations de soutien à travers le continent, en préparation du renforcement du contrôle et de l’influence américains dans cette partie stratégique du monde.

L’un des événements décisifs qui ont façonné la présence militaire américaine en Afrique a été les attentats « terroristes » du 7 août 1998, lorsque des explosions simultanées se sont produites dans les ambassades américaines de Nairobi, du Kenya, de Dar es Salaam et de Tanzanie, tuant 224 personnes, dont des Américains, et en blessant beaucoup d’autres.

Après avoir examiné la situation sécuritaire mondiale et les propositions du rapport Catoire, le Pentagone a commencé à adopter l’idée d’établir un commandement de sécurité unifié en Afrique, ouvrant la voie à la création d’AFRICOM, qui a été déclarée pleinement prête en octobre 2008.

En annonçant la création de l’AFRICOM, l’ancien président américain George W. Bush, en février 2007, avait affirmé ses objectifs stratégiques en déclarant: « Le Commandement africain s’efforcera de renforcer notre coopération en matière de sécurité avec l’Afrique et de créer de nouvelles opportunités pour renforcer les capacités de nos partenaires sur le continent ».

Il a ajouté: « Cela contribuera à renforcer nos efforts pour parvenir à la paix et à la sécurité des peuples d’Afrique et à soutenir nos objectifs communs en matière de développement, de santé, d’éducation, de démocratie et de croissance économique ».

• 2 – La Légion africaine russe: une nouvelle stratégie d’influence et un tournant vers l’Afrique

La politique étrangère russe cherche à renforcer sa présence sur le continent africain dans le cadre de ses objectifs stratégiques pour l’année 2023, dans un contexte de concurrence avec l’influence américaine et française, ou ce que l’on peut qualifier de concurrence stratégique hors du cadre traditionnel de l’éclatement de la Russie.

C’est ainsi que le conflit en Ukraine a contribué à accroître l’importance du rôle de la Russie en Afrique, car il est considéré comme un moyen de déplacer sa confrontation avec les puissances occidentales au-delà des frontières géographiques de la Russie.

Cela s’accompagne de l’ambition croissante de Moscou de devenir un allié majeur des pays africains et un outil pour attiser le sentiment antioccidental, et transformer le continent africain en une arène majeure de compétition stratégique mondiale entre lui et les pays occidentaux.

Cela coïncide avec l’intention des autorités russes de former des forces militaires spéciales connues sous le nom de « Corps africain » à l’été 2024. Il s’agit d’une annonce révélée au début de cette année et qui reflète la volonté de Moscou d’étendre son influence militaire dans un cadre juridique et public pour faire face au déclin significatif de l’influence européenne et américaine, en se présentant comme un défenseur de l’indépendance des pays africains contre la polarisation européenne.

Parmi les objectifs stratégiques de la Russie en Afrique, on retrouve celui de « Relations modernes entre Moscou et l’Afrique ».

De facto, la situation économique et politique tendue en Russie, qui a suivi l’effondrement de l’Union soviétique, a conduit à une réduction significative de la présence russe sur le continent africain. En conséquence, la plupart des pays africains qui dépendaient auparavant du soutien soviétique furent contraints d’abandonner la voie du développement socialiste et de rechercher de nouveaux alliés. Cependant, depuis le début du XXIe siècle, les entreprises russes ont commencé à investir et à développer leurs activités en Afrique.

Ces investissements comprennent:
– Extraction minière (Guinée et République Centrafricaine).
– Usines métallurgiques (Nigéria).
– Centrales nucléaires (Egypte).
– Centrales hydroélectriques (Angola)
– Oléoducs (Algérie).

Humiliée tant de fois dans la région du Sahel africain, la France tente de réussi un coup de « dé » après avoir accouché de l’idée de création d’un « Commandement pour l’Afrique » pour tenter de refaire surface et revenir en force pour mettre de nouveau « pied à terre » sur le continent brun, afin de ne pas laisser ses concurrents faire cavaliers seuls dans les pays qui étaient des colonies françaises auparavant.

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