Panafricanisme, mythe et identité

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Panafricanisme, mythe et identité
Panafricanisme, mythe et identité

Africa-Press – Togo. Grâce aux réseaux sociaux, les Africains, de plus en plus, se désinhibent de leurs complexes d’aliénation vis-à-vis de l’Occident. L’histoire officielle est souvent la version controuvée du vainqueur. Mais à travers les réseaux sociaux, la voix de l’Occident, jadis unique, en tant qu’expression de sa pensée, de son idéologie suprémaciste et conquérante, est aujourd’hui énergiquement contrebalancée par la voix forte des opprimés africains.

Cette voix africaine qui doit être aussi une voie vers le futur, s’exprime dans l’espace public à travers trois concepts que sont le panafricanisme, le mythe d’un passé glorieux (donc d’un présent fait d’échecs) et l’identité.

Du panafricanisme

L’Afrique contemporaine, au vu de la faiblesse de l’offre idéologique interne, est noyée sous un flot incontrôlable d’offres idéologiques d’origines diverses qui l’affaiblissent. Ces offres viennent de l’Occident pour l’essentiel. La prolifération des sectes chrétiennes et musulmanes dont les manifestations extrémistes sont le fanatisme sectaire et le djihadisme, les spiritualités asiatiques, des mœurs étrangères contraires à certaines de nos valeurs, la mode, les idéologies politiques européennes du XIXème siècle (socialisme, communisme, libéralisme, capitalisme, fascisme, trotskisme, nationalisme, etc., accaparées sans réflexion par la classe politique africaine sans grande imagination, engluée dans le suivisme colonial et la cancrerie), le rejet de nos cultures par des néophytes écervelés dont la conversion fanatique et approximative établit une hiérarchie culturelle et idéologique qui place, comme l’avaient fait les colons criminels, l’Afrique toujours au bas de l’échelle par rapport au modèle occidental frauduleusement imposé comme incontournable.

Ce constat d’aliénation fait de complexes d’infériorité et qui révolte de plus en plus les Africains par rapport à leur dignité, a trouvé une réplique défensive à travers une forme de panafricanisme transformé en une arme idéologique défensive. Cette vision d’un panafricanisme défensif est une erreur dès lors que ses adeptes sont dans la réaction par rapport aux “agressions politico-idéologiques” de l’Occident arrogant. La réaction ne propose rien en dehors des insultes et des rancœurs qui sont la manifestation d’une grande impuissance face à l’”ennemi”.

Le populisme extrémiste qui s’est imposé lors des coups d’État militaires en Afrique de l’ouest, lesquels ont été des occasions d’affrontements entre des puissances étrangères impérialistes (France, Russie, États-Unis d’Amérique, Union européenne) sur le continent africain, a souvent rendu inaudibles des analyses de fond au niveau des débats au profit des anathèmes, du racisme et de la xénophobie. Mais ce populisme ne s’est jamais soucié de savoir si les putschistes ont un programme de développement en voulant s’éterniser au pouvoir pour ses délices, dans des transitions qui s’éternisent. La montée d’un pouvoir kaki médiocre et liberticide n’est que l’expression de l’échec des politicards civils qui ont conforté le néocolonialisme et les mœurs politiques mafieuses. Ils sont responsables de la régression généralisée des démocratisations en cours sur le continent.

Le panafricanisme en tant qu’idéologie, s’il se veut porteur, doit définir clairement son public, ses ennemis et son objectif. Il doit être porteur d’espérance pour rallier le suffrage des peuples africains spoliés et opprimés sous des gouvernances kleptocrates, criminelles et médiocres à la solde de l’étranger. Gouvernances crapuleuses dont le bilan est un océan de misère et d’obscurantisme.

Une idéologie panafricaniste recroquevillée sur un passé prétendument glorieux, ne peut construire un pays, encore moins un continent. Pourquoi avions-nous été colonisés? Parce que nous étions colonisables au moment de la rencontre avec les Européens. Qu’est-ce qui doit être corrigé? Et comment? Ce sont là des pistes de réflexion pour un panafricanisme libérateur et non bavard et démagogique.

Nous adorons l’égyptologie qui décrit un pan du passé de l’Afrique, un passé mort, mais nous souhaitons aussi que nos nations vivantes (que les colons ont baptisé ethnies ou tribus) qui n’ont pas érigé de pyramides défiant le temps, puissent aussi faire l’objet de recherches, de réflexions sur leurs cultures vivantes. Le passé doit éclairer le présent afin que nous n’entreprenions pas la quête de nous-mêmes en aveugles.

Ce face à soi est incontournable; il ne peut être différé éternellement. Cette introspection nous permettra d’établir le pont temporel entre le passé, le présent et l’avenir. Nous ne devons pas oublier que nous travaillons pour le présent mais aussi pour le futur: la transmission de l’héritage générationnel. Comment ne pas s’indigner quand nos manuels scolaires d’histoire font implicitement débuter l’histoire des peuples africains avec la colonisation de l’homme blanc! Le terrain de la recherche historique est vaste pour combler les zones d’ombres. Que les États africains mettent les historiens au travail en leur accordant les moyens de la recherche.

L’option de la vérité est incompatible avec le recours aux mythes, au passéisme, aux illusions et donc à beaucoup de mensonges.

2. Du mythe

Le mythe présente la société telle qu’on voudrait qu’elle soit. C’est une conception de l’esprit en total divorce avec la société réelle et le présent. Au niveau d’un projet de libération et de développement, c’est comme si les tenants du mythe proposaient de poser les fondations d’un immeuble sur du sable. Il s’écroulera infailliblement.

Des gens qui n’ont jamais fait d’égyptologie, ramènent tout et n’importe quoi à l’Égypte antique dans l’anachronisme le plus total, manifestant de la sorte une ignorance crasse qui débouche souvent sur un infantilisme débile. Le bon sens requiert que l’on étudie d’abord ce dont on veut parler avec compétence et crédibilité. Parler aux peuples africains dans une situation de domination, exige qu’on lui dise la vérité pour réfuter les mensonges des régimes fantoches d’oppression et de l’impérialisme, qu’on lui propose de vrais projets politiques et économiques émancipateurs.

On ne combat pas le mensonge par le mensonge. Beaucoup de soidisant “influenceurs”, de véritables maquignons, s’inscrivent dans ce créneau de la manipulation. En croyant défendre l’Afrique par le mensonge, ils l’enfoncent au contraire en disqualifiant le discours panafricaniste par un côté farfelu propre aux médiocres, aux cancres et aux affabulateurs. La tâche qui incombe à tous les Africains qui se situent sur le front de la libération, est si vaste qu’elle n’a pas besoin de mensonges. Le projet politique ne peut faire l’économie de l’identité.

3. De l’identité

Le projet politique adossé à une vision ne se fera pas par le mythe mais par l’étude de nos sociétés multiethniques, de nos cultures et de nos langues. C’est en les réhabilitant que l’on extraira nos identités ethniques de la gangue asphyxiante des préjugés et de l’aliénation. Deux écueils menacent présentement le panafricanisme : son image passéiste auprès des jeunes et des anciennes générations, d’une part, et le populisme brouillon et opportuniste, d’autre part. Consacrer l’essentiel de son énergie à combattre les impérialistes en oubliant ses suppôts au pouvoir, c’est une façon de conforter l’idée selon laquelle tous nos malheurs viendraient de l’extérieur. Cette vision erronée fait l’affaire des régimes fantoches. Tant que l’ennemi n’est perçu qu’au dehors, ils sont tranquilles. Les sectes religieuses qui prolifèrent jouent exactement ce rôle en culpabilisant les croyants par rapport à leurs malheurs.

Au lieu de leur désigner les vrais responsables politiques de leurs malheurs, ils sont sommés de s’agenouiller et de prier afin de quémander le pardon divin des péchés qui ont généré leur misère !!!

En demeurant pauvre, l’Afrique verra ses cultures et langues s’appauvrir dans la dépendance extérieure qui lui imposera d’autres modèles culturels et les langues de domination actuelles.

Combien sont-elles les élites africaines qui connaissent suffisamment bien leurs cultures et leurs langues, faute de les avoir apprises à l’école ? Il s’agit là d’un immense chantier qui ne doit pas être pris à la légère. Avis aux autodidactes. C’est dire que les faux panafricanistes doivent laisser un peu l’Occident pour exiger des dirigeants africains fantoches et aliénés, la cessation de l’enseignement colonial qui a enterré nos langues et nos cultures. Elles doivent avoir une place essentielle dans l’éducation nationale en tant que facteurs de culture et de développement.

Le panafricanisme ne saurait être un show, une diversion à la mode qui va se dégonfler comme une baudruche du jour au lendemain, mais un projet libérateur de développement scientifique, technologique et intellectuel porteur d’espérance. Les élites intellectuelles doivent aider à déchirer l’immense voile de résignation et de désespoir qui incite une partie non négligeable de notre jeunesse à choisir le suicide dans le désert du Sahara et dans la Méditerranée en quête d’un Eldorado improbable en Europe.

Le panafricanisme qui est une expression idéologique pour combattre la descente aux enfers du continent par la libération, doit réfléchir à la transformation de nos pays en pays développés et industrialisés en une génération comme l’ont fait la Corée du Sud et Singapour. Le pire ennemi du panafricanisme est cet ersatz de panafricanisme caviar, une étiquette aguicheuse que des traîtres politiques ont exhibé au pouvoir et autour du pouvoir pour abuser les masses africaines depuis les indépendances truquées de 1960. Ces panafricanistes voyous, sans programme, ont fait prospérer le néocolonialisme, la dictature, la françafrique et les réseaux mafieux. Ils sont les amis des ennemis de l’Afrique. Ils ont gravement terni l’image du panafricanisme.

Il n’y a pas de complexes à avoir: le développement n’est qu’un modèle d’organisation de la société. Là où des humains l’ont réalisé, d’autres humains le réaliseront. Un préalable: montrer la porte de sortie à tous les régimes liberticides ennemis de l’émancipation des peuples africains.

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