Africa-Press – Togo. L’artiste, au-delà de la technique qu’il maîtrise, de par sa fonction sociale, est en quelque sorte un interprète des différents courants d’idées et de l’imaginaire qui traversent une société. Il est un acteur important de l’enrichissement du patrimoine culturel et artistique de son pays. À l’instar de l’intellectuel, certains voudraient voir en lui la voix des sans voix dans les sociétés, surtout quand celles-ci sont en crise. C’est actuellement le cas au Togo après l’incarcération du rappeur Aamron qui a vertement accusé le dictateur Faure Gnassingbé d’être le premier responsable de la misère et de tous les malheurs d’un pays qui se traîne sur les genoux.
Indignés par l’incarcération d’un artiste qui s’est fait le porte-voix des déshérités en dénonçant les injustices et la corruption de la classe dirigeante, les Togolais avides de changement, ont pris fait et cause pour lui sur les médias et les réseaux sociaux tout en s’indignant du silence assourdissant de certains artistes de renom. Le public doit comprendre que ceux qui se taisent ont, pour beaucoup, un long fil de dépendance à la patte du côté de la « minorité pilleuse ». Ils ne sont pas libres, parce qu’ils sont corrompus. Ils ont fait allégeance à ceux que vomissent l’immense majorité des Togolais. Malgré le fait que les Togolais les ont aidés à bâtir une certaine fortune en consommant leurs productions artistiques, ils se comportent comme la « minorité pilleuse » en méprisant le petit peuple. Nos malheurs, nos pleurs et nos souffrances ne les concernent pas. Eux, ils habitent sur un nuage, loin des vicissitudes de leurs concitoyens pour lesquels se soigner est un problème. Manger pour certains est un sujet de stress. Scolariser les enfants, payer les loyers, s’acquitter des frais d’électricité, d’eau, de transport, relèvent de la gageure. De tout cela, les artistes bien en cour, se foutent royalement, emmurés dans leur égoïsme et leur médiocrité. De certains, on dit que, même quand ils ne foutent rien, sont au chômage, ils perçoivent des enveloppes bien dodues de leurs maîtres.
Pourquoi exiger que ces individus se prononcent en faveur du peuple? Suite aux pressions sociales, certains artistes, hypocritement, ont timidement supplié pour demander la liberté d’Aamron tout en le faisant passer, insidieusement, pour un irresponsable. Ce faisant, ils pensent à leurs intérêts et aux prébendes dont ils sont coutumiers. Ils ne peuvent pas se permettre de cracher dans la soupe, car elle est bonne, la soupe !
À l’opposé de ces individus opportunistes, il y a toujours eu des artistes engagés malgré la galère qu’on organise pour eux. Ils sont fidèles à leurs postes sur les réseaux sociaux pour s’emparer de la cause du peuple. J’ai souvenance, il y a quelques années, suite aux tripatouillages de la constitution et des élections, que beaucoup de citoyens s’interrogeaient sur l’absence éhontée des enseignants universitaires sur les médias pour se faire entendre en leur qualité d’élites de la nation. Ils n’avaient pas tort, les auditeurs. Les élites intellectuelles ont toujours été considérées comme les défenseurs du peuple partout et toujours. Qui peut prétendre conscientiser des profs d’université? Ils font partie de la categorie la plus consciente politiquement d’un pays. S’ils ne se prononcent pas, c’est par calcul mesquin et opportuniste. Lorsque certains se sont sentis obliger de suivre le mouvement démocratique, ils furent parmi les grands traîtres qui ont troqué leur boubou de la cause du peuple contre un boubou puant de souillure. Il est impossible de compter ceux qui sont devenus des ministricules et autres responsables d’institutions (des coques vides du système dictatorial) illégitimes au sein du monde universitaire et politique (les faux opposants). C’est la politique alimentaire jouissive. Nos élites crapuleuses adorent ça. Des citoyens conscients et qui aiment leur pays, personne ne peut les forcer à s’engager aux côtés du peuple. Si on leur force la main, ils seront les premiers à trahir. La longue expérience de la lutte de libération du peuple togolais, depuis les années 1990, nous l’a démontrée à foison. Les traîtres au sourire banania fendu jusqu’aux deux oreilles, sont incomptables au sein de la société civile, de la société politique et à l’université.
L’artiste, le vrai, est une mémoire du pays dans la mesure où il se fait l’écho de l’imaginaire collectif. D’où vient que j’ai l’habitude de dire que l’art est la photographie d’une époque dans le négatif comme dans le positif. C’est pourquoi, il y a toujours eu des artistes ennemis du peuple qui participent avec leur art à l’oppression de leurs concitoyens; tandis que les artistes qui sont les amis du peuple, contribuent à sa libération.
Après tout, que représentent ces individus pour qu’on s’en inquiète tant? La plupart d’entre eux ne pèsent même pas le poids d’un pet de chien. Chuia !
Ayayi Togoata APÉDO-AMAH
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Togo, suivez Africa-Press