Affaire Bolloré: Plainte Panafricaine sur Corruption

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Affaire Bolloré: Plainte Panafricaine sur Corruption
Affaire Bolloré: Plainte Panafricaine sur Corruption

Africa-Press – Togo. Des ONG africaines demandent la restitution des profits indûment tirés de la concession portuaire obtenue par le groupe français Bolloré au Togo, à la faveur d’arrangements politiques et financiers jugés opaques.

Le passé semble rattraper les acteurs d’un système longtemps dénoncé au Togo sans suite. Quinze ans après la réélection controversée de Faure Gnassingbé en 2010 et l’attribution dans des conditions douteuses du terminal à conteneurs du Port autonome de Lomé (PAL) au groupe Bolloré, l’affaire rebondit sur le plan judiciaire en France. Un collectif de onze ONG africaines, regroupées sous le nom de Restitution pour l’Afrique (RAF), a déposé le 18 mars 2025, une plainte contre le groupe Bolloré, son fondateur Vincent Bolloré, son fils Cyrille Bolloré et d’autres personnes non identifiées, devant le Parquet national financier (PNF) à Paris.

L’objet de la plainte? Recel et blanchiment de biens obtenus par des infractions économiques, en particulier dans le cadre de la concession du port de Lomé. Pour les plaignants, le groupe Bolloré aurait mis en place un « pacte de corruption » avec les autorités togolaises de l’époque, dans le but de sécuriser, puis de rentabiliser l’exploitation de cette infrastructure stratégique.

Quand Bolloré finançait la campagne de Faure Gnassingbé

L’affaire avait déjà fait grand bruit. En 2018, une enquête judiciaire ouverte en France avait révélé que l’agence Havas (ex-Euro RSCG), propriété de Bolloré, avait fourni des services de communication à prix cassés, voire gratuitement, pour la campagne présidentielle de Faure Gnassingbé en 2010. En contrepartie, le groupe Bolloré obtenait une mainmise sur la gestion du terminal à conteneurs du port de Lomé via sa filiale Togo Terminal, dans des conditions dénoncées comme frauduleuses.

La justice française avait retenu à l’époque une entente illégale impliquant Vincent Bolloré, Gilles Alix (directeur général de Bolloré) et Jean-Philippe Dorent (responsable Afrique d’Havas). En 2021, une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) avait permis au groupe d’éviter un procès contre le versement d’une amende de 12 millions d’euros. Mais le volet pénal visant Vincent Bolloré personnellement est resté ouvert, et le PNF a requis un procès en juin 2024.

Pour les plaignants, cette convention n’efface en rien les préjudices subis par les pays concernés. Et en particulier le Togo. Le collectif RAF estime que l’attribution de la concession portuaire a été entachée d’irrégularités graves, dans un contexte où le pouvoir exécutif togolais utilisait les ressources nationales comme monnaie d’échange pour consolider son règne.

Les ONG s’appuient notamment sur la vente par Bolloré Africa Logistics, en 2022, de toutes ses activités logistiques en Afrique au groupe MSC pour la somme faramineuse de 5,7 milliards d’euros. Une part importante de cette richesse, générée notamment par l’exploitation du port de Lomé, aurait été « bâtie sur un socle d’illégalité ».

« Ce que nous dénonçons, c’est que le groupe Bolloré a obtenu un actif stratégique de manière frauduleuse, en échange de services politiques. Et que les profits qu’il en a tirés sont aujourd’hui blanchis par des opérations commerciales parfaitement légales en apparence », affirme l’avocat du collectif, Maître Christophe Marchand.

Le Togo, épicentre du « système Bolloré »

Le Togo figure au centre des préoccupations de cette plainte. Selon les ONG, le régime togolais aurait sciemment favorisé le groupe français, en contournant les procédures normales d’attribution, sans appel d’offres transparent ni audit indépendant.

Dans le dossier judiciaire initial, des révélations avaient également pointé l’implication de personnalités togolaises proches du pouvoir dans les montages logistiques et juridiques ayant permis au groupe Bolloré de sécuriser ses positions au port.

Le collectif RAF dénonce aussi l’absence de retombées réelles pour les populations togolaises, malgré les bénéfices colossaux générés par le terminal à conteneurs. Le Togo « a été bradé au profit d’un groupe qui n’a rendu aucun compte au peuple togolais, ni à l’Assemblée nationale, ni à la société civile », relèvent-ils.

La plainte déposée vise précisément à ce que la justice française enquête sur le blanchiment et le recel des biens issus de cette opération, afin de confisquer une partie des profits réalisés et d’initier une procédure de restitution au profit des pays lésés, dont le Togo.

Pour Jean-Jacques Lumumba, ancien banquier devenu lanceur d’alerte, aujourd’hui coordinateur du collectif RAF, « il est temps de mettre fin à l’impunité des corrupteurs. Pendant que des groupes étrangers se partagent les richesses des pays africains en complicité avec certains dirigeants locaux, ce sont les citoyens qui endurent pauvreté, chômage et désespoir »

La plainte a été officiellement enregistrée par le PNF, qui n’a pas encore ouvert d’information judiciaire, mais l’affaire pourrait rebondir très prochainement. Elle s’inscrit dans une dynamique de justice transnationale que plusieurs ONG panafricaines souhaitent instaurer pour lutter contre la corruption à double sens: celle des dictatures locales et des multinationales occidentales.

Pour rappel, Restitution Afrique (RAF), un collectif dirigé par Jean-Jacques Lumumba réunissant 11 ONG dans 6 pays africains (Togo, Guinée, Ghana, Cameroun, Côte d’Ivoire, RDC) ainsi qu’en France, réclame la restitution de fonds issus d’activités illicites commises par Bolloré SE, Vincent Bolloré et Cyrille Bolloré. L’objectif de l’organisation est de convaincre le Parquet National Financier (PNF) en France d’ouvrir une enquête pénale pouvant mener à un procès public et, en cas de succès, au retour de ces fonds en Afrique.

La plainte pointe les relations privilégiées entre le groupe Bolloré et plusieurs responsables politiques africains, ayant permis au groupe d’obtenir des concessions portuaires majeures à Lomé (Togo), Conakry (Guinée), Douala et Kribi (Cameroun), Tema (Ghana) et Abidjan (Côte d’Ivoire) sans appel d’offres, souvent en échange de soutiens financiers et politiques. J.D.

source: Liberté

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