Manssah: Réponse de L’Afrique À L’Afrique en 2025

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Manssah: Réponse de L'Afrique À L'Afrique en 2025
Manssah: Réponse de L'Afrique À L'Afrique en 2025

Africa-Press – Togo. Qui ne se souvient pas des mots retentissants de la Burkinabè Ragnimwendé Eldaa KOAMA qui, à Montpellier en octobre 2021 lors du fameux sommet France – Afrique ou Afrique – France, a questionné les relations entre la France et les pays africains?

Dans une comparaison significative avec une rare éloquence, elle avait affirmé que si les relations entre la France et l’Afrique étaient comparables à une marmite, celle-ci est bien sale et qu’il faut l’épurer sinon les Africains ne mangeraient plus de la sauce de cette marmite, sale de reconnaissance légère, des exactions commises, de corruption et de non transparence.

Et si on doit vivre ensemble, disait-elle, c’est à travers des collaborations saines.

Ce réquisitoire porté par une femme, signe de maternité et donc de vie, est bien le cri de tout un continent en quête de renaissance depuis des siècles.

Mais peut-on dénoncer l’insuffisance de reconnaissance sous différentes formes dans les relations avec l’Occident, sans œuvrer ardemment et véritablement pour une reconnaissance authentique sur un continent où des citoyens ne sont pas reconnus par leurs propres autorités et où la dignité humaine est constamment mise à rudes épreuves? Peut-on réclamer des autres ce qui n’est

pas sanctuarisé par nos propres institutions sur un continent qui prétend célébrer pourtant la vie? (cf. La clinique de la dignité humaine de Cynthia FLEURY).

N’a-t-on pas parfois le sentiment que le titre du livre de Frantz FANON, Peau noire, masques blancs est renversé, car des Africains sont devenus des bourreaux pour leurs propres frères et sœurs?

La reconnaissance de l’autre dans sa différence ontologique n’est-elle pas un élément essentiel pour un vivre-ensemble? Et le vivre-ensemble n’est-il pas uniquement possible que quand on fait de la justice et de la justice sociale le pilier pour tenir ensemble? Peut-on valablement lutter contre les reconnaissances légères sans être un artisan de la justice sociale? Les besoins élémentaires et indispensables ne font-ils pas partie des biens premiers que la justice sociale doit garantir à tous et pour tous?

La justice sociale, loin d’être une faveur des princes, n’est-elle pas une exigence politique au sens noble du terme et, à ce titre, n’implique-t-elle pas une bonne répartition des biens et des richesses en vue d’une vie décente pour tous dans des conditions existentielles à créer et à améliorer?

Dans sa lettre de septembre 2021, adressée au Colonel Mamady DOUMBOUYA, Président de la Guinée, le Cardinal Robert SARAH écrivait ceci:

» la population guinéenne est sortie dans la rue pour exprimer sa joie et son espoir: espoir de justice, de paix, de redressement réel et de développement, espoir de vivre tout simplement dans un pays normal, une Nation unie et prospère… «

Plus loin, le cardinal affirmait que » la Guinée est dans une situation de pauvreté accrue, malgré toutes les richesses naturelles que Dieu lui a données. »

Le constat de pauvreté malgré les richesses naturelles n’est pas seulement établi pour la Guinée mais il est aussi valable pour tous les pays africains. Et dans ces conditions, on comprend très bien que l’aspiration à la prospérité est légitime pour tous les citoyens dans les États africains. Vivre tout simplement sur un continent prospère, n’est-ce pas le désir de Ragnimwendé Eldaa KOAMA, du Cardinal Robert SARAH et de tout Africain?

Mais, en bon observateur, peut-on dire que Manssah, qui a pris le nom de la figure historique du Grand KANKAN MOUSSA, est porteur et réalisateur de cette aspiration? Ou encore crée-t-il les conditions de possibilité pour la réalisation de cette aspiration si légitime de tout un continent, après une histoire tumultueuse où les Noirs ont souffert de la reconnaissance? Le philosophe Axel HONNETH n’enseigne-t-il pas que le principe de la reconnaissance est un élément fondamental pour le vivre-ensemble?

Manssah, dans ce qui se déploie réellement sous nos yeux, est-il une forme d’invitation au consciencisme de Kwame N’KRUMAH pour redonner la dignité à

tout Africain sans exception? La dignité humaine serait-elle réservée à une catégorie d’Africains? La phénoménologie de Manssah prend-elle en compte les préoccupations des africains pour l’avènement de sociétés justes et équitables?

Le déploiement de l’ intuition Manssah, dans le temps et l’espace africain, est-il vraiment une réponse et une solution adaptées aux diagnostics du continent malade, établis par Tidiane DIAKITÉ?

Manssah, dans ce qui s’ exprime sous nos yeux, peut-il être une réponse pour que l’Afrique ne meure pas, en prenant en compte les préoccupations du philosophe congolais KA MANA dans ses livres: L’ Afrique va-t-elle mourir?, Face à la crise du pouvoir politique en Afrique. Prendre la voie de la renaissance africaine et Les vrais enjeux de la renaissance africaine?

Manssah, en parcourant les différents pays du continent, est-il une mise en œuvre du titre du livre de Sanou MBAYE, L’ Afrique au secours de l’ Afrique afin d’être capable d’apporter quelque chose aux autres continents comme le suggère Anne-Cécile ROBERT avec son livre L ‘Afrique au secours de l’ Occident, avec l’impression de « au secours » en rouge sur la couverture?

Manssah contribue-t-il à Assainir la vie publique en Afrique. Une éthique politique pour la bonne gouvernance, comme le dit le livre du prêtre salésien Dieudonné Eniyankitan Olabiyi OTEKPO?

Manssah, à la suite de ses tournées, se présente-t-il comme signe-porteur d’une Afrique prospère pour tous et par conséquent de l’ Afrique en marche?

Quand on regarde des vidéos de Manssah, on ne peut ne pas être frappé par la qualité des images, on note le désir de bien faire, de rendre un produit presque parfait ; on peut retenir aussi le souci de mettre la technologie au service de l’information qui se transforme en une série de formation et enfin le sens du professionnalisme dans la réalisation des émissions.

Mais parfois on est frappé par certaines analyses et suggestions qui ne vont pas au fond des problèmes en identifiant rationnellement les vraies causes et à les nommer avec courage. S’il est vrai que tout être humain ne s’humanise qu’à travers les prismes d’une culture qui lui permet d’être au monde, tous les éléments de la culture ne peuvent pas être, ipso facto, considérés comme des valeurs, d’où la nécessité du débat public.

Dans ce cas, l’un des enjeux pour notre Afrique n’est-il pas la nécessité d’un espace public contradictoire, sécurisé et sécurisant, un espace public qui fait, comme chez les Grecs, la promotion de la parole rationnelle et qui conduit à la reconnaissance du meilleur argument même quand il vient de ses adversaires politiques? Un espace public qui promeut l’esprit critique ne

doit-il pas être garanti pour tous les citoyens? Serait-il encore espace public s’il n’est garanti que pour certains?

Manssah assure-t-il l’existence de cet indispensable espace public pour une Afrique en marche ou apparaît-il comme un espace réservé et privilégié? Est-il la traduction en acte de la liberté d’expression, droit fondamental pour tout être humain, ou constitue-t-il une zone exceptionnelle dans un espace public non libéré?

En août 1999, deux jeunes Guinéens Yaguine KOÏTA (15 ans) et Fodé TOUNKARA (14 ans) ont été retrouvés morts dans le train d’atterrissage d’un vol à destination de Bruxelles. Ils ont laissé une lettre qui a ému le monde entier. Voici un extrait de cette lettre adressée aux responsables d’ Europe:

Excellences, nous avons l ‘honorable plaisir et la grande confiance pour vous écrire cette lettre…

Aidez nous, nous souffrons énormément en Afrique, aidez nous, nous avons des problèmes et quelques manques de droits de l’ enfant. Au niveau des problèmes, nous avons la guerre, la maladie, la nourriture etc. Quand aux droits de l’enfant, nous avons des écoles, mais un grand manque d’éducation et d’ enseignement… nos parents sont pauvres….

Nous les Africains, surtout les enfants et jeunes africains, nous vous demandons de faire une grande organisation efficace pour l’Afrique, pour qu’elle progresse.

Ce cri de la jeunesse, normalement force vitale d’un pays et d’ un continent est-il vraiment pris en compte au-delà des émotions? Ne continue-t-il pas de retentir de plus en plus fort sur le continent?

Si Manssah se veut être un cadre de réflexion alors voici quelques questions pour enrichir le débat public.

Si Manssah se veut être un projet qui met au cœur la reconnaissance de la dignité des Africains, par le recours au panafricanisme, alors il me semble que la voie que nous devons, ensemble, tracer dépasse simplement le recours à une figure historique pour une véritable autocritique qui donnera le label d’espoir à un tel projet.

Si penser est aussi une forme « d’interrogation renouvelée sur le sens, une remise en question permanente, un appel constant au dépassement, une tension vers l’ avenir » (Maurice KAMTO in *L’Urgence de la pensée), alors on peut se demander si Manssah est une réponse de l’Afrique à l’Afrique ou bien s’il est une forme de prolongement de Montpellier 2021 sur la terre africaine.

Lomé, le 13 juin 2025

(FOLIKOUE Ekoué Roger, la Joie de la Croix, (RJC))

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