Bis repetita, l’audit du fonds FRSC : Un autre cas d’ingurgitation des ressources de l’État ad kalendas graecas?

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Bis repetita, l’audit du fonds FRSC : Un autre cas d’ingurgitation des ressources de l’État ad kalendas graecas?
Bis repetita, l’audit du fonds FRSC : Un autre cas d’ingurgitation des ressources de l’État ad kalendas graecas?

Africa-Press – Togo. Le Togo sans repère, le règne de l’impunité à nouveau acté par le rapport d’audit de la Cour des comptes du FRSC gestion 2020

Fin janvier 2023, la Cour des comptes du Togo a rendu public son rapport d’audit de la gestion 2020 du Fonds de Riposte et de Solidarité COVID-19 (FRSC) concernant le total des dépenses exécutées en 2020 de 108 247 797 289 F CFA, dont 26 236 847 069 F CFA soit 24.24% du total dédié aux dépenses relatives aux mesures de riposte à la Covid19; et 82 010 950 220 F CFA soit 75,76% consacrés aux dépenses relatives aux mesures de résilience, économiques et sociales ((Programme Novissi, TDE, CEET, SGMT, ministère de l’agriculture (Engrais), ministère du Commerce (Achat de riz) MIFA, ANPGF-PME /PMI, OTR (mesures fiscales et douanières).

Grosso modo, le ministère de la Santé se verra attribuer 8,66%; le ministère de la Sécurité 6,41%, mais produira un dépassement de 23% à la requête de de l’équipe d’audit; le ministère de l’Agriculture a obtenu 15,46%; le ministère du Commerce 8,06% pour l’achat du riz; le ministère de l’Économie numérique 12,17% pour le programme NOVISSI; l’OTR 27,67% pour les mesures fiscales et douanières, l4,19% pour l’impact des mesures sociales CEET et 5,90% pour l’impact des mesures sociales TDE.

La Cour des comptes souligne dans son audit avoir rencontrer les bénéficiaires et les personnes-ressources impliquées dans la mobilisation des ressources et l’exécution des dépenses du FRSC, puis vérifié les réalisations concernées et en outre examinées les procédures administratives et comptables et le système de contrôle interne mis en place par les différentes entités.

L’objectif général de la mission de la Cour est donc d’exprimer une opinion professionnelle et indépendante en vue de donner l’assurance qu’au titre de l’exercice budgétaire 2020, les ressources mobilisées à travers le FRSC sont utilisées conformément aux clauses des accords de dons et prêts d’une part, et dans le respect des textes en vigueur et de ceux pris dans le contexte d’urgence sanitaire, d’autre part.

Il n’est surtout pas anodin de rappeler que selon la Cour des comptes, les audits sont prévus dans le cadre du protocole d’accord de dons et de deux accords de prêt signés le 20 août 2020 entre le Togo et le fonds africain de développement d’une part et la Banque africaine de Développement d’autre part; notamment aux articles VIII section 8.03.

La Cour a examiné les observations et a procédé à la reformulation ou au retrait d’observations en cause, après avoir préalablement transmis au ministre de l’Économie le rapport d’observations provisoires d’audit et des Finances dans le cadre de la contradiction. Malgré tout, le rapport d’observations définitives rendu public, qui est la version corrigée, fait 34 observations liées aux irrégularités, manquements, insuffisances et de limites du dispositif de contrôle interne qui laissent pantois. On est en droit de se demander quelle est alors l’étendue des manquements pointés dans la version initiale.

L’une des limites soulignées dans cet audit est l’inaction ou la réaction tardive de certains acteurs impliqués dans la gestion des fonds, dans la production des informations demandées; notamment le ministère de l’Économie numérique et les responsables des deux sociétés de téléphonie mobile (Moov Africa et Togocom. Par exemple les informations relatives à l’exécution du Programme NOVISSI transmises par le biais de la DGTCP, ne sont parvenues à la Cour que le 20 décembre 2021 lorsque le rapport provisoire d’audit était en cours d’adoption. Et le directeur général de Moov Africa Togo n’a fait parvenir à la Cour une correspondance contenant les informations requises que le 26 janvier 2022 soit un mois après la transmission du rapport provisoire au MEF. Quant au DG de Togocom, il n’a pas du tout répondu.

Pire, ce rapport relate des usages à des fins autres que prévues, de dépassements de compétences, de mauvais usage de fonds publics, de dépenses sans lien direct avec le cadre de la mise en œuvre des mesures de riposte contre la Covid 19, d’absence de lettres de commande ou de documents de marché ou de bon, d’absence de tout autre document justifiant l’engagement de l’État dans ce processus d’acquisition de riz, d’absence de cartes d’opérateurs économiques et de quitus fiscaux, d’absence des pièces justificatives de régularisation de dépenses, d’absence de PV de réception et de factures non certifiées, de même que des marchés non encore réceptionnés malgré l’expiration des délais d’exécution.

Aussi il y est rapporté que dans le cas des structures d’hébergement, normalement il revenait au ministre responsable du tourisme de dresser la liste des hôtels par décision. Pourtant, ce ne fut pas le cas et des structures d’hébergement utilisées appartiennent à certains membres des CLGR COVID-19 et certaines ne disposent pas de la décision de réquisition, surtout à l’intérieur du pays et d’autres ont produit des réquisitions délivrées par le Préfet en lieu et place du ministre du Tourisme. La Cour parle donc des réquisitions irrégulières, douteuses et inutiles. Pire encore, en termes d’auberges, certaines ne le sont que de nom et d’autres sont insalubres et inadaptées ou sont des villas et maisons d’habitation, des campements, des gites, etc.

C’est tout naturellement que ces éléments du rapport d’audit soulevèrent plus que l’ire du citoyen lambda. Mais malgré tout ce cocktail indigeste et contre toute logique, aussitôt le 9 février un communiqué du gouvernement se réjouit du fait que dans la conclusion du rapport il y est indiqué que les dépenses relatives aux mesures barrières, de riposte ou sanitaire sont conformes, régulières et sincères. De l’avis du gouvernement, la Cour mentionne que les ressources mobilisées à travers le FRSC sont utilisées conformément aux clauses des accords de dons et de prêts d’une part et dans le respect des textes en vigueur dans le contexte d’urgence sanitaire d’autre part.

Quelques jours après, un 2e communiqué du gouvernement essayera encore de préciser davantage les choses, vu la perplexité des citoyens. Tout compte fait, ces communications de l’exécutif togolais minimisèrent les manquements pointés dans le rapport qui ne seraient que quelques problèmes de procédure ou de processus, liés à l’urgence de la situation. Donc pour la minorité gouvernante la production de ce rapport traduit un fonctionnement normal des institutions de l’État et de surcroit sa volonté de transparence. Si pour le gouvernement toutes ces irrégularités soulevées dans cet audit relevaient de la normalité, c’est donc un curieux de normalité; indubitablement une normalité hors normes. Le Togo devrait alors être comparé à un avion sans pilote et radar, oh désespoir…

Aussi, le porte-parole du gouvernement et ministre de la Communication et des Médias, Prof. Ayewouadan Akodah, prendra rapidement les médias et entamera une opération de charme ou de « domage control ». Dans cette optique il déclarait le jeudi 9 février sur les plateaux de New Word TV que ceux qui exploitent le rapport ne l’ont surement pas lu ou l’ont mal lu. Il mettra tout sur l’urgence de la situation et le souci d’aller vite. Alors certains contrats étaient passés sous le droit anglais qui imposait un processus plus léger. Est-ce que l’extension de certains de ces contrats à l’interne comme la supposée revente des 31500t de riz aux grossistes fut aussi soumise au droit anglo-saxon? Bref, il a plutôt mélangé l’huile à l’eau, en voulant ajouter de l’eau dans son « Gnamakoudji ».

Et c’est dans le contexte de ce rapport d’audit que s’est déroulé le jeudi 9 février 2023, la prestation de serment devant les magistrats de la Cour suprême du Togo du nouveau Président de la Haute autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HAPLUCIA); le magistrat Kimelabalou Aba nommé par décret n°2023-13/PR du 24 janvier 2023. À cette occasion, le Président de la Cour Suprême Abdoulaye YAYA déclara que « la minorité pilleuse qui a été dénoncée dans ce pays est devenue une majorité prédatrice tentaculaire, et à cette allure, personne n’est en sécurité… En dehors du football, la corruption est devenue le sport national ». Quand le Président de la Cour Suprême, qui n’est d’ailleurs pas à son premier cri de cœur contre la corruption, arrive à ce constat, qu’attendent alors les autorités togolaises pour mettre le pied dans la ruche contaminée.

En passant, il importe de remarquer curieusement que les derniers changements à la tête de HAPLUCIA coïncident avec le dévoilement de scandales. Ainsi Essohana Wiyao le précédent président de HAPLUCIA fut nommé en 2017 par le décret 2017-003/PR dans le contexte des scandales de la route Lomé-Voga-Anfoin et du rapport d’expertise des fonds de la CAF. Il y a des hasards qui sont plus que des hasards, dit-on.

Toujours, dans cette gymnastique ou contorsions et les tentatives de dompter l’indignation et la levée de boucliers généralisée face aux faits signalés dans ce rapport d’audit des fonds FSRC, le gouvernement fera convoquer le 21 février 2023 une session extraordinaire du Parlement en vacances. Durant cette session les ministres indexés se livreront à une séance de striptease communicationnelle dont seule cette minorité gouvernante a le secret. Il y a eu plus ou exclusivement d’explications de processus et de procédures en lieu et place de preuves, de bilan, de faits, etc.

Il aurait été souhaitable d’avoir ce qui a été fait réellement et comment, bref un état des lieux. Toutefois, dans le contexte de mécontentement persistant suscité par les irrégularités documentées dans le rapport de la Cour des comptes, et peut-être pour fermer la trappe à certains porteurs de la colère populaire, subitement de vieux dossiers sont réactivés contre certains journalistes. Encore une fois, ça ne semble pas du tout fortuit, dans la mesure où certaines autorités ont proféré des menaces à peine voilées. Mais la mémoire des peuples est pérenne.

Quelques cas absurdes, burlesques pour se faire une idée du drame togolais

Quand ils se sont fait convoquer devant le Parlement le 21 février 2023, le ministre du Commerce Kodjo Adedze expliquera que les 31500t de riz ont été commandées pour éviter une rupture de stock, car le Togo ne disposait plus que de 4 mois de stocks de riz en ce moment-là. Il ajoutera que le gouvernement avait aussi accordé près de 1 300 00 000 FCFA de subvention dans le cadre de cette commande de 31500t de riz afin de rendre le prix abordable et accessible aux couches vulnérables.

À partir des pièces mentionnées dans l’audit, on comptabilise aisément 10 mois de délai, de la commande jusqu’à la manutention. On remarque facilement que la commande aurait été faite en mars et curieusement au jour zéro (pièce OP20-01-002383 du 0/3/2020); l’ordre de transfert a été fait fin août (le 28/08/2020) et la manutention réglée en décembre (4/12/2020); soit à 10 mois d’intervalle. Mais là encore on ne sait pas quand ce riz a été réellement mis sur le marché et par l’entremise de quels grossistes ou acteurs. Nonobstant, il n’y avait pas eu vraisemblablement de rupture de stock durant cette période, malgré que selon les dires du ministre, on n’aurait eu que 4 mois de stocks au moment de la commande. Curieux, n’est-ce pas?

Faisons un petit calcul qui rend la situation encore plus absurde qu’elle ne parait. Apparemment il y a eu le 0 mars 2020 une commande de 31500 tonnes de riz pour un montant de 8 601 390 000 FCFA, soit 273,06 FCFA le kilogramme de riz; avec un ordre de transfert No 0223441 du 28 août 2020. Et la commande passée avec OLAM aurait été fait selon le système anglophone et donc la signature apposée par le ministère du commerce valait contrat ou convention. Puis le règlement de 413 965 348 FCFA (soit 13,14 FCFA de manutention par kg de riz) de factures de manutention de Bolloré OP20-01-003422 est en date du 4 décembre 2020. Le coût de revient du riz après manutention serait de 9 015 355 348 FCFA, soit 286,20 FCFA/kg; donc 14310 FCFA pour le sac de 50kg de riz et 7155 FCFA pour celui de 25kg.

Le tout devient encore plus cocasse, quand on prend en compte les 1 300 000 000 FCFA de subvention évoquée par le ministère du Commerce devant les parlementaires. Ainsi le coût de revient (9 015 355 348 FCFA moins 1 300 000 000 FCFA de subventions) serait alors de 7 715 355 348 FCFA pour les 31 500t de riz. Au final, on aurait 244,93 FCFA/kg soit 12246 FCFA le sac de 50 kg et 6123,25 le sac de 25 kg de riz. À moins que la subvention soit appliquée autrement. Et on aimerait en être éclairé.

Encore plus, précisons que le site republiquetogolaise.com annonçait le 7 mai 2020 que le ministère du commerce via décret a stabilisé et plafonné les prix de plusieurs denrées et des matériels de protection et à titre d’illustration le sac de 50 kg du riz 5% brisure thaïlandais est fixé à 18 500 FCFA, celui du riz 25% brisure pakistanais, à 17 200 FCFA. Le Ministère exhortait alors les opérateurs économiques aux respectent de ces dispositions.

Pourquoi alors l’État aurait cédé en temps de crise à des grossistes privés une commande dont le coût de revient hors subventions est de 286,20 FCFA/kg (14 310 FCFA le sac de 50kg); et avec la subvention le coût serait de seulement 12 246 FCFA le sac de 50 kg; au moment où le même gouvernement fixe le sac de 50 kg du riz 5% brisure thaïlandais à 18 500 FCFA, celui du riz 25% brisure pakistanais à 17 200 FCFA. Prenons simplement le fait que le Porte-parole du gouvernement parlait d’opérations à coût nul, alors le fruit ou retour de cette transaction est comptabilisé où?

Comment comprendre cet imbroglio qui ne dit pas son nom. Le prix de revient est moins que le prix fixé par l’État, mais le riz serait confié à des grossistes pour être vendu plus cher aux citoyens; en période pandémique? Expliquer nous comment est-ce possible et le but recherché?

L’Agence nationale de la sécurité alimentaire (ANSAT) aurait facilement dû revendre ce riz au coût de revient (14 310 FCFA le sac de 50kg), moins que le prix du marché fixé par décret (18 500 FCFA le 50 kg 5% brisure thaïlandais et 17 200 FCFA le 50 kg 25% brisure pakistanais). Ce qui représente une marge supplémentaire de 20,19 à 29,28%, pire une gratification, pour les supposés grossistes et conséquemment un trop payé pour les consommateurs démunis. L’autre question est quand ce riz a été mis sur le marché et par qui.

Ce ministère fait 37 dépenses de divers COVID pour un montant de 111 800 000 sans pièces justificatives, dont un logo cadre COVID à 15 550 000 FCFA et des achats de cartons de boite de gants pour 225 000 000 et de 120 000 masques pour 60 000 000 FCFA; sans lettre de commande, de PV de réception et de carte d’opérateur économique et quitus fiscal.

Le ministre de la Sécurité Yark Damehame déclarera le 21 février 2023 devant les parlementaires que le Logo aurait coûté finalement 150 000 FCFA et non les 15 550 000 FCFA qui incluaient les T-shirt et autres. Ces détails n’ont pas été fournis, même dans le contradictoire et c’est seulement suite à l’indignation générale, que cette explication verbale serait disponible. Le tableau 4 du rapport d’audit mentionne que le ministère de la Sécurité a fait 396 800 000 FCFA de dépenses d’achats divers sans pièces justificatives, donc un fouillis sans détails. C’est plus qu’une boite à pandore, Monsieur le Ministre. Seriez-vous de l’autre côté de la barrière, auriez-vous accepté cet état de choses sans plus?

Il dépense 36 519 000 FCFA pour l’achat du haricot et d’huile végétale d’un fournisseur ne disposant pas de quitus fiscal ni carte d’opérateur; et 48 398 000 FCFA d’achat de vivres dans les mêmes conditions; soit un global de 84 917 000 FCFA d’achat de vivres, mais pour quelles fins et dans quelles conditions?

Même le ministère de l’Économie, la structure par excellence de normes de transactions et connexes, dépense 84 935 000 FCFA en achat de gels et de masques sans lettre de commandes, facture pro forma, PV de réception et pièces justificatives non transmises au comptable de rattachement.

La cour relève des marchés passés par entente directe avec l’autorisation de la DNCMP et des Partenaires techniques et financiers; à l’appui l’exemple de 10 marchés donnés ainsi par le ministère de la Santé et de l’hygiène publique pour un total de 11 002 153 623 FCFA.

Par exemple, le ministère du Développement à la base, de l’Artisanat et de la Jeunesse est attributaire d’un marché du Ministère des enseignements primaire, technique et de l’artisanat et par entente directe, entre autres; ce qui constitue une entorse aux principes de la commande publique.

Contrairement à L’article 5 de l’instruction N° 01/2003/SP du 08 Mai 2003 qui autorise des dépenses en espèces pour une somme inférieure à 100 000 FCFA, la Cour a constaté que presque toutes les opérations de mise à disposition de fonds et celles de paiement des dépenses exécutées dans le cadre du FRSC sont effectuées en espèces quels que soient leurs montants qui se comptent parfois en centaines de millions de francs CFA, et que dans la plupart des cas, ni la situation d’état d’urgence, ni aucune disposition légale ou réglementaire n’autorise cette pratique risquée de manipulation de deniers publics.

Des cas de surfacturation ont été relevés au niveau des factures des loyers du fait du non-respect des tarifications habituelles, la non harmonisation des loyers selon la catégorisation des structures d’hébergement que le comité technique devait régler, la non-fiabilité de certaines factures du fait qu’elles sont établies par les membres des CLGR et soumises à la signature des responsables de certaines structures réquisitionnées dans la mesure où la gestion de ces structures, dès leur réquisition, a été assurée par eux.

En outre, certaines factures ont fait l’objet de double emploi en ce sens que les membres de l’équipe médicale et celle des forces de l’ordre ont eu à être hébergés et restaurés dans certaines localités alors qu’ils perçoivent régulièrement des indemnités au titre de leurs missions respectives.

Le Ministère dépense 75 000 000 FCFA pour fournitures et mise en service de 6 caméras thermiques et accessoires aux points d’entrée de Cinkassé, Noépé, Kodjoviakopé, Sanvi Kondji, aéroport et port autonome de Lomé. Et des 5 caméras livrées, 4 seront installées et seulement 1 sera pleinement fonctionnelle. Pire, la 5e destinée au poste de Ciniassé est demeurée conservée dans sa boite, allez-y comprendre quelque chose.

Le ministère de la Santé a aussi acquis un laboratoire mobile équipé dans le cadre de la lutte contre le COVID-19 au montant de 4 932 216 300 FCFA. Ce serait intéressant de savoir où est rendu ce laboratoire et dans quel état il serait actuellement.

Benjamin Constant disait que « quand la corruption peut se justifier par la nécessité, elle n’a plus de bornes ». Et Gaston Buffalo renchérit que « un pays dont la politique se plonge dans la trahison et la corruption, ne fournit que des improbables ». Simplement dit, la corruption c’est le manque de dignité, l’absence de scrupule, la perte de réalité, et la multiplication de sacrifiés de la Nation, etc.

Rappelons que l’index 2022 de perception de la corruption de transparency international donne au Togo un score de 30 sur 100 et un rang de 130 sur 180 pays évalués. Ce fut le même score en 2021. En comparaison avec ses voisins, le Burkina Faso occupe le 77e avec un score de 43, le Ghana le 72eau même titre que le Bénin avec un score de 42. Et le classement 2022 des pays africains les plus démocratiques (EIU) place le Togo 35e sur 50 et après le Mali, le Burkina Faso, etc. qui sont depuis des années en guerres contre le terrorisme.

Les dernières années fourmillent de scandales financiers de centaines de milliards F CFA, documentés par des rapports et/ou des enquêtes journalistiques sans que les auteurs ne répondent de quoi que ce soit. Il s’agit entre autres des 12 milliards du FER (Fond pour l’Entretien Routier), des 520 milliards de la SNPT (Société Nouvelle des Phosphates du Togo), des fonds des CAN 2010-2013-2017; les milliards du Port autonome de Lomé et sa concession opaque à Bolloré, le dossier de Togo-Telecom, les cas de la NSCT (Nouvelle Société Cotonnière du Togo), de la CEET (Compagnie Énergie Électrique du Togo), les 26 milliards de la Route Lomé-Vogan-Anfoin dont le contrat a été accordé plusieurs fois, l’OTR et récemment, les 500 milliards du Petrole-Gate en termes de truquages de marchés entre autres, le Wacemgate, les cas de rétrocommissions lors des passations de marchés, en particulier dans les travaux publics et bien d’autres scandales et manquements.

Un aperçu des 34 observations du rapport

Compte tenu de tout ce qui précède, la Cour fait les 34 observations suivantes. Et on tombe des nues quand le gouvernement parle tout de même de normalité, à moins que ce soient là les bases de leur normalité au Togo en 2023. Faites-en vos propres jugements.

La 1re observation porte sur la non-conformité de la nomination et des modalités de fonctionnement de la gestion d’avance de la CNGR COVID-19 au Décret N° 2008-092//PR du 29 juillet 2008 portant régime juridique applicable aux comptables publics.

La 2e observation fait état d’insuffisances relevées dans l’application des textes relatifs à la gestion du matériel et équipements sanitaires.

La 3e observation souligne que les ressources mobilisées sont effectivement inscrites de façon globale en loi de finances rectificative, gestion 2020 sans préciser en annexe la part de chaque PTF dans le financement de ce budget.

La 4e observation souligne qu’aux termes des articles 3, 4 et 5 du décret N° 2020-053/PR du 02 juin 2020, les contributions des PTF bilatéraux et multilatéraux doivent être versées sur le compte « Trésor solidarité COVID19 » ouvert à la BCEAO.

La 5e observation signale que les décaissements relatifs aux projets ont plutôt respecté les termes des accords de financement concernés et non les dispositions du décret N° 2020-053/PR du 02 juin 2020. Ceci pose le problème de non harmonisation des procédures entre les PTF et le pays bénéficiaire.

La 6e observation note que certains paiements effectués sur le FRSC ont porté sur des dépenses non prioritaires ou n’ayant pas de liens directs avec la mise en œuvre des mesures de riposte contre la Covid 19.

La 7e observation précise que l’exécution de dépenses dans le non-respect des règles de procédure de contrôle et de justification en matière de la dépense publique.

La 8e observation signale des opérations financières effectuées dans le non-respect des modes de paiement requis

La 9e observation note que des rémunérations sans aucune base juridique sont payées aux membres des comités et à certains personnels dits d’appui.

La 10e observation souligne que la gestion du FRSC souffre d’une absence de coordination entre les actions des différents institutions, ministères, coordinations et comités.

La 11e observation 11 note un chevauchement dans l’exécution des attributions des acteurs impliqués dans la gestion de la crise sanitaire.

La 12e observation parle de mauvaise application de l’arrêté N°2020-026/PM/CAB du 31 mars 2020 portant réquisition d’hôtels pour faire face à l’épidémie de COVID-19.

La 13e observation souligne un vice de procédure dans la réquisition des structures d’hébergement au sens de la réglementation en vigueur.

La 14e observation signale des réquisitions irrégulières de structures d’hébergement.

La 15e observation signale la non-création du comité technique chargé de la liquidation des indemnités.

La 16e observation fait état de paiements sans garantie d’acquit libératoire.

La 17e observation observe le non-respect de la procédure de demande de cotation par les autorités contractantes.

La 18e observation souligne la mauvaise application par les autorités contractantes de la procédure d’entente directe qu’elles ont utilisée.

La 19e observation parle d’absence de description des spécifications techniques.

La 20e observation parle de prestations exécutées en l’absence de contrats ou conventions dûment signés et approuvés par les autorités compétentes.

La 21e observation fait état de marchés ou conventions attribués aux entités inéligibles à la candidature de la commande Publique.

La 22e observation N° 22 est relative à certains marchés pour lesquels elle estimait que l’exécution était partielle alors que la totalité du marché était payée.

La 23e observation parle de marchés partiellement exécutés, mais totalement payés.

La 24e observation signale des marchés non encore réceptionnés malgré l’expiration des délais d’exécution.

La 25e observation fait état de marchés exécutés avec retard ou non exécutés à la date de clôture de l’audit.

La 26e observation souligne l’établissement de procès-verbaux non conformes aux documents de la commande.

La 27e observation souligne le non-reversement du reliquat des transferts dans les caisses de l’État.

La 28e observation signale des paiements des transferts monétaires aux personnes inéligibles au démarrage de l’opération.

La 29e observation mentionne le manque de suivi des opérations de transferts monétaires NOVISSI.

La 30e observation fait état de non-conformité des modalités de transfert de fonds sur les comptes de TOGOCOM et MOOV Afrique-Togo au décret N°2020-053/PR.

La 31e observation souligne le non-respect de la procédure de reddition des comptes prévue par le décret N° N°2020-053/PR.

La 32e observation fait état de paiement de dépenses sans base juridique.

La 33e observation mentionne la non-mise en application de l’article 13 du décret 2020-053/PR du 2 juillet 2020.

La 34e et dernière observation du rapport d’audit note que la Cour estime que c’est à tort que le Trésor a comptabilisé la totalité des exonérations en dépenses. En effet les montants suspendus ne constituent pas une charge définitive pour le budget de l’État. La cour recommande d’envisager un schéma de comptabilisation qui reflète la réalité des exonérations fiscales opérées par l’OTR.

Le contexte ayant conduit à ce rapport d’audit des fonds FSRC

Une pandémie de coronavirus est observée depuis le début de l’année 2020 et a couvé la planète de son manteau maléfique, avec son lot d’inconnus, de dissensions, de mesures approximatives et d’opportunismes.

Ainsi, ce qui aurait pu être une dynamique ou une opportunité inespérée pour les pays les moins développés, dont le Togo; pour exploiter, revaloriser et mettre sur l’orbite leur pharmacologie naturo-traditionnelle ou leur pharmacopée, se révèle être un foui de manque de vision, d’incompétences, de copier-coller, d’amateurisme, surtout du business de l’aide et de désintégration du maigre tissu socio-économique.

Le Chef de l’État Faure Gnassingbé annonça dans son adresse à la nation du 1er avril 2020 des mesures pour faire face aux effets néfastes de cette pandémie, dont un fonds de riposte à constituer par des fonds alloués par l’État, du financement des partenaires techniques et financiers, des apports financiers du secteur privé national et international et des dons et legs de toute nature.

Subséquemment déjà le 2 avril 2020, le ministre Kodjo Adedze avait annoncé la commande de 250 respirateurs destinés aux malades COVID-19 ainsi que des scanners pour les hôpitaux. Ces matériels médicaux et appareils, principalement les scanners, ne font encore attendre jusqu’à maintenant.

Il y a toujours un manque criant de scanners, d’ambulances et de matériels médicaux de base dans nos centres de santés. Et les centres de santés d’envergure, qui desservent des dizaines de milliers de citoyens n’ont même pas de moyens de transport d’urgence fonctionnels. Faire la liste des carences dans le système sanitaire togolais serait se livrer à une litanie funèbre.

Et dès le 11 mai 2020, l’ordonnance n°2020-002 institua la mobilisation de Fonds de Riposte et de Solidarité COVID-19 (FRSC) de 400 milliards FCFA sur plusieurs années et repartis sur 3 pôles; nomment, 110 milliards pour la riposte sanitaire, 110 milliards aussi pour la résilience et le reste 180 milliards pour la relance économique.

Pareillement, des mesures draconiennes et même des bans ont été imposés aux citoyens, dont des fermetures et l’exige de preuve vaccinale pour entrer dans les administrations publiques, les hôpitaux, les banques ou les universités. Pour la plupart, la coercition a été préférée à la sensibilisation, l’information, la répétition pour convaincre. Des marchés et autres activités économiques ont été fermés alors que la majorité des acteurs dans l’informel gagnent leurs pains le jour au jour. Donc la misère quotidienne est décuplée par des agissements des dirigeants, sens retenus et sans concertation avec le milieu, qui lorgnaient ou ont fleuré davantage des affaires que le bien public. D’ailleurs plusieurs citoyens périront des suites des répressions dans le cadre de l’application des mesures COVID.

Notons au passage qu’à la mi-septembre 2021, le Togo avait officiellement reçu au moins 1 549 960 doses de vaccins du mécanisme COVAX, de l’Union africaine, de la Chine et des USA, entre autres. Toutefois, le 14 août 2021, la première ministre du Togo, Mme Victoire Tomegah-Dogbé souligna devant les députés que le Togo a commandé pour 20 milliards FCFA de vaccins. Le Parlement lui accorda par la bande 12 mois de prolongation de l’État d’urgence, en lieu et place des 6 mois demandés. Il importe de souligner qu’en ce mois de mars 2023 l’État d’urgence sanitaire ne serait pas encore levé officiellement.

Les mesures imposées au Togo, parmi les plus corsées que de ses voisins de la sous-région, ont causé beaucoup de tords aux citoyens et à l’activité économique. La précarité s’est répandue en plus. On pourrait dire que c’est un moindre mal que la pandémie. Le comble est de rendre à l’évidence qu’au moment où le citoyen lambda subissait les affres de la répression sanitaire, d’autres en autorité jouaient avec les ressources et la confiance collective; tel que le souligne le rapport de la Cour des comptes.

Le poète algérien Bihmane Belattaf souligne que « Quand la jachère intellectuelle gagne le sommet de l’État, la prostitution devient une culture et la corruption une règle. »

Le sol merveilleux, soyez béni, Pays de nos aïeux; même si la nuit est longue le jour se lève toujours!

Joseph Atounouvi

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