Africa-Press – Togo. Entre octobre 2024 et février 2025, plus de 30.000 séismes ont été enregistrés au large de l’île d’Amorgos et de la caldeira de Santorin, entraînant l’évacuation spontanée de milliers de touristes et habitants. Issue d’une éruption volcanique survenue à l’époque minoenne, vers 1610 av. J.-C., et témoin d’un séisme de magnitude 7,7 qui engendra un tsunami en 1956, la région est connue pour sa sensibilité aux événements sismiques.
Mais la crise qui a marqué le début d’année était inhabituelle. « Cela ne ressemble pas à une crise d’origine tectonique », confiait Frédérique Leclerc, chercheuse à Géoazur, à Sciences et Avenir, au plus fort de la crise, début février 2025. La géologue et son équipe émettaient alors l’hypothèse d’un dyke: une fissure dans laquelle du magma s’était infiltré, s’est refroidi et a durci pour former une nouvelle roche traversant les couches minérales déjà existantes.
Cette hypothèse a été confirmée par les travaux d’une équipe française dirigée par Nikolaï Shapiro et Florent Brenguier, sismologues à l’ISTerre. Leurs résultats viennent compléter une étude internationale sur la crise sismique de Santorin, publiée dans Nature en septembre 2025 (voir vidéo ci-dessous).
Le tremor, ou le « chant du magma »
L’équipe grenobloise a apporté un élément clé dans la caractérisation de cette crise. Au-delà de l’essaim de séismes – une succession de séismes très rapprochés dans le temps et l’espace – les analyses fines des données sismologiques ont permis de mettre en évidence un tremor, caractéristique de la propagation d’un dyke.
« Lorsque le magma se propage dans la croûte, il doit pousser autour de lui et fracasser la roche sous pression pour se frayer un chemin vers la surface, explique Florent Brenguier, co-auteur de l’étude. Parfois, il réveille des failles déjà sur le point de casser. C’est ce qui produit un enchaînement de gros séismes de magnitude 5, comme on a pu l’observer. »
Cette succession de chocs du magma contre la croûte océanique génère des milliers de petits séismes en continu, qu’on appelle le tremor. « On passe d’un essaim de séismes à un tremor quand on ne peut plus distinguer les limites entre les séismes. Le tremor, c’est comme la résonance d’un orgue: c’est le chant du magma en profondeur », illustre le sismologue.
Le tremor est un phénomène connu et particulièrement observé sous le célèbre Piton de la Fournaise. C’est d’ailleurs grâce aux données de surveillance du volcan réunionnais que les chercheurs de l’ISTerre ont pu créer des algorithmes d’intelligence artificielle capables d’identifier ce phénomène.
Un réservoir magmatique partagé
Dans les zones en extension, comme au large d’Amorgos, la terre se fracture et peut faciliter le passage du magma. Ici, le dyke s’est propagé sur 13 km et 300 millions de mètres cubes de magma sont remontés jusqu’à 4 km seulement sous le plancher océanique. Plus étonnant encore, la succession d’événements pendant la crise pourrait indiquer que les deux systèmes volcaniques de Santorin et de Kolumbo, séparés de seulement 7 km, partagent la même réserve de magma en profondeur.
Six mois avant la crise, les chercheurs ont mesuré un gonflement du volcan de Santorin, interprété comme une injection magmatique — du magma remontant vers la surface. En parallèle, le volcan de Kolumbo connaît une déflation, ce qui pourrait impliquer une connexion hydraulique entre les volcans voisins. Piégé aux alentours de 10 km de profondeur, le magma aurait ensuite migré vers Amorgos et Kolumbo, formant un dyke.
« Nous n’avons pour le moment aucune preuve concrète d’une alimentation commune. Ce sont des hypothèses à vérifier, ajoute le sismologue français. Mais cela montre qu’il ne faut pas se focaliser sur le système volcanique de Santorin, mais surveiller toute la zone ». À ce jour, la crise est passée mais il est pour le moment possible pour les chercheurs de prévoir de tels évènements.
La « tuyauterie en profondeur » de l’Auvergne
Dans le Massif central, l’équipe d’ISTerre a déjà enregistré des signaux témoins d’une activité magmatique en grande profondeur. « On appelle ça des séismes profonds longue période », explique Florent Brenguier. Ces signaux suggèrent que les réservoirs magmatiques proches du Puy-de-Dôme pourraient encore être actifs. Dans le cadre du projet MACIV, 800 balises sismologiques ont été installées afin d’établir la première échographie des volcans d’Auvergne. L’objectif est de comprendre les connexions entre les réservoirs — la « tuyauterie en profondeur », en quelque sorte.
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