Africa-Press – Togo. La vie des jeunes planètes n’est pas un long fleuve tranquille. L’expérience de notre système solaire montre que les planètes en formation ou tout juste formées subissent parfois de cataclysmiques collisions. Ainsi, la Terre a-t-elle été frappée dans sa prime jeunesse par un corps de la taille de Mars. Cela a donné la Lune. Pour la première fois, des astronomes ont pu être les « témoins » de cette jeunesse tumultueuse dans un autre système que le nôtre: Fomalhaut A, située à 25 années-lumière de nous, la très proche banlieue à l’échelle de l’Univers. Fomalhaut A est la plus brillante des trois étoiles composant le système de Fomalhaut, dans la constellation du Poisson austral.
Elle est entourée d’un vaste disque de débris et de poussières, âgée de quelques centaines de millions d’années. Une équipe internationale d’astrophysiciens, menée par Paul Kalas, astronome à Berkeley (Université de Californie), a retrouvé la trace de deux collisions entre planétésimaux sous la forme de nuages de débris exceptionnellement lumineux, apparus puis disparus dans la vaste ceinture de poussières qui entoure l’étoile. Ce résultat a été publié le 18 décembre 2025 dans la revue Science.
Une planète qui disparaît
Cette découverte doit tout au cher vieux télescope Hubble, toujours vaillant en dépit de ses 35 ans. C’est lui qui a permis, grâce à un suivi étalé sur près de vingt ans, de repérer puis de caractériser des points lumineux fugitifs autour de Fomalhaut A. Le premier est détecté en 2008, et il est d’abord interprété comme une planète réfléchissant la lumière de son étoile. Ainsi naît Fomalhaut Ab. Mais des observations réalisées au début des années 2010 montrent que la luminosité de la planète décroit rapidement… Et en 2014, elle semble bel et bien avoir disparu. A tel point que des astronomes, en 2020, émettent l’hypothèse que l’événement de 2008 était une collision entre deux planétésimaux.
En 2023, lorsque l’équipe de Paul Kalas pointe Hubble vers Fomalhaut, surprise: les astronomes voient apparaître un second point lumineux, à un autre endroit de la ceinture de poussières. Baptisé Fomalhaut cs2 (pour « collision source »), il présente des caractéristiques étonnamment similaires à celles observées pour le premier objet, près de vingt ans plus tôt. Même éclat, distance à l’étoile comparable, même comportement transitoire: une apparition soudaine suivie d’une dispersion progressive. Tout indique qu’il s’agit, là encore, du nuage de débris laissé par un choc entre planétésimaux. Le système aurait ainsi connu deux collisions spectaculaires en 20 ans…
Un système solaire qui scintille
Cette double observation est d’autant plus remarquable que « la théorie suggère qu’on ne devrait observer qu’une collision tous les 100 000 ans, voire à des intervalles encore plus longs. Or ici, en vingt ans, nous en avons vu deux, souligne dans un communiqué Paul Kalas. Si l’on pouvait projeter un film des 3 000 dernières années, accéléré de sorte que chaque année ne dure qu’une fraction de seconde, on verrait une multitude d’éclairs: le système planétaire de Fomalhaut scintillerait. »
Les astronomes n’ont pas l’intention de quitter ce système des yeux. Ils comptent désormais suivre l’évolution de Fomalhaut cs2 à l’aide du télescope spatial James Webb, dont les instruments infrarouges permettront d’aller plus loin que Hubble. En analysant la couleur et la structure de ce nuage de débris, les chercheurs espèrent déterminer la taille et la composition des grains de poussière, et peut-être même détecter la présence d’eau ou de glace. Autant d’indices précieux pour mieux comprendre la nature des corps qui s’entrechoquent et, plus largement, les mécanismes à l’œuvre dans la formation des planètes.





