Africa-Press – Togo. Bien qu’elle soit fouillée depuis plus de soixante-dix ans, c’est seulement aujourd’hui que l’ancienne cité maya de Caracol, dans l’actuel Belize, livre sa première tombe royale. Le couple d’archéologues américains Arlen et Diane Chase de l’université de Houston (États-Unis) viennent en effet d’y mettre au jour ce qui pourrait bien être la dernière demeure du roi maya Te K’ab Chaak, qui fut, il y a près de 1700 ans, le premier souverain de la cité.
Grâce aux découvertes réalisées dans deux tombes voisines, sur ce site qui a été pendant des siècles l’un des centres de la communauté maya des Basses-Terres, il apparaît que Caracol entretenait dès 350 de notre ère des relations étroites avec l’empire de Teotihuacan, qui se trouvait à 1200 kilomètres plus au nord.
Après 45 ans de recherches, des archéologues trouvent enfin la tombe du premier roi maya de Caracol
Fondée il y a plus de 3000 ans, la cité de Caracol – que les Mayas appellent Uxwitza’ – a connu un formidable essor au cours de la période classique de la culture maya (entre 250 et 950 de notre ère). Elle est alors devenue une véritable métropole, dominant politiquement et économiquement le sud de la péninsule du Yucatan, en Amérique centrale.
Entre 560 et 900 de notre ère, plus de 100.000 personnes pourraient y avoir vécu. Elle comprenait alors des dizaines de milliers d’habitations et plusieurs grands complexes cérémoniels avec des pyramides, des temples, des palais et des terrains de jeu de balle, sur une surface d’environ 90 kilomètres carrés.
Présents depuis 1985 sur ce site redécouvert par hasard en 1937 par des bûcherons, les archéologues Arlen et Diane Chase ont mis en évidence ces structures cachées en recourant à la technologie du LiDAR aéroporté (détection et télémétrie par ondes lumineuses). « Leurs travaux menés jusque dans les années 2000 ont révélé un réseau de routes interconnectées, prouvant que Caracol était une cité massive, urbaine et intégrée », relate un communiqué de l’université de Houston. Plus de 850 inhumations ont également été mises au jour, dont certaines contenaient de magnifiques objets.
Le cinabre rouge signale une tombe royale
Connaissant le site sur le bout des doigts, les archéologues américains, qui travaillent de concert avec l’Institut d’archéologie du Belize, ont choisi de revenir en 2024 sur une tranchée initialement excavée en 1993, située au nord-est du complexe architectural autour duquel s’articule la cité. Surnommé Caana (« place céleste » en maya), il s’agit d’une imposante pyramide à degrés, haute de 43,5 mètres, comprenant quatre palais et trois temples.
Dès l’ouverture de la sépulture, la présence de cinabre rouge sur les murs leur a indiqué qu’ils avaient trouvé une tombe royale. Les offrandes funéraires ont confirmé le statut élevé du défunt, et d’après leur facture et les inscriptions déchiffrées sur d’autres monuments de Caracol, il semble qu’il s’agisse de la dépouille du roi maya Te K’ab Chaak, mort vers l’an 350. Ses os et ses mâchoires révèlent que le fondateur de la dynastie, qui a accédé au trône en 331, devait mesurer environ 1,80 mètre, qu’il est mort à un âge avancé et qu’il était alors complètement édenté.
Un assemblage d’objets précieux en jadéite
Le mobilier funéraire se distingue par sa richesse: des bijoux en jadéite (dont trois paires de boucles d’oreille, un luxe inouï !), un masque mortuaire en mosaïque de jadéite, onze récipients en céramique richement décorés, des tubes en os sculpté, des coquilles de spondyle du Pacifique et d’autres matériaux périssables. L’un des récipients représente un souverain maya portant une lance et recevant des offrandes de la part de suppliants, un autre offre une rare représentation d’Ek’ Chuah, le dieu maya du commerce, entouré d’offrandes. Deux céramiques portent des couvercles dont la poignée est en forme de tête de coati (une espèce mésoaméricaine proche du raton-laveur), un indice important car les souverains ultérieurs de Caracol ont intégré cet animal, dénommé tz’uutz’ en langue maya, dans leur nom.
Deux autres sépultures de la même période ont déjà été mises au jour
Lors de leurs fouilles précédentes dans le centre cérémoniel nord-est de Caracol, les archéologues ont mis au jour en 2009 et 2010 deux autres tombes mayas de haut rang datant de la même période que la tombe royale. L’une contenait les restes incinérés de trois individus, et l’autre ceux d’une femme recouverte d’hématite rouge. La datation radiocarbone indique qu’elles sont postérieures à la tombe royale.
Le mobilier funéraire révèle en outre des origines inattendues: il provient de régions aujourd’hui situées au Mexique, soit à plus de mille kilomètres au nord-ouest. Dans la première tombe, les archéologues ont par exemple découvert quinze lames d’obsidienne verte provenant de la région de Pachuca, qui se trouve au nord de l’ancienne Teotihuacan.
Preuve que Caracol était en contact avec Teotihuacan avant la date admise jusqu’ici
Se pourrait-il que la cité de Caracol ait établi des liens avec Teotihuacan dès l’an 350 de notre ère? Selon les explications de Diane Chase, « les monuments mayas en pierre taillée, les dates hiéroglyphiques, l’iconographie et les données archéologiques suggèrent que des connexions étendues au niveau de toute l’Amérique centrale ont eu lieu après un événement survenu en 378 après J.-C. appelé ‘entrada’. Mais la question de savoir si cet événement signifie que des Teotihuacanos sont arrivés dans la région maya ou que des Mayas ont utilisé des symboles du centre du Mexique n’est pas encore tranchée. Les données archéologiques de Caracol suggèrent en tout cas que la situation était bien plus complexe. »
En effet, les historiens ont toujours accordé une grande importance à Teotihuacan « et l’on supposait donc que Teotihuacán dominait tout, y compris les Mayas, explique à son tour Arlen Chase. Mais cette découverte montre que ce n’était pas le cas et que Teotihuacán était simplement un autre acteur politique de l’époque. »
Un ambassadeur de Caracol inhumé près du roi?
Les offrandes funéraires originaires du centre du Mexique et la pratique même de la crémation, inhabituelle pour les Mayas mais « plus typique pour un Teotihuacano de haut rang », semblent indiquer que « l’individu principal était probablement un membre de la famille royale de Caracol qui avait adopté les pratiques rituelles du Mexique central. Il pourrait même s’agir d’un émissaire royal maya qui aurait vécu à Teotihuacan et serait retourné à Caracol », analysent les chercheurs.
La découverte de la tombe royale à proximité d’une sépulture liée à Teotihuacan démontre à leurs yeux que le premier souverain maya de Caracol entretenait des contacts avec la cité mésoaméricaine avant l’entrada consignée sur les monuments et les inscriptions mayas. « Les liens entre les deux régions ont été établis par les plus hautes sphères de la société, ce qui suggère que les premiers rois de plusieurs villes mayas – comme Te K’ab Chaak à Caracol – entretenaient des relations diplomatiques formelles avec Teotihuacan », explique ainsi Arlen Chase.
Or les deux cités sont distantes de près de 1200 km, ce qui représente un voyage en voiture de plus de 23 heures aujourd’hui, et un temps de marche estimé à 153 jours !
Il paraît donc nécessaire de confirmer au plus vite l’identité de Te K’ab Chaak et d’en savoir plus sur lui. Pour ce faire, les archéologues poursuivent leurs recherches dans la chambre funéraire du roi maya et tentent de reconstituer le masque mortuaire en jadéite. Ils envisagent également d’extraire de l’ADN de ses ossements et d’effectuer des analyses isotopiques, ce qui leur permettra de connaître son régime alimentaire et de savoir s’il était originaire de Caracol et où il a vécu.
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