Découverte en Amazonie D’étranges Urnes Funéraires Indigènes

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Découverte en Amazonie D’étranges Urnes Funéraires Indigènes
Découverte en Amazonie D’étranges Urnes Funéraires Indigènes

Africa-Press – Togo. Pour les archéologues, l’Amazonie reste un territoire encore largement inconnu, c’est pourquoi la sensibilisation des populations locales est indispensable, car sur ce terrain dense et mouvant, les fouilles ne peuvent être menées qu’avec leur collaboration. La dernière découverte en date annoncée par le gouvernement brésilien a en effet été réalisée par des habitants au fin fond de l’Etat d’Amazonas, à près de 700 km de la capitale Manaus, dans le nord-ouest du pays. Il s’agit de plusieurs urnes funéraires de grandes dimensions, qui pourraient dater de plusieurs centaines, voire de plusieurs milliers d’années.

Leur forme et leur contenu sont de précieux indices sur les rituels funéraires des populations indigènes qui ont survécu dans cette région inondée par intermittence en créant des îles artificielles. À cet étonnant type d’habitat correspondent des rituels tout aussi complexes, que les archéologues ont hâte de reconstituer.

Découverte en Amazonie d’étranges urnes funéraires indigènes

Cette découverte est non seulement importante parce qu’elle fournit des informations cruciales sur les populations qui ont peuplé l’Amazonie par le passé, mais aussi parce qu’elle résulte d’un processus entièrement réussi depuis la mise au jour jusqu’au transport en laboratoire et ce, dans des conditions extrêmes.

Les urnes sont en effet apparues en octobre 2024 suite à la chute d’un très grand arbre, dans la région du Médio Rio Solimões – le Solimões est le nom portugais de l’Amazone, qui sert à désigner l’amont du fleuve. En se déracinant, l’arbre a mis à nu des artefacts en céramique, dont un pêcheur de pirarucu (Arapaima gigas, le plus gros poisson d’eau douce d’Amérique du Sud) a compris l’importance après en avoir vu des photographies. C’est grâce à son intervention que les archéologues du groupe de recherche Archéologie et gestion du patrimoine culturel amazonien de l’Institut de développement durable Mamirauá, une unité dépendant du Ministère de la science, de la technologie et de l’innovation, ont pu être prévenus.

Un voyage de 24 heures pour rejoindre le site de fouilles

Ces derniers, localisés à Tefé, à plus de 500 km à l’ouest de Manaus, sont ensuite venus sur place, mais le voyage en lui-même relève déjà de l’exploit, car la municipalité de Fonte Boa, où ont été réalisées les découvertes, se trouve à environ 190 km de Tefé à vol d’oiseau. Pour s’y rendre, les chercheurs ont mis 24 heures. Partis de Tefé le 3 janvier 2025, ils ont d’abord navigué une douzaine d’heures sur l’Amazone. Puis, comme le site archéologique est situé à plusieurs heures du lieu de vie le plus proche, ils ont dû parcourir 18 km en pirogue au travers de zones inondées, et enfin marcher une heure dans la forêt sur un sentier ouvert par des guides à coups de machette.

Les anciens peuples ont créé des îles artificielles pour survivre dans ces plaines inondées

Le site archéologique sur lequel se trouve l’arbre déraciné se nomme Lago do Cochila. Comme l’explique le communiqué du gouvernement brésilien, il « fait partie d’un groupe d’îles artificielles construites par des ancêtres indigènes il y a des siècles ou des millénaires, dans des plaines inondables artificiellement surélevées avec de la terre alluviale et des fragments de céramique pour abriter des habitations et des activités sociales même pendant la période d’inondation », celle-ci pouvant durer jusqu’à six mois dans l’année. Le directeur des fouilles, Márcio Amaral, ajoute qu’ »il s’agit d’une technique d’ingénierie indigène très sophistiquée, qui témoigne de la gestion du territoire et d’une densité de population importante dans le passé. »

En 2020, des chercheurs avaient mis en évidence dans la revue Nature que le même type d’îles forestières artificielles avaient été érigées en Bolivie il y a 10.000 ans dans des zones de savane qui étaient inondées entre les mois de décembre et mars. C’est dans ce contexte qu’ils ont trouvé des phytolithes constituant les plus anciennes traces de la domestication du manioc, de la courge et du maïs en Amazonie. Cette étude montrait que les populations indigènes ont non seulement été capables de s’adapter aux conditions de vie extrêmes de l’Amazonie en modifiant le paysage pour continuer à y vivre, mais aussi qu’elles connaissaient des techniques évoluées de construction et de culture.

Sept urnes de forme sphérique ou ovoïde

Sur le site de Lago do Cochila, Márcio Amaral et Geórgea Layla Holanda, les deux archéologues de l’Institut Mamirauá, dépêchés sur place, n’ont pas fouillé la terre à la recherche de phytolithes ou d’autres artefacts que ceux naturellement mis au jour sous l’arbre. Leur extraction leur a déjà donné bien du mal. Pour cela, il a fallu construire une structure en hauteur pour installer un treuil. Ce sont les communautés locales qui s’y sont attelées, en nouant des troncs de jeunes arbres à l’aide de lianes.

Ils ont ainsi sorti de terre sept urnes de tailles différentes et de forme plus ou moins sphériques ou ovoïdes. La plus grande mesure 90 cm de diamètre et 55 cm de haut ; la plus petite 60 cm de diamètre en 30 cm de haut. Leur poids varie entre 350 et 180 kg. Selon Geórgea Holanda, elles étaient sans doute fermées à l’origine: « Elles sont de grand volume, sans couvercle apparent en céramique, ce qui peut indiquer l’utilisation de matériaux organiques pour le scellement, qui se sont maintenant décomposés ». La chercheuse ajoute qu’ »elles ont été enterrées à 40 cm de profondeur, probablement sous d’anciennes maisons ».

Les céramiques ne relèvent pas d’une culture amazonienne déjà connue

Leur analyse n’a pu commencer qu’un mois plus tard, une fois les unes rapportées à Tefé, dans les laboratoires de l’Institut Mamirauá. Pour protéger ces précieux artefacts, « nous avons utilisé du film plastique, puis des bandages en plâtre pour les stabiliser, puis du papier bulle et enfin des supports en bois avec des cordes », indique Márcio Amaral. Les urnes sont en effet réalisées en céramique, dont une rare argile verdâtre déjà identifiée sur d’autres sites du Haut Solimões, mais plutôt rare. Comme plusieurs fragments à engobe (couche d’argile appliquée sur une céramique pour en dissimuler la couleur naturelle) et bandes rouges, elle ne relève d’aucune culture connue de la région, telle que la tradition polychrome amazonienne, qui se caractérise par une peinture rouge et noire sur fond blanc.

Pourtant, comme dans ce type de céramique, l’argile a été mélangée avec un additif essentiellement composé à partir d’une éponge d’eau douce appelée cauxi, et de la cendre d’une écorce d’arbre, dont le nom vernaculaire est le caraipé (genre Licania). « Ces deux matériaux sont très couramment utilisés dans la céramique amazonienne car ils contiennent une grande quantité de silice, qui confère à la céramique une plus grande légèreté et une plus grande résistance », explique Marcio Amaral.

Un corps désarticulé avant d’être placé dans un nouveau corps

À l’intérieur des urnes remplies de sédiments, les premières analyses ont mis en évidence la présence d’os humains dans les plus grandes, mais aussi de poissons, de tortues et d’autres chéloniens (reptiles dont le tronc est enfermé dans une carapace) dans les plus petites. Selon les archéologues, ces récipients font partie intégrante de pratiques funéraires complexes, élaborées par ces populations indigènes fluviales vivant en lien étroit avec leur environnement.

Leur forme s’inscrit également dans un processus spécifique d’inhumation que les chercheurs reconstituent ainsi: « L’inhumation primaire consiste à enterrer les individus dans le sol ou à les placer dans des paniers dans la rivière afin que les poissons consomment les tissus mous, raconte Geórgea Holanda. Ensuite, les os sont désarticulés, incinérés, soumis à un rituel funéraire, et le corps est enfin placé dans un nouveau corps – l’urne – qui est scellé et enterré. »

Qui les a enterrées et quand?

Mais quand ces inhumations ont-elles eu lieu? Impossible de le dire pour le moment, les chercheurs estimant qu’elles pourraient dater tout aussi bien de 200 que de 3000 ans. Leur objectif sera donc de réduire cette fourchette temporelle, mais aussi de rattacher ces urnes à une population indigène. Or établir ce type de lien sera tout aussi hasardeux, précisent-ils, en raison de la multiplicité des groupes qui ont peuplé l’Amazonie et parce que la plupart d’entre eux ont disparu.

« Une archéologie de l’intérieur »

Fait notable, les chercheurs de l’Institut Mamirauá soulignent combien leur travail dépend étroitement de la population locale dont la composition ethnique illustre l’histoire de cette région reculée. Les habitants du Médio Rio Solimões descendent en effet de populations indigènes, mais aussi de quelques Européens, et de personnes originaires du nord-est du Brésil qui sont venues pour travailler dans l’extraction du latex entre 1850 et 1940. Fouiller dans la région relève ainsi d’une forme d’archéologie spécifique, qui s’intéresse tout autant au passé qu’au présent, « une archéologie de l’intérieur, selon les termes de Márcio Amaral. Nous avons participé à la pêche des pirarucus, nous avons campé ensemble, nous avons suivi leur rythme. Et nous avons beaucoup appris, sur le comportement des animaux comme sur l’utilisation des plantes. C’est un échange à double sens ».

Il valait donc la peine de souffrir les longs trajets sur l’Amazone dans la chaleur et l’humidité, incluant piqûres de moustiques, de tiques et autres insectes plus exotiques. Mais, après avoir bravé tous ces dangers, un obstacle les empêche quand même de poursuivre leurs recherches comme ils le souhaiteraient: le manque d’argent.

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