Africa-Press – Togo. Chez les femmes, le respect du rythme circadien a probablement un impact sur la fertilité, explique Valérie Simonneaux, directrice de recherche au CNRS à l’Institut des Neurosciences Cellulaires et Intégratives (INCI), lors des Journées Internationales d’Endocrinologie de juin 2025. C’est en tout cas ce que tendent à montrer de nombreux travaux réalisés sur les souris, et qu’une étude clinique en préparation ambitionne de montrer chez l’humain. En particulier, le travail en horaires décalés et irréguliers pourrait affecter les hormones sexuelles féminines et le risque de troubles de la fertilité.
Le pic de LH, indicateur de la synchronisation du cycle menstruel
« Quasiment tous les gènes exprimés dans les ovaires ont des rythmes journaliers. Celui des récepteurs à la LH par exemple s’exprime de façon à ce qu’il y ait un maximum de récepteurs au moment du pic de LH », illustre Valérie Simonneaux. Ce pic de LH, ou hormone lutéinisante, est essentiel pour induire l’ovulation au milieu du cycle menstruel. Déclenché par l’hypothalamus – une structure cérébrale à la base du cerveau – de tous les mammifères femelles, ce pic préovulatoire se produit toujours à un moment dicté par le rythme circadien. Plus précisément, ce pic a lieu à la transition entre la période de repos et d’activité, c’est-à-dire la fin de nuit pour les femmes ou à la tombée du jour pour les souris femelles, espèce nocturne. « Pour que l’organisme soit en phase avec l’environnement, les neurones des noyaux suprachiasmatiques, gérant l’horloge biologique dans l’hypothalamus, sont très sensibles à la lumière détectée par la rétine », détaille Valérie Simonneaux.
Exposer à répétition la rétine à la lumière pendant la nuit désynchronise donc l’horloge et toutes les fonctions biologiques qui en découlent. Chez les souris exposées à la lumière plusieurs heures en avance, le pic de LH est avancé. « On crée comme un jetlag en avançant l’heure de la journée de quelques heures. Le pic mettra ensuite une quinzaine de jours à se resynchroniser une fois le rythme initial réinstauré », relate Valérie Simonneaux. Un temps qui correspond à trois cycles ovariens chez les souris.
Les horaires « postés rotatifs » sont les plus susceptibles d’affecter la fertilité féminine
C’est lorsque l’exposition à la lumière est irrégulière que les perturbations deviennent majeures chez les souris femelles, avec une quasi disparition du pic de LH. Si l’ovulation en elle-même n’a pas pu être observée, la chercheuse rapporte une baisse de la fertilité visible notamment par un retard et une réduction du nombre de gestations. « Ce n’est pas une abolition totale mais une réduction de la fertilité », précise Valérie Simonneaux. Les horaires changeants, dits « postés rotatifs », sont donc plus perturbants chez la souris que les horaires décalés mais constants, ajoute-t-elle. Chez les humains, les femmes aux horaires postés rotatifs, comme chez le personnel hospitalier, seraient donc potentiellement plus exposées à des perturbations de la fertilité. C’est ce qu’ambitionne d’évaluer l’étude de Valérie Simonneaux et du CHU de Strasbourg, qui prévoit de suivre le pic de LH de 30 à 40 femmes ayant des horaires de travail normaux ou postés. « Ça n’a encore jamais été montré, mais certaines études épidémiologiques ont relevé des cycles menstruels irréguliers, allongés ou raccourcis et des concentrations hormonales altérées. »
Outre l’augmentation de l’âge lors de la conception ou des perturbations métaboliques, l’environnement a aussi une influence sur la baisse de la fertilité féminine, avance Valérie Simonneaux. « Peut-être faudra-t-il recommander aux femmes qui essaient de concevoir de surveiller l’exposition à la lumière et les horaires changeants. » Les techniques de PMA pourraient également bénéficier d’une prise en compte de l’horaire. « Ces médecins font une stimulation ovarienne toujours au même moment, mais ne pensent pas forcément à tester différents horaires pour optimiser le prélèvement des ovules ou injecter les spermatozoïdes par exemple », conclut Valérie Simonneaux.
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