Africa-Press – Togo. Tout comme Saturne, la Terre a-t-elle déjà possédé des anneaux ? Après avoir analysé un ensemble de cratères datant de plusieurs centaines de millions d’années, des chercheurs australiens s’en disent convaincus. Des preuves supplémentaires semblent néanmoins nécessaires pour confirmer cette fascinante théorie.
Il y a plus de 450 millions d’années, la Terre aurait été entourée d’un système d’anneaux à l’instar de Saturne, soutient une équipe de géologues et planétologues de l’université Monash (Australie) dans la revue Earth and Planetary Science Letters. Ces structures, qui auraient perduré pendant plusieurs dizaines de millions d’années, proviendraient de la capture gravitationnelle puis de la désintégration d’un gigantesque astéroïde ! Composés de fines poussières et d’objets beaucoup plus massifs, les débris seraient retombés progressivement ici-bas en laissant des traces significatives sous la forme de cratères d’impact.
Évènement céleste majeur
C’est en analysant les caractéristiques de très vieux cratères que les scientifiques australiens en sont venus à proposer cette fascinante théorie. Ces dernières années, d’autres chercheurs avaient déjà identifié des flux de météorites et micrométéorites particulièrement importants (de 100 à 1000 fois plus) dans les roches sédimentaires de l’Ordovicien moyen, période géologique allant de -470 à -458 millions d’années. Le taux de cratérisation présentait par ailleurs un pic abrupt vers -466 millions d’années, tout comme les dépôts produits par de nombreux tsunamis. Autant de signes d’un évènement céleste majeur.
Tectonique des plaques
Pour enquêter sur sa nature, l’équipe a retracé l’histoire géologique de 21 cratères d’impact de l’Ordovicien moyen repérés à différents endroits de la croûte continentale – notamment en Australie, en Europe et en Chine. Grâce à des simulations numériques reproduisant la dérive des continents générée par la tectonique des plaques, elle a déterminé ainsi leur localisation d’origine.
Or ils se situent tous à des latitudes inférieures à 30° – soit une bande relativement étroite centrée autour de l’équateur. Un résultat pour le moins surprenant sachant que les météorites ont statistiquement autant de chance de tomber à n’importe quel endroit de notre planète. La probabilité pour que cette répartition soit le simple fruit d’un hasard serait ainsi de 1 sur 25 millions, ont calculé les chercheurs australiens.
Les zones orangées correspondent aux portions de la croûte continentale qui étaient proches de l’équateur au moment de l’Ordovicien moyen, les points roses aux cratères d’impact datant de cette époque. Crédits: A. Tomkins et al., Earth and Planetary Science Letters.
Anneau équatorial
D’où l’hypothèse que ces cratères d’impact – et les chutes de météorites qui les ont engendrés – résultent d’un système d’anneaux. Que ce soit sur Saturne (les plus spectaculaires, qui existeraient depuis plusieurs centaines de millions d’années) mais aussi Jupiter, Uranus ou Neptune, ces structures composées de myriades de poussières et de débris rocheux se forment toujours, en effet, au niveau des équateurs planétaires.
La présence d’anneaux autour de la Terre il y a plus de 450 millions d’années justifierait ainsi la présence de tous ces cratères à proximité de l’équateur. “La matière constituant ces anneaux serait tombée graduellement sur la Terre durant des millions d’années, créant ce pic d’impacts météoritiques observé dans les relevés géologiques”, indique le professeur Andy Tomkins, auteur principal de l’étude.
La planète aux anneaux photographiée en 2016 par la sonde Cassini. Crédits: Nasa
Forces de marée
Mais comment ce disque de matière serait-il lui-même apparu ? Les chercheurs l’expliquent par la capture d’un très gros astéroïde, de plus de 10 kilomètres de diamètre, dans une orbite basse équatoriale: à seulement 3 000 ou jusqu’à 15.000 kilomètres de la Terre, en fonction de la densité éventuelle du corps rocheux. A de si petites distances, les forces de marée exercées par notre planète auraient alors disloqué le bolide en une multitude de fragments de tailles diverses, produisant un anneau de débris d’environ 12 kilomètres de large.
Or “ce qui rend cette découverte encore plus intrigante, ce sont les implications climatiques potentielles”, relève Andy Tomkins. Car l’ombre projetée par le disque aurait empêché une partie de l’énergie solaire d’atteindre l’atmosphère terrestre. Avec comme conséquences un refroidissement global, provoquant une glaciation majeure à la fin de l’Ordovicien (de -460 à -440 millions d’années) et une extinction massive d’espèces, toutes deux attestées par les archives géologiques.
Hypothèse très séduisante
C’est une “hypothèse très séduisante, commente Pierre Rochette, du Centre de recherche et d’enseignement des géosciences de l’environnement à Aix-en-Provence, car elle fournirait une explication commune à différents évènements survenus autour de -460 millions d’années.”
Mais les arguments sont encore trop ténus, estime le géologue. Il faudrait découvrir et analyser, tout d’abord, d’autres cratères d’impact de l’Ordovicien moyen sur “les continents aux hautes latitudes tels l’Afrique et l’Amérique du Sud qui sont encore très peu étudiés”, précise-t-il.
Les mécanismes expliquant la capture d’un gros astéroïde dans des conditions aussi spécifiques ne sont, par ailleurs, pas suffisamment étayés. Et des explications plus simples sont possibles, tel “un évènement catastrophique dans la ceinture d’astéroïdes”, note Pierre Rochette. D’autres éléments de preuve seront donc nécessaires avant d’auréoler la Terre d’un système d’anneaux.
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