Le grand exploit du pelvis : permettre l’accouchement et la bipédie

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Le grand exploit du pelvis : permettre l'accouchement et la bipédie
Le grand exploit du pelvis : permettre l'accouchement et la bipédie

Africa-Press – Togo. Plutôt marcher sur deux pieds ou accoucher ? Cette question, qui nous semble aujourd’hui incongrue, s’est posée au cours de notre Evolution. La bipédie humaine est apparue chez Homo sapiens, après la séparation de la lignée humain de celle de chimpanzés. Au moment de la transition des hominidés de la marche à quatre pattes vers la bipédie, le pelvis a dû considérablement s’adapter. Pour leur permettre de se dresser sur ses deux jambes, le pelvis a subi des changements morphologiques significatifs. Il est devenu plus court et plus large, afin de favoriser la posture verticale et la locomotion.

« Le pelvis et la colonne vertébrale contribuent à stabiliser le corps de façon verticale lors de la marche. Le changement d’orientation du pelvis et des muscles qui l’entourent permet d’assurer l’équilibre du corps entier », explique à Sciences et Avenir le Dr Vagheesh Narasimhan, spécialisé en biologie et en génomique à l’Université du Texas (Etats-Unis) et auteur de l’étude.

Il faut imaginer les os du bassin comme une sorte de base solide chargée de maintenir toute la partie supérieure du corps, de supporter son poids, afin que l’individu reste bien droit. A l’inverse, lors de la marche à quatre pattes, le poids est réparti entre les membres avant et arrière et le bassin ne joue pas ce rôle. Cette différence est particulièrement bien visible dans la vidéo ci-dessous.

Au même moment durant l’Evolution, le cerveau humain a considérablement grossi. Ces deux changements ont rendu l’accouchement plus difficile. Avec un bassin rétréci et une tête de fœtus plus volumineuse, la mise au monde est devenue plus compliquée. Appelée le « paradoxe obstétrical » en médecine, cette théorie suppose que le bassin des Homo sapiens est plus adapté à la marche qu’à l’accouchement.

Depuis des décennies, il soulève plusieurs hypothèses. Certains courants ont par exemple suggéré que durant l’Evolution, les humains auraient progressivement mis au monde des humains moins développés afin de garantir le passage de la tête. Si la gestation dure moins longtemps, alors la tête n’aurait pas le temps de devenir trop grosse et passerait plus facilement dans le pelvis.

Dans la balance: arthrose, périnée et vitesse de marche

Pour répondre à ces questions, une étude sans précédent s’est penchée sur le pelvis humain. Publiée dans la revue Science, elle vient jeter un éclairage nouveau sur cette partie discrète mais cruciale de notre corps. Elle a pour cela combiné les données génétiques de plus de 42.000 individus de la UK Biobank, une gigantesque base de données en Angleterre, à près de 40.000 imageries obtenues par rayon X. Cette façon de faire a permis de mettre au jour une myriade de nouvelles découvertes sur cette partie du squelette et ses fonctionnalités, à commencer par la capacité à accoucher sans encombre.

La dystocie, qui désigne la difficulté mécanique qui peut survenir lors d’un accouchement, est plus fréquente chez les humains que chez n’importe quelle autre espèce moderne de primate. Elle concerne environ 16% des naissances dans le monde. « Elle a été une cause majeure de mort maternelle et fœtale durant l’histoire humaine, ce qui suggère qu’elle joue un rôle majeur dans l’Evolution humaine, contribuant à l’effet de sélection naturelle », expliquent les chercheurs.

Après examen de leur base de données, il s’est avéré que les pelvis plus larges étaient associés à un risque plus faible d’obstruction pendant le travail (un pelvis plus large permet aux nourrissons de passer plus facilement) et à des douleurs dorsales réduites. Mais entraînait aussi une diminution du rythme de marche, un risque accru d’arthrose de la hanche et des troubles du périnée, comme un prolapsus génital et une incontinence. « Même si cette morphologie est favorable à la vitesse à court terme, elle pourrait s’avérer défavorable à long terme », détaille le Dr Vagheesh Narasimhan.

A l’inverse, un pelvis plus étroit était associé à un risque plus élevé d’avoir des problèmes « mécaniques » liés à la taille de la tête lors de la délivrance. Ils entraînent plus de césariennes d’urgence et de dystocies due à une dilatation insuffisante. Cette difficulté à accoucher n’était pas due au positionnement du fœtus, ce qui suggère que lors de l’accouchement, le canal génital s’élargit assez de lui-même. En revanche, un bassin étroit était associé à moins de risques pour le périnée. Une architecture plus resserrée maintiendrait sans doute mieux les organes à l’intérieur du bassin. « Nous sommes arrivés à la conclusion qu’un bassin étroit pourrait être utile à la fois à l’amélioration de la locomotion et à la préservation du périnée. Et pas seulement à la locomotion, comme cela a longtemps été supposé. »

Un lien entre pelvis et circonférence de la tête

Ces travaux sonnent aussi la fin du débat sur le « paradoxe obstétrical. » En regardant si la durée de la gestation des humains est plus courte ou non que chez les autres primates dont le corps a une taille similaire, les chercheurs ont voulu savoir si la durée de gestation aurait joué un rôle dans le contournement de ces difficultés mécaniques. « Mais nous n’avons trouvé aucune preuve que la gestation humaine aurait raccourcie durant l’Evolution afin de rendre l’accouchement plus facile », explique le Dr Vagheesh Narasimhan. « Nous avons tout de même identifié des corrélations génétiques entre la forme du bassin et la taille de la tête de l’enfant, suggérant que l’Evolution aurait tout de même trouvé des réponses aux défis posés par la naissance d’enfants avec une tête volumineuse. » Concrètement, les femmes ayant des bassins plus larges auraient tendance à donner naissance à des bébés possédant une tête plus grosse et inversement (même si des contre-exemples restent possibles). Une co-évolution qui vient mettre un point final à près de 50 ans de débats.

Enfin, 180 loci génétiques (des « emplacements » sur nos chromosomes) spécifiquement dédiés à l’architecture du pelvis, ont été identifiés dans l’ADN humain. Leur découverte a permis d’établir que la taille du pelvis est largement déterminée par l’héritabilité, entre 32 et 48%. En revanche, les asymétries constatées dans cette zone ne sont pas héritées génétiquement des parents mais dépendent de la latéralité, c’est-à-dire du fait que l’individu soit gaucher ou droitier. Ces travaux exhaustifs ont le mérite de faire parler une zone du corps peu étudiée. Et montrent le rôle clé du pelvis dans l’Evolution humaine.

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