Africa-Press – Togo. Prévoir le froid, pour garder le corps chaud. Nous, les animaux à sang chaud, avons la capacité de réguler notre température corporelle pour qu’elle reste stable. Cette thermorégulation permet de garder le corps autour de 37°C alors que l’air autour peut être proche de 0°C. Cette adaptation entraine par exemple une hausse de la combustion d’acides gras dans les tissus adipeux, ainsi qu’une augmentation de l’appétit (pour compenser les calories perdues à produire de la chaleur).
Or, le corps n’attend pas à être au froid pour se réchauffer, mais au contraire active ces modifications métaboliques en amont. Car, comme à la maison, c’est plus économe de garder une température stable que de réchauffer une pièce qui s’est refroidie. Mais alors, comment le corps sait-il qu’il va avoir froid et ce qu’il doit faire pour s’y préparer? C’est grâce au cerveau, qui garde en mémoire des souvenirs d’expériences de froids passées, et qui peut donc activer la thermorégulation juste en se rappelant ces souvenirs. Cette découverte a été présentée par des chercheurs du Trinity College à Dublin (Irlande) dans la revue Nature.
Un conditionnement au froid
Pour étudier ce phénomène de conditionnement au froid, les chercheurs ont entrainé des souris dans une pièce froide (4°C) ou une à température ambiante (21°C). Comme attendu, les souris exposées au froid bougeaient plus et accéléraient leur métabolisme, brûlant davantage d’énergie pour produire de la chaleur corporelle. Ces souris, qui ont été exposées au froid, en gardent un souvenir, car elles réactivent les mêmes adaptations métaboliques quand elles rentrent dans la pièce froide, même lorsque la température de cette pièce est à 21°C. C’est-à-dire qu’elles associent le contexte de cette pièce à la sensation de froid, et donc réagissent en conséquence en préparation des basses températures.
Ce conditionnement au froid perdurait pendant plusieurs jours. Après avoir été exposées au froid, les souris retournaient dans une pièce à température ambiante où elles restaient durant quatre jours. Puis elles revenaient dans la pièce où elles ont eu froid, et même si cette pièce n’était plus froide, l’adaptation métabolique se mettait en route. “Nous avons découvert que ces souris exposées au froid créent des souvenirs qui leur permettent d’augmenter le métabolisme de leurs corps lorsqu’elles anticipent qu’elles auront froid”, résume dans un communiqué Andrea Muñoz Zamora, autrice de l’étude.
Ces souvenirs déclenchent l’activation de gènes liés à la production de chaleur
Ce souvenir du froid activait l’expression de plusieurs gènes au niveau du tissu adipeux. C’était notamment le cas de la protéine UCP1 (connue aussi sous le nom de thermogénine). Elle agit au niveau des mitochondries, les usines énergétiques des cellules. Cette protéine rend ce processus de production d’énergie moins efficace, obligeant la cellule à utiliser davantage de calories pour produire de l’énergie. Ces usines doivent donc augmenter leur cadence, produisant ainsi plus de chaleur (comme un moteur qui surchauffe si on presse trop fort sur l’accélérateur).
Les chercheurs ont collecté des échantillons de tissu adipeux brun des souris exposées au froid, observant qu’UCP1, ainsi que d’autres protéines liées à la production de chaleur, étaient surexprimées chez ces souris après l’exposition au froid… mais aussi des jours après, lorsqu’elles étaient placées à nouveau dans la même pièce, même si celle-ci n’est plus froide. « Une grande partie de ce contrôle appris de la température corporelle semble être due à une augmentation de l’activité du tissu adipeux brun, qui peut être contrôlée par le cerveau, révèle Lydia Lynch, co-autrice de l’étude. Notre cerveau doit apprendre à partir des expériences de froid, pour ensuite pouvoir contrôler comment nos cellules adipeuses répondent au froid. »
Deux régions cérébrales sont impliquées
Pour savoir comment les souvenirs pouvaient déclencher ces activations métaboliques, les chercheurs ont étudié les cerveaux des souris. Mettant en évidence que l’activité cérébrale de celles exposées au froid la première fois changeait lorsqu’elles étaient exposées à nouveau à la même pièce. Cette deuxième fois, l’hippocampe des souris (qui joue un rôle dans la mémoire) se connectait à l’hypothalamus (qui gère des processus métaboliques du corps). Donc c’est bien la mémoire qui active ces changements métaboliques.
En y regardant de plus près, les chercheurs ont identifié les neurones qui s’activent lorsque les souris se rappellent du froid. Localisés dans le gyrus denté, dans l’hippocampe, ces neurones se spécialisent dans la mémoire épisodique. Ces cellules se souviennent donc de l’épisode de froid, et une fois activées, elles se coordonnent avec l’hypothalamus pour activer l’adaptation métabolique au froid. Selon les auteurs, cette nouvelle connaissance pourrait être utilisée pour traiter des dérèglements métaboliques, en manipulant ces souvenirs du froid chez l’humain afin d’activer le métabolisme. En gros, dire à notre cerveau qu’on va avoir froid pour qu’il oblige le corps à brûler du gras. Il se pourrait donc que le régime du futur consiste à regarder en boucle des images de neige… en plein été.
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Togo, suivez Africa-Press