Lithium, Clé Pour Traiter La Maladie D’Alzheimer

4
Lithium, Clé Pour Traiter La Maladie D'Alzheimer
Lithium, Clé Pour Traiter La Maladie D'Alzheimer

Africa-Press – Togo. Le lithium serait-il la pièce manquante du grand puzzle de la maladie d’Alzheimer? Ces dernières années, le domaine a connu de grandes avancées, avec la mise au point des premiers traitements capables de faire reculer la démence et des tests sanguins inédits de dépistage. Pourtant, la maladie d’Alzheimer comporte encore de nombreuses zones d’ombre. Quelques mécanismes clés sont désormais connus, comme le rôle de deux protéines (la bêta-amyloïde et tau) qui s’accumulent dans le cerveau et empêchent les neurones de fonctionner correctement. Certains gènes, comme APOE, font partie des facteurs défavorables, tout comme une mauvaise hygiène de vie. Mais qu’est-ce qui déclenche exactement cette maladie? Quel est le trait d’union entre cette palette de symptômes? Après plus d’une décennie de travaux, le lithium pourrait être une piste solide, selon une étude publiée dans Nature.

Le lithium est naturellement présent dans le cerveau et le protège de la neurodégénérescence

Dans son laboratoire de l’université d’Harvard, cela fait plus de dix ans que l’équipe du Pr Bruce Yankner travaille sur la piste de ce métal. Il a commencé par travailler sur la génétique de la maladie d’Alzheimer et ses effets sur le cerveau. Or le lithium est souvent utilisé en laboratoire pour réguler la façon dont l’ADN est exprimé. « Nous avons alors été impressionnés par sa capacité à réduire tous les changements cellulaires et neuropathologiques dans la maladie d’Alzheimer sur des modèles animaux. Jusqu’à ce qu’un jour, je me demande si le lithium n’était pas lui-même une partie du mécanisme de la maladie », confie le chercheur à Sciences et Avenir.

Au fil de ses travaux, l’équipe a montré pour la première fois que le lithium est naturellement présent dans le cerveau et qu’il le protège de la neurodégénérescence. Ce lithium n’est pas produit directement par le cerveau mais nous est apporté par l’alimentation, à l’instar des autres nutriments comme la vitamine C ou le fer. Plus important encore, la baisse des niveaux de lithium dans le cerveau semble faire partie des premiers changements notables avant que la cascade d’éléments qui mènent à la maladie d’Alzheimer ne s’enclenche. Chez la souris, ce phénomène a même accéléré la progression de la maladie et le déclin cognitif.

Pour travailler sur la présence de lithium dans le cerveau, il faut avoir un accès direct à cet organe. Difficile sur un sujet vivant. Pour contourner ce problème, le laboratoire s’est servi d’une banque de tissus cérébraux légués post-mortem par des participants atteints de maladies cognitives. Un moyen de travailler sur des cerveaux à tous les stades de la maladie d’Alzheimer, jusqu’aux plus avancés. En comparant la présence d’une trentaine de métaux chez différents sujets (des personnes cognitivement saines, d’autres avec un stade léger de démence et ceux avec un Alzheimer avancé), un seul métal sortait du lot: le lithium. Alors que les personnes saines en présentaient encore un niveau élevé, une importante diminution intervenait chez celles montrant une légère altération cognitive et chez les Alzheimer avancés.

La perte de lithium, trait d’union entre tous les symptômes?

Les travaux suivants, sur la souris cette fois, semblent poser un trait d’union entre tous les changements liés à l’apparition de la maladie d’Alzheimer. Chez les souris privées de lithium, les symptômes s’égrènent. Le vieillissement s’accélère, augmentant les niveaux d’inflammation dans le cerveau. Les connexions synaptiques entre les neurones diminuent et le déclin cognitif démarre. L’accumulation de plaques amyloïdes et la fibrillation de protéines tau, deux marqueurs avérés de la maladie, accélèrent. L’absence de lithium active aussi les microglies, des cellules inflammatoires, les empêchant de nettoyer les plaques qui s’accumulent. Cet amoncellement entraîne la perte des synapses par lesquelles les neurones communiquent, des axones (le prolongement du neurone qui émet une activité électrique) et de la gaine de myéline qui protège les neurones. Le déclin cognitif et la perte de mémoire s’en trouvent accélérés. Enfin, le lithium peut aussi réguler l’activité de gènes liés à Alzheimer, dont le fameux APOE, augmentant ou diminuant le risque de développer la maladie selon ses niveaux.

En plus d’être une part cruciale du problème, le lithium pourrait bien se révéler être un élément de réponse pour traiter Alzheimer. Car à l’inverse, lorsque les souris reçoivent de l’orotate de lithium dans leur eau, la mémoire leur revient et les dommages liés à la maladie s’annulent. Cet effet est observé même chez les souris âgées à un stade avancé de la maladie. Donné tôt dans la vie, le lithium permet aussi de retarder l’âge d’apparition de la maladie, toujours chez la souris. « C’est vraiment une des trouvailles les plus importantes de notre recherche, cet effet du lithium sur une variété de manifestations cellulaires et moléculaires de la maladie. L’inflammation, les synapses, la myéline, les protéines amyloïdes et tau », égrène le chercheur.

Prochain objectif: valider cette piste sur l’humain

Parmi la myriade de travaux menés pour tenter de trouver une solution à la maladie d’Alzheimer, quelques essais cliniques utilisant du lithium ont été entrepris par le passé. « Mais ils étaient limités, avec de petites tailles de cohorte et une courte durée », raconte le Pr Yankner. Ces travaux ont montré que les molécules utilisées, comme le carbonate de lithium, utilisées comme standard clinique, peut être toxique pour les sujets âgés aux doses élevées utilisées en clinique. Désormais, on sait enfin pourquoi: ces molécules de lithium venaient se lier aux plaques bêta-amyloïdes des malades avant même qu’elles ne puissent faire leur effet.

A la place de ce carbonate de lithium, le Pr Yankner propose d’utiliser de l’orotate de lithium. « Ce dernier se lie beaucoup moins à l’amyloïde que le carbonate de lithium, aussi bien sur les cerveaux de souris qu’en éprouvette. De plus, l’orotate de lithium peut être utilisé à une dose environ 1000 fois plus faible que celles généralement utilisées dans les essais cliniques sur Alzheimer. » Mais aussi pour traiter les troubles bipolaires, la seule affection dans laquelle le lithium est déjà utilisé. « Il est reconnu comme le meilleur stabilisateur de l’humeur. Bien que son efficacité ne soit plus à prouver, les mécanismes biologiques de son action thérapeutique sur le cerveau restent encore mal connus », explique l’Institut Pasteur.

Si elles sont confirmées, ces nouvelles données sur le lithium pourraient aussi profiter à des patients bipolaires. « Le lithium utilisé dans les troubles bipolaires est administré à des doses 1000 fois supérieures à celles qu’on retrouve dans le sang et dans le cerveau. Là aussi, cela pose problème chez les individus plus âgés, qui ne peuvent plus prendre ce traitement, car il devient trop toxique pour les reins et la thyroïde. A l’inverse, ces nouveaux travaux montrent qu’en traitant les souris âgées avec de l’orotate de lithium à une dose physiologique, donc à des niveaux semblables à ceux de l’organisme, sur plus de la moitié de leur vie n’engendre pas de toxicité sur les reins ou la thyroïde. »

Reste à savoir si ces résultats obtenus sur la souris s’appliquent également aux humains et si oui, à déterminer la dose nécessaire. Pour l’instant, on ne sait pas si le lithium serait sûr ou efficace pour protéger contre la neurodégénérescence. Il faut pour cela des essais cliniques sur l’humain avant de savoir s’il pourrait être considéré comme un traitement. Il pourrait aussi devenir un biomarqueur destiné à détecter le déclin cognitif dès ses premiers stades. « J’ai hâte d’en savoir plus sur la physiologie du lithium dans le cerveau. Nos données de séquençage d’ARN de cellules isolées suggèrent des effets significatifs sur tous les types de cellules cérébrales que nous avons examinés. Je pense que nous ne faisons que commencer à dévoiler ce qui s’annonce comme une biologie particulièrement intéressante ». Il faudra encore quelques années – et quelques publications scientifiques – avant d’être certain de tenir là la solution au mystère de la maladie d’Alzheimer.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Togo, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here