Africa-Press – Togo. Avec six millions de dollars et des puces achetées avant les restrictions américaines, le chinois DeepSeek a conçu ce que les géants américains n’ont pas réussi à faire: un chatbot d’intelligence artificielle surpuissant et économique. Un succès qui attire désormais une attention accrue sur cette start-up. D’abord celle des gouvernements occidentaux, Etats-Unis en tête, dont certains affichent depuis longtemps une suspicion à l’égard des technologies chinoises, pour des raisons de géopolitique et de rivalité. Mais aussi celle de Pékin, dont la stricte régulation du secteur technologique, bien qu’assouplie en 2022, continue de peser sur l’innovation. Quel avenir pour DeepSeek dans un tel cadre?
Des sommes colossales… pour faire quoi?
En 2020, Pékin avait lancé une grande campagne de régulation visant le secteur technologique, alors en pleine expansion, par crainte qu’il ne devienne incontrôlable et ne se développe de façon anarchique. Elle s’est traduite par un renforcement des exigences de conformité, notamment en termes de protection des données des utilisateurs, ainsi que par des amendes colossales infligées à des géants comme Alibaba et Tencent pour des pratiques jugées monopolistiques.
Pékin a finalement relâché la pression après un effondrement brutal des actions des entreprises technologiques chinoises en mars 2022. Depuis, les dirigeants chinois ont affirmé leur ambition de faire de la Chine un leader mondial de l’intelligence artificielle (IA). Des sommes colossales ont été injectées dans un fonds pour aider les entreprises à concevoir des puces informatiques avancées, en réponse aux restrictions américaines sur les exportations.
De leur côté, des géants technologiques nationaux comme ByteDance (maison mère de TikTok) et Baidu ont tenté de concevoir un robot conversationnel IA pouvant rivaliser avec ChatGPT, lancé en 2022 par l’américain OpenAI. Contre toute attente, c’est finalement le discret DeepSeek qui a accompli cet exploit, provoquant un krach à Wall Street qui a effacé plus de 500 milliards de dollars de capitalisation boursière du mastodonte américain des puces, Nvidia. « Le point intéressant à noter, c’est que cette percée a été réalisée non pas par des instituts de recherche soutenus par le gouvernement et de grandes entreprises d’Etat, mais par un fonds spéculatif sans subventions gouvernementales », note Zhiwei Zhang, économiste au cabinet Pinpoint Asset Management.
Le secteur privé chinois
Le succès de DeepSeek pourrait ainsi encourager Pékin « à soutenir davantage l’innovation technologique dans le secteur privé », souligne-t-il. Mais la start-up chinoise pourrait voir plusieurs obstacles se dresser sur son chemin. Car déjà aux Etats-Unis, des voix s’élèvent pour demander un renforcement des restrictions sur les exportations de puces avancées vers la Chine. Malgré les tensions bilatérales actuelles et la menace d’une nouvelle guerre commerciale sino-américaine, DeepSeek était ces derniers jours en tête du classement des téléchargements d’applications sur l’App Store d’Apple – de nombreux internautes étant curieux de l’essayer. Mais sa popularité croissante à l’étranger soulève également certaines interrogations.
Déjà du côté des gouvernements occidentaux. Beaucoup s’inquiètent régulièrement du fait que les applications chinoises pourraient, affirment-ils, potentiellement espionner pour le compte de Pékin. Autre question: celle de la censure d’Etat, en Chine, de tout contenu jugé indésirable. Les autorités ont récemment mis en application de nouvelles régulations sur l’IA générative. Elle vise notamment à expurger tout contenu obscène ou toute incitation à la violence, ainsi que de s’assurer que le contenu produit soit conforme à la ligne officielle sur des sujets sensibles comme Taïwan ou les droits humains.
Si DeepSeek souhaite devenir le chatbot de référence au niveau mondial, il devra également apaiser les craintes en matière de données personnelles. Un sujet qui rappelle le dossier TikTok. L’application de vidéos courtes, très populaire auprès des Américains, est toujours menacée d’interdiction aux Etats-Unis, où les autorités, au nom de la sécurité nationale, disent s’inquiéter pour la sécurité des données d’utilisateurs. « La réduction des coûts opérée par DeepSeek est louable, mais les implications pour la vie privée liées à sa collecte de données soulèvent des préoccupations importantes », déclare Saeed Rehman, professeur de cybersécurité à l’Université Flinders, en Australie. « Cette situation pourrait susciter des préoccupations similaires à celles soulevées pour TikTok, où la confidentialité des données et la sécurité ont suscité un vif débat. »
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