Routes des Savanes, Mort et Corruption Policière

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Routes des Savanes, Mort et Corruption Policière
Routes des Savanes, Mort et Corruption Policière

Africa-Press – Togo. Dans les Savanes, voyageurs et marchandises s’entassent dans des camions ou minibus surchargés. Une pratique illégale mais tolérée par la police routière, parfois même à deux pas de ses postes de contrôle. Résultat: chaque nouvel accident relance les promesses officielles de rigueur, mais rien ne change, et les drames se répètent.

Dans la région des Savanes, les accidents de la route se succèdent avec une régularité tragique. À chaque drame, compassion officielle et promesses de contrôles renforcés reviennent comme un refrain. Mais malgré ces annonces, le problème persiste: laxisme policier, imprudence des conducteurs et indifférence des passagers maintiennent la région dans un cycle d’accidents meurtriers.

« Les véhicules affectés au transport des marchandises ne doivent pas servir au transport de passagers », martelait en décembre 2021 le ministre de la Sécurité et de la Protection civile de l’époque, Yark Damehane, appelant au respect scrupuleux du code de la route.

C’était au lendemain d’un grave accident survenu dans le village de Myre, sur l’axe Warkambou–Dapaong. Le bilan était lourd: douze morts, dont un nourrisson de six mois, et vingt-six blessés graves. Dans la foulée, le gouvernement avait annoncé un durcissement des contrôles routiers. Une annonce de plus, vite oubliée.

Car ce drame n’était pas le premier. En 2013 déjà, un camion de marché revenant de Gbentchale, dans la préfecture de Kpendjal, avait causé la mort de plus d’une vingtaine de personnes et fait plusieurs blessés.

Plus loin encore, en 2002, l’accident de Nanergou, sur la nationale n°1 à cinq kilomètres de la sortie nord de Dapaong, impliquant un camion de retour du marché de Cinkassé, avait fauché près de trente vies et laissé de nombreux mutilés à vie. Ces tragédies rappellent les mêmes réalités: les routes de la région, comme d’ailleurs à travers le pays, continuent d’endeuiller des familles, et les annonces officielles ne changent rien au cycle infernal.

Au cœur de cette hécatombe routière se trouve une pratique aussi courante que meurtrière: le transport mixte de passagers et de marchandises. Dans la région, commerçants et clients se rendent aux marchés entassés dans des camions surchargés, aux côtés de sacs de maïs, de haricots, de feuilles de tôle ou de ciment.

Selon des témoins, le bilan de l’accident survenu samedi dernier aurait pu être moins lourd si le minibus ne transportait pas des sacs de soja, de maïs et de haricot. Plusieurs victimes se sont retrouvées coincées sous les sacs de céréales, au point qu’il a fallu éventrer certains d’entre eux pour les dégager.

Cette habitude s’explique par une logique économique: voyager ainsi revient moins cher, car les passagers bénéficient d’une réduction en partageant l’espace avec leurs marchandises. Opter pour un minibus, tout en laissant les marchandises suivre dans un camion, coûterait presque le double.

Dans une région marquée par une pauvreté structurelle, le choix paraît « rationnel »… jusqu’au moment où l’accident survient. Mais au final, la vie humaine, elle, n’a pas de prix.

À cette imprudence collective s’ajoute le laxisme des forces de sécurité routière. Si les contrôles sont parfois implacables contre les motocyclistes sans casque ou les automobilistes qui brûlent un feu tricolore, ils se montrent étrangement tolérants face à des camions vétustes circulant avec des systèmes de freinage défaillants, des pneus lisses ou des phares inexistants.

Plus grave encore, la pratique du transport mixte est rarement sanctionnée, alors même que le code de la route l’interdit. Le dernier accident est d’autant plus révoltant qu’il s’est produit à moins de deux kilomètres du poste de contrôle quotidien de la Division de la Sécurité routière (DSR), où des policiers sont visibles chaque matin.

Que vaut donc cette présence si les infractions les plus dangereuses passent inaperçues? Et pourquoi les agents de la DSR ne subissent-ils aucune sanction disciplinaire malgré la récurrence des drames?

À chaque accident grave, les autorités réagissent par des promesses de rigueur. Ainsi, le gouverneur de la région des Savanes a annoncé le 28 juillet un durcissement des contrôles routiers à compter du 1er août. Mais cette fermeté de façade ressemble à un feu de paille.

Le temps que l’émotion s’estompe, les vieilles habitudes reprennent le dessus. Tant que les autorités se contenteront de discours et que les policiers fermeront les yeux, les routes des Savanes resteront des cimetières à ciel ouvert.

François Bangane

Source: lalternative.info

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