Africa-Press – Togo. « L’être humain est fait pour rester actif. Malheureusement, nous devenons sédentaires et nous n’utilisons plus notre organisme à son plein potentiel », affirme Barbara Crisol, chercheuse au Centre de recherche en myologie (Paris). Tout comme un engrenage bien huilé fonctionne mieux, le système immunitaire est plus efficace lorsque l’organisme est soumis à une activité physique régulière et d’intensité modérée.
« Pendant l’exercice, la fréquence cardiaque et donc la circulation sanguine augmentent et transportent plus facilement les cellules du système immunitaire sur un site d’infection, un cancer ou une blessure « , explique Delphine Sauce, qui dirige l’équipe Microbiote et trajectoires immunitaires à l’Inserm.
En outre, l’exercice augmente la production par la glande surrénale de catécholamines, ces hormones du stress que sont l’adrénaline, le cortisol et la noradrénaline. « Les catécholamines stimulent le débit cardiaque et aident les cellules immunitaires à se décrocher des parois des vaisseaux sanguins pour les faire circuler « , précise le Dr Stéphane Bermon, médecin du sport et ancien président de la Société internationale d’exercice et d’immunologie (Isei). Certaines cellules immunitaires possèdent même des récepteurs spécifiques aux catécholamines, les rendant plus efficaces pour traquer les cellules cancéreuses ou les agents infectieux.
Alors que les hormones circulent, les muscles sous effort produisent de l’interleukine-6 (IL-6), une protéine habituellement pro-inflammatoire mais qui, dans ce cas-là, a l’effet inverse. « Plus l’exercice physique recrutera de muscles, plus il sera intense et plus la quantité de protéines sécrétées sera importante », précise Barbara Crisol. L’action anti-inflammatoire de l’IL-6 est particulièrement bénéfique, car si l’inflammation est une réaction immunitaire utile en première ligne face à une menace (infection, blessure, etc.), elle devient délétère lorsqu’elle est chronique ou prolongée. « L’exercice diminue l’inflammation liée par exemple au stress, à l’âge ou à des maladies et aura probablement un effet protecteur sur la santé globale de l’individu « , affirme Delphine Sauce.
Un effet protecteur sur les neurones
Outre l’IL-6, le facteur de croissance BDNF (pour brain-derived neurotrophic factor) est également produit dans le cerveau en réponse à l’exercice physique. « On pense que ce facteur est protecteur pour les neurones « , explique Bertrand Fontaine, responsable du service de neuromyologie à l’Institut de myologie, à Paris. Cela pourrait être selon lui un des mécanismes par lesquels l’activité physique préserve la mémoire dans la maladie d’Alzheimer. Pour la maladie de Parkinson, autre pathologie neurodégénérative sur laquelle les effets de l’exercice ont été bien documentés, la kinésithérapie est même prise en charge à 100 %.
« L’activité physique est à la fois un outil de prévention et de traitement… Et sans aucun effet secondaire ! « , appuie Barbara Crisol. L’exercice permet notamment de diminuer le risque d’infection respiratoire, ne serait-ce qu’en limitant les interactions avec les agents infectieux. « Vous videz vos poumons de tout ce qu’ils contiennent, vous augmentez votre transit et vous allez probablement agir sur l’équilibre de votre microbiote « , recense Bertrand Fontaine.
Depuis les années 2000, des travaux de grande ampleur démontrent que l’activité physique permet de réduire de 33 % la mortalité toutes causes confondues – en particulier de 35 % la mortalité cardio-vasculaire -, de 20 % le risque de développer une démence, de 14 % pour la maladie d’Alzheimer, et même de 58 % pour le risque de diabète ! « Ces bénéfices sont plus importants qu’avec n’importe quel agent thérapeutique existant « , pointe Stéphane Bermon. Une activité physique adaptée diminue le taux de récidive de cancer du sein de 24 %, rapporte la fondation ARC pour la recherche contre le cancer.
L’Organisation mondiale de la santé recommande 2h30 min d’activité physique modérée par semaine réparties sur trois séances, ainsi que deux séances de renforcement musculaire. « Modérée, cela signifie qu’on peut continuer à parler pendant l’exercice, précise Delphine Sauce. Marcher, monter des escaliers, faire de la natation, c’est toute l’hygiène de vie qui va avec qui importe. »
Adapter son activité physique est essentiel pour en récolter les bénéfices. Car lorsque l’effort est trop intense au regard des capacités de l’individu, il crée au contraire une période de dépression immunitaire pendant plusieurs heures à plusieurs jours. Durant cette période critique, le corps semble plus vulnérable aux infections, en particulier respiratoires. « Quand votre grand-mère vous disait de vous couvrir après l’effort, elle n’avait pas tort ! « , s’amuse Stéphane Bermon.
Une récente étude suggère cependant que, s’il y a effectivement moins de cellules immunitaires dans le sang après un effort intense, elles n’ont pas disparu. « On les retrouve au niveau des organes sensibles comme les poumons « , explique Delphine Sauce. Il s’agit peut-être d’une relocalisation des cellules immunitaires restantes vers des sites plus sensibles aux intrusions.
Récupérer après un effort physique trop intense
« Les effets de l’activité physique sur l’immunité dans le temps décrivent une courbe en ‘J’ « , explique Stéphane Bermon. D’intensité modérée, l’activité physique diminue le risque infectieux par rapport à la sédentarité. Très intense, elle cause en revanche un stress rendant l’organisme temporairement vulnérable, d’autant plus si les efforts s’enchaînent sans période de récupération.
Un exercice physique modéré diminue le risque d’infection des voies respiratoires supérieures, contrairement à un effort prolongé et intensif. Crédit: BRUNO BOURGEOIS
Accompagnée d’œdèmes (accumulation de liquide), l’inflammation est d’ailleurs visible à l’IRM après un effort trop intense, signe de courbatures, explique Benjamin Marty, coresponsable du laboratoire d’imagerie de l’Institut de myologie, à Paris.
Pour que les effets négatifs d’un effort intense s’estompent, il est indispensable d’observer une période de récupération dans les jours qui suivent l’exercice, rappelle Delphine Sauce. « Les microlésions des muscles en surrégime et l’hyper-inflammation entraînent la sécrétion de résidus de stress oxydatif, qui participent à un système de boucle inflammatoire, un signal de danger. » Dans les cellules musculaires, le repos permet aux mitochondries – les centrales énergétiques cellulaires – de repasser à un système de production d’énergie qui ne relâche plus de stress oxydatif. Une reprogrammation qui agit « un peu comme un extincteur après un incendie « , illustre Delphine Sauce.
Une meilleure réponse vaccinale est observée
Heureusement, le corps s’adapte. « Les cellules musculaires ont une mémoire, une faculté d’adaptation, explique Barbara Crisol. La première fois que vous faites un effort physique, le corps le perçoit comme un stress. Mais jour après jour, cela finit par ne plus être le cas. » Pour cette raison, la régularité de la pratique de l’activité physique est la clé de cette adaptation.
« Les personnes âgées qui régulièrement marchent, jardinent ou font de la natation, par exemple, ont aussi une meilleure réponse vaccinale », révèle Delphine Sauce. Après le vaccin contre la grippe notamment, il a été montré que les anticorps produits chez les personnes âgées actives durent beaucoup plus longtemps et protègent mieux, ajoute-t-elle. Certaines études suggèrent même que l’exercice physique juste avant ou juste après un vaccin pourrait renforcer son efficacité !
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