Africa-Press – Togo. Une large étude publiée dans Nature laisse entendre que les personnes vaccinées contre le Covid-19 au début de leur traitement contre le cancer auraient une espérance de vie presque doublée.
Que montre cette étude?
Elle montre que le vaccin à ARN contre le Covid-19, lorsqu’il est administré chez des malades du cancer, permet de booster le traitement qu’ils reçoivent déjà. 1000 dossiers de patients traités pour un cancer entre août 2019 et août 2023 ont été analysés. Parmi eux, 180 patients atteints d’un cancer du poumon et vaccinés contre le Covid ont bénéficié d’une médiane de survie de 37,33 mois contre 20,6 mois chez 704 patients non vaccinés.
Chez des patients atteints de mélanome métastatique, la survie médiane s’est établie à 26,67 mois pour 167 patients non vaccinés. Chez ceux ayant été vaccinés contre le Covid-19, la médiane n’a pas encore pu être calculée, car plus de la moitié du groupe est encore en vie. Un paramètre qui semble indiquer une amélioration notable dans l’espérance de vie.
Un vaccin oui, mais quand?
Contre le Covid-19, le vaccin à ARN devient actif dans les jours qui suivent l’injection. Mais dans cette expérience concernant le cancer, le moment de l’injection s’est révélé crucial. Les personnes ayant reçu le vaccin dans les 100 jours après avoir démarré leur traitement avaient plus de chances d’en bénéficier que celles qui l’avaient reçu en dehors de cette fenêtre de tir.
Par ailleurs, la technologie du vaccin a aussi son importance. Seuls les vaccins à ARN ont montré cette efficacité. Les vaccins contre la pneumonie ou ceux contre la grippe, qui ne sont pas des vaccins à ARN, n’ont pas montré cet effet boosteur contre le cancer.
Comment cette idée est-elle venue aux chercheurs?
« Les inhibiteurs de checkpoint – un traitement contre le cancer par immunothérapie – permettent de débrider le système immunitaire pour qu’il attaque les cellules cancéreuses. Ils ont transformé la façon dont on traite de nombreux cancers. Mais ils ne fonctionnent pas sur plus de la moitié des patients qui en bénéficient. Parfois, le système immunitaire est trop fatigué pour attaquer les cellules cancéreuses », explique à Sciences et Avenir le Dr Steven Lin, oncologue au MD Anderson Cancer Center, qui signe ces travaux.
Pour compenser ce manque à gagner, les chercheurs tentent de développer des vaccins « personnalisés » contre le cancer. Ils seraient utilisés avec les immunothérapies pour cibler les cellules cancéreuses. « Bien que les premiers résultats soient prometteurs, ces traitements sont encore expérimentaux », précise le chercheur. L’équipe du MD Anderson Cancer Center s’est alors demandée si des vaccins déjà existants et connus pour booster l’immunité, comme les vaccins contre le Covid, pourraient faire l’affaire.
Comment un vaccin contre le Covid peut-il concrètement aider à lutter contre le cancer?
L’inhibiteur de checkpoint fonctionne en visant PD-L1, une protéine présente à la surface de nombreuses cellules de l’organisme. Quand PD-L1 se lie à son récepteur PD-1, elle empêche les lymphocytes T d’attaquer. Cette réaction tout à fait normale protège nos tissus sains et évite les réactions auto-immunes. Mais pour échapper au système immunitaire, les cellules tumorales surexpriment PD-L1 à leur surface, dans le but de désactiver les lymphocytes T chargés de les tuer.
Certains traitements contre le cancer, des immunothérapies, viennent mettre à mal ce mécanisme. Appelées anti-PD-L1, elles empêchent PD-L1 de se lier à son récepteur PD-1. Les lymphocytes T ne sont plus désactivés, et ils continuent donc de détruire les agents étrangers, à l’instar des cellules tumorales.
Or, « le vaccin à ARN réveille les cellules immunitaires à l’intérieur de la tumeur. Combinées aux inhibiteurs de checkpoint, toute la puissance du système immunitaire est activée », détaille à Sciences et Avenir le Dr Adam Grippin, premier auteur de l’étude. « Les vaccins à ARN sont des outils puissants pour reprogrammer la réponse immunitaire contre le cancer », expliquent les chercheurs, qui les comparent à « une sonnette d’alarme mettant l’organisme en alerte, afin de mieux reconnaître et attaquer les cellules cancéreuses. »
De façon générale, l’organisme se met vent debout contre les éléments néfastes, et les cellules cancéreuses en font partie. « Les vaccins à ARN messager agissent très en amont, au niveau des cellules immunitaires innées. Ces cellules, présentes dans nos tissus, captent les vaccins injectés et envoient des signaux d’alerte pour activer la réponse immunitaire adaptative contre des agents extérieurs spécifiques », explique le Dr Lin.
Si c’était définitivement prouvé, qui pourrait en bénéficier?
Lors d’une étude clinique, les chercheurs ont découvert la même activation immunitaire chez des volontaires sains. Surtout, le centre de recherche précise que ce sont les patients peu réceptifs à l’immunothérapie, donc ceux qui répondaient le moins bien aux traitements, qui ont le plus bénéficié de cet effet booster. Leur taux de survie était 5 fois plus élevé que celui des personnes non-vaccinées.
Si ces travaux s’avèrent réjouissants, ils ne permettent pas d’établir des recommandations à eux seuls. « Il nous faut encore démontrer cela dans un essai beaucoup plus large, afin de tester cette hypothèse de façon plus formelle », explique le Dr Steven Lin. L’équipe a déjà lancé un essai randomisé de phase III, afin de savoir si oui ou non, les vaccins à ARN devraient entrer dans le parcours de soin classique des patients atteints de cancer.
« Il y a encore beaucoup à apprendre sur cette réponse immunitaire », estime le chercheur. « Ainsi, nous pourrons créer la prochaine génération de vaccins à ARN capable d’améliorer encore mieux cette réaction. » Autre question qui se pose: comment combiner ce vaccin à d’autres types de thérapies, comme la radiation ou d’autres classes de médicaments contre le cancer?
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