Climat Performance Récupération Athlètes en Laboratoire

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Climat Performance Récupération Athlètes en Laboratoire
Climat Performance Récupération Athlètes en Laboratoire

Africa-Press – Mali. C’est une porte bleue au deuxième étage du bâtiment de la faculté des sciences et de médecine sur le campus d’Aix Marseille Université. Dès l’entrée, impossible de louper à droite le revêtement aux couleurs des JO 2024 de la longue piste de sprint (voir ci-dessous). Sur la gauche, on entend un ronronnement en provenance d’une étrange pièce, la chambre climatique et calorimétrique (voir ci-dessous). Unique en Europe, elle permet de simuler des environnements climatiques variés (température, humidité, altitude ) pour étudier l’impact des conditions climatiques sur l’activité des volontaires qui s’y enferment. Bienvenue au HIPE Human Lab.

HIPE? Comme « Human Integrated Performance and Environment ». Nous sommes ici dans un laboratoire de recherche axé sur la physiologie humaine ; il vient tout juste d’ouvrir ses portes à Marseille. Inauguré mi-avril, ce laboratoire s’appuie sur les compétences d’une centaine de chercheurs répartis dans quinze unités différentes couvrant un très large éventail de disciplines: métabolisme, thermorégulation, activité musculaire et mouvement, comportement et cognition, hydratation, nutrition… En pratique, des spécialistes du mouvement, des physiologistes, des ingénieurs, des préparateurs physiques et des médecins qui, ensemble, conduisent de nombreux projets de recherche au carrefour entre climat, sport et santé. Objectif de leurs travaux: mieux comprendre l’impact des conditions environnementales extrêmes — chaleur, pollution, altitude, fatigue — sur le corps et ses performances physiques, optimiser les performances des sportifs mais aussi améliorer la situation de patients atteints de pathologies chroniques.

« La configuration de HIPE permettra de transférer les résultats de nos recherches du domaine du sport à celui de la santé et inversement, l’idée étant de rendre nos travaux accessibles au plus grand nombre de personnes », résume Denis Bertin, son directeur. Autrement dit, percer à jour la physiologie humaine, tant pour améliorer les performances et la récupération des sportifs de haut niveau que pour « réparer » les patients et apprendre à vivre sur une planète malheureusement programmée en mode surchauffe.

HIPE travaille sur cinq axes de recherche: métabolisme et nutrition, oncologie, ostéo-articulaire, neurologie et environnement. « Nous collaborons avec différentes fédérations sportives comme des industriels », précise Denis Bertin. Entre la piste de sprint et la chambre climatique, plusieurs centaines de mètres carrés, autant de pièces réservées aux manipulations auxquelles se prêtent toujours avec le sourire les nombreux volontaires, sportifs et patients, qui viennent ici courir, pédaler, ramer.

Sciences et Avenir a pu visiter les coulisses de ce consortium de recherche multidisciplinaire. Soutenu par le plan France 2030, il a bénéficié d’un investissement de 8 millions d’euros. Une version plus light (sans la chambre) avec du matériel embarqué dans un camion est déjà prévue. « Pour circuler partout en France ou en Europe, prévoit Arnaud Hays, Arnaud Hays, ingénieur de recherche et expert sport de haut niveau, à la rencontre du plus grand nombre de personnes, dans des hôpitaux, des cliniques, des centres de rééducation, les Ehpad, des écoles… ». Départ prévu à l’été 2026.

En attendant, HIPE poursuit ses expérimentations, des plus fondamentales aux plus pratiques, entre amélioration du suivi des blessures en médecine du sport, mise au point d’un prototype de gilet thermorégulant ou celle d’un plastron connecté pour la pratique du taekwondo. Sans oublier, dans la suite des jeux Paralympiques 2024, des solutions visant à améliorer le quotidien des personnes en fauteuil. Explications.

Une chambre calorimétrique et climatique

C’est une pièce étanche de 10 m2 dans laquelle on peut faire du sport (courir, pédaler…) mais aussi dormir, et ce, plusieurs jours d’affilée, tout en étant absolument coupé du monde. Unique en Europe, il s’agit d’une chambre à la fois calorimétrique (mesure des échanges gazeux de la consommation d’O2 et la production de CO2) mais aussi climatique car il est possible, à des fins de recherche, d’y faire varier la température, l’altitude ou le taux d’humidité pour simuler des conditions autres que celles du lieu de mesure. En clair, pour recréer une canicule, raréfier l’air en oxygène comme au sommet de l’Everest, saturer l’air en eau comme en Asie… Et bientôt rajouter dans l’air ambiant des polluants et allergènes à différentes concentrations pour étudier leurs effets sur la fonction respiratoire. D’ici à quelques mois, il sera aussi possible d’y simuler le rayonnement solaire, les murs de la chambre devant s’équiper de panneaux particuliers. Une fois enfermés, les volontaires peuvent toujours communiquer avec l’extérieur ; écrans, micros, passe-plat,.. tout est prévu (douche, toilettes) pour un séjour confortable mais sans contact avec l’air extérieur pour ne pas fausser les mesures. Finalement, il n’y a qu’une seule condition: ne pas être claustrophobe.

Aujourd’hui, un protocole original se prépare: l’étude, après un effort intense, des différences de récupération musculaire entre hommes et femmes. 24 participants au total seront inclus dans cette étude, en toute parité. Pour cela, le parcours de la célèbre course Marseille-Cassis (20 kilomètres, dénivelé positif de plus de 500 mètres, 20.000 participants chaque année, 46e édition en octobre prochain) a été totalement reconstitué sur le tapis de course installé dans la chambre. Le second participant à l’étude, Matt, 20 ans, va donc courir ici dans les conditions exactes de la dernière course en 2024, soit 17°C et 70% d’humidité, quand le thermomètre extérieur affiche ce matin déjà 26°C.

Devant lui, un écran avec un retour visuel du trajet (la traversée du parc national des calanques) filmé dans la vraie vie lors d’une montée (effectuée en vélo) par Pierre Demeusoy, le doctorant en sciences du sport qui pilote la manipulation à l’extérieur de la chambre. « Col de la Gineste en vue, reste focus », lance Pierre à travers le micro au coureur qui a déjà parcouru presque la moitié du parcours. Matt se réhydrate régulièrement, différentes bouteilles d’eau et compotes étant disposées près de son tapis. L’objectif de la manipulation qui se poursuivra plusieurs jours après la course est le suivant: étudier la récupération fonctionnelle et structurale des muscles des jambes avec la recherche de microlésions visibles à l’imagerie, une première IRM ayant été réalisée avant le départ et d’autres étant prévues à J2, J4 et J7.

Avant l’entrée dans la chambre, l’activité électrique des muscles des jambes de Matt a aussi été enregistrée avec un électromyogramme, c’est-à-dire avec la pose d’électrodes sur la peau. « Nous allons comparer les différences de récupération entre douze hommes et douze femmes, précise Pierre Demeusoy, surtout au niveau des muscles ischio jambiers, très sollicités à chaque impact, surtout lors de la phase de descente ». Des observations antérieures menées dans le laboratoire ont en fait déjà montré que si de plus en plus de femmes surclassent les hommes dans les longues courses d’ultra-trail, elles récupèrent toutefois moins bien et présentent, dans les jours qui suivent les courses, davantage d’inflammation visible en IRM au niveau des fameux ischio-jambiers. « Nous cherchons maintenant à savoir quels entraînements différents il serait possible de leur proposer pour une meilleure préparation », détaille Pierre.

Pour l’instant, Matt court toujours, à bonne vitesse cette fois dans la descente (13 km/h, 16°8 C, 55% d’humidité). Il attaque les derniers mètres, Cassis est en vue, et la sortie de la chambre se précise. « Plus que 100 mètres, c’est bon champion, tu as bientôt fini », prévient Pierre. Le tapis ralentit puis s’arrête et Matt va pouvoir enfin récupérer. Une dernière contrainte avant la sortie, une prise de sang au bout du doigt, réalisée dès qu’il aura glissé son bras dans le sas de communication: un prélèvement de sang capillaire pour doser les lactates et évaluer l’acidification de son sang. A sa sortie de la chambre, dernier prélèvement, cette fois au pli du coude, pour des analyses (globules blancs, cytokines, séquençage de l’ARN… ) visant, elles, à étudier finement le profil immunitaire des coureurs. Comme les IRM, ces examens sanguins seront aussi répétés plusieurs jours après l’effort et c’est ensuite une autre doctorante, Yeter Kara, qui prendra le relais de la manipulation. « Après un effort physique intense, on sait que le système immunitaire est modifié de manière différente chez les hommes et les femmes, détaille la chercheuse. Nous voulons aussi étudier l’effet de l’exposome (température, pollution) sur la fonction des mitochondries dont le principal rôle est de fournir de l’énergie aux cellules et nous cherchons à mettre en évidence des biomarqueurs biologiques en lien avec la fatigue et la récupération », explique la jeune femme.

D’ici à quelques semaines, une nouvelle manipulation est programmée. Seize personnes, toutes victimes d’un accident vasculaire cérébral et handicapées dans leur quotidien par une fatigue chronique, séjourneront dans la chambre. « Nous avons recréé des scènes de la vie de tous les jours, faire un lit, s’habiller, faire la vaisselle, précise Arnaud Hays. Ensuite, en lien avec des kinésithérapeutes, il s’agira de leur proposer des exercices d’activités physiques mieux adaptés ». Autre manipulation prévue, faire participer (et jouer) des adeptes de jeux vidéo, pas pour étudier leurs capacités sportives mais leur métabolisme. Enfin, une autre étude visant elle à mieux comprendre les mécanismes d’adaptation à la chaleur est aussi inscrite à l’agenda. « Avec le réchauffement climatique, tout le monde veut vivre à 20°C sous climatisation mais cela ne sera pas possible, poursuit Arnaud Hays, il nous faudra nous adapter ». Si les athlètes de haut niveau ont déjà mis en place des stratégies pour mieux performer en cas d’épreuves prévues sous des températures élevées (bains chauds quotidiens de 30 minutes après les entraînements pendant plusieurs jours d’affilée avant la date des épreuves), ce mode de vie adaptatif demeure évidemment non applicable pour la population.

Avant de proposer d’éventuelles « solutions » adaptées aux différents groupes de population, « il nous faut déjà élucider les complexes mécanismes de la thermorégulation et comprendre les différences d’adaptation à la chaleur », poursuit Arnaud Hays. Autrement dit, mieux étudier la physiologie de ceux qui vivent dans des pays chauds et comprendre en quoi elle diffère de ceux issus des zones tempérées. C’est dans ce but que la chambre accueillera ainsi bientôt des volontaires résidant au Sénégal.

L’ergomètre balistique

Imaginez une étrange machine sur laquelle on peut s’allonger et poser ses jambes sur des plateaux verticaux pour ensuite se propulser et reculer le plus loin possible en arrière. Il s’agit d’un ergomètre balistique issu de recherches de l’Institut des sciences du mouvement (ISM/amU/ CNRS). « Cet outil unique est capable de caractériser le mouvement pendant les 300 premières millisecondes d’un déplacement, soit le temps durant lequel interviennent les risques de blessure », détaille Denis Bertin.

Les travaux ont été initiés avec des athlètes de haut niveau dans l’idée d’optimiser leurs entraînements mais très vite d’autres applications plus généralistes sont apparues. Aujourd’hui plus de 1500 personnes ont déjà testé le dispositif qui pourrait servir comme outil de rééducation face à une rupture des ligaments croisés antérieurs, un accident fréquent lors de la pratique du foot ou du ski. Chaque année en France, 50.000 interventions de reconstruction de ces ligaments sont pratiquées. D’où l’idée de prévenir les blessures avant qu’elles ne surviennent avec cet outil en repérant à l’avance les faiblesses. Pour cela, l’ergomètre en cours de miniaturisation doit aussi bénéficier de l’apport de l’IA. La mise au point d’un modèle mathématique en cours de développement devrait permettre à terme une utilisation par des kinés et des médecins.

La piste de sprint

43 mètres de long, deux couloirs de course pour sprinter comme dans un stade. Avec son radar de vitesse et ses plateformes de force intégrées à des emplacements stratégiques tout au long du parcours pour enregistrer différents paramètres (force de l’impact de propulsion exercée sur la ligne de départ au démarrage, accélérations, dynamique du mouvement dans les trois dimensions…), « elle permet d’étudier très finement la course de chaque sprinteur, tant en force qu’en vitesse et donc en puissance, précise Adrien Mangini, doctorant en sciences du mouvement. Il est possible d’apprécier la latéralité pour détecter d’éventuelles différences d’appuis entre les deux jambes en lien avec des asymétries dont on sait qu’elles sont sources de blessures. » Ici, les foulées sont donc scrutées à la loupe pour les optimiser et observer l’impact de la fatigue lors des phases de répétition. Les différences entre hommes et femmes sont également prises en compte, et tout sera mis en place pour des entraînements personnalisés permettant aux athlètes de mieux performer et récupérer.

Un gilet thermorégulant

Tout avait commencé avec un projet de gilet thermorégulant développé au départ pour les sportifs de haut niveau avec la Fédération de voile. « Mais il s’est vite avéré que le simple ajout de packs de glace dans une veste n’était pas du tout adapté et était même délétère, détaille Arnaud Hays. Car le corps soumis à une agression par le froid réagit en augmentant sa température ». Les chercheurs ont alors repris leurs réflexions et calculs pour imaginer un dispositif qui puisse à la fois absorber la transpiration, cette couche d’humidité qui se forme sur la peau, tout en ventilant. « Nous cherchons à recréer au mieux le comportement naturel de la transpiration », résume le chercheur qui poursuit ses travaux. Le nouveau prototype est d’ailleurs en phase de test, entre ses différentes couches et ventilateur intégré. Un dispositif qui pourrait à terme être utilisé par les sportifs mais aussi par les travailleurs du BTP.

Des innovations pour les personnes en fauteuil

Des fauteuils plus légers, mieux équilibrés, antidérapants pour des athlètes handicapés. Autant de sujets au cœur du projet dit Paraperf conduit par Arnaud Hays et mené, par exemple, sur des roues connectées transmettant les informations des déplacements des fauteuils. Sans oublier une urgente réflexion à conduire sur les revêtements de sols dans les gymnases. Car si les personnes valides apprécient les sols mous et que la plupart des équipement sportifs en sont aujourd’hui dotés, cette souplesse n’est elle pas du tout adaptée aux paraplégiques. « Les roues s’enfoncent et cela se traduit par une augmentation de 20 à 30% des contraintes sur leurs épaules », détaille Arnaud Hays. Résultat, des blessures dont les handicapés se seraient bien passés et et peu ou pas de lieux adaptés aux fauteuils pour les exercices en salle.

Les bains d’immersion

Le laboratoire veut aussi comprendre les mécanismes impliqués dans le coup de chaleur extrême et étudier les réactions physiologiques engendrées par l’immersion dans l’eau froide. Dans quel objectif? « Mettre au point des protocoles de refroidissement des victimes d’hyperthermie plus précis que ceux dont nous disposons aujourd’hui », détaille le Dr Jeremy Bourenne, anesthésiste réanimateur aux hôpitaux APHP de Marseille. Car aujourd’hui le refroidissement s’effectue de manière globale sur l’ensemble du corps mais reste empirique. C’est tout l’intérêt des travaux de l’équipe de Dorian Giraud, doctorant en physiologie. Aidé ce matin de Gabriel et Victor, tous deux en Master 2 de Santé Médecine et Biologie Humaine, tous s’activent aux derniers préparatifs de l’expérience du jour et la première volontaire, Marion, est prête.

Dans l’une des pièces dédiées à la manipulation, sont creusés des bassins (d’environ 1,5 m de diamètre sur un mètre de haut ) remplis d’eau froide (10°C). Mais avant d’y plonger, il est impératif, par le biais d’un effort physique intense (un exercice sur rameur) que Marion augmente sa température interne. Alors qu’elle est de base à 37°C, le thermomètre doit monter jusqu’à 38,5°C.

Pour mesurer aisément ce paramètre pendant toute la durée de la manipulation, tous doivent à leur arrivée avaler une gélule un peu particulière. Rouge et blanche, de la taille d’un gros Doliprane, il s’agit là d’un dispositif télémétrique miniaturisé à usage unique (éliminée par voie naturelle). Une fois connectée à un lecteur porté en bandoulière par le volontaire, elle transmet les données de la température centrale en continu qui s’affiche sur le lecteur. Mais nous ne sommes pas tous égaux face à la chaleur. « Face à une fièvre ou un coup de chaleur extrême, certains sont en parfaite forme à 40°, d’autres totalement KO à 38,5°C, rappelle l’anesthésiste. De la même manière, pour atteindre le 38,5 °C interne minimum requis pour l’expérience, certains doivent ramer 20 minutes, d’autres beaucoup plus. Pour aider ceux dont la température stagne à 38°C malgré l’effort, il est possible d’augmenter le chauffage, d’enfiler un K-way pendant l’exercice. Une fois les 38,5°C atteints, changement de salle et cap sur les bassins. Avant l’immersion, le volontaire est équipé de différents capteurs mesurant sa température cutanée, sa fréquence cardiaque… Sans oublier d’évaluer les échanges gazeux par le port d’un masque.

10 minutes à 12°C: c’est long… Les volontaires serrent un peu les dents. Mais le sourire revient vite. Place maintenant aux calculs, 160 manipulations différentes étant prévues d’ici les prochaines semaines auprès de vingt hommes et vingt femmes.

Un plastron connecté de taekwondo

Discipline olympique depuis les jeux de Sidney de 2000, « le taekwondo est aujourd’hui l’un des arts martiaux les plus pratiqués, connaissant un véritable engouement chez les jeunes, d’autant plus depuis la première médaille d’or 2024 française », détaille Arnaud Hays. Mais un monopole coréen sur les technologies freinait l’accès à cette discipline, le matériel restant coûteux. Les équipes de HIPE ont cherché à s’adapter au public et ont mis au point un plastron connecté plus ludique que les versions antérieures.

Le dernier en date a la particularité de bipper à chaque coup porté, permettant aux athlètes d’affiner leurs entrainements. Car il est désormais possible via une application mobile d’enregistrer les exercices et d’ainsi suivre ses performances dans le temps.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Mali, suivez Africa-Press

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