Africa-Press – Mali. Le virus du chikungunya circule activement à Mayotte. Depuis le début de l’année 2025, 746 cas ont été signalés dans le département français. Ce dernier, entré en phase épidémique, enregistre une baisse du nombre de cas en trompe-l’œil, prévient l’ANRS. 161 nouveaux cas confirmés du 26 mai au 1er juin, contre 228 cas dans la semaine antérieure. L’arrêt de confirmation par test PCR et le faible recours de la population aux services de santé entraîneraient une sous-estimation de l’ampleur réelle de la situation.
Le chikungunya a commencé par se propager sur l’île voisine de la Réunion à partir d’août 2024, avant que la situation épidémique ne flambe en mars 2025. « Avec un lien entre les deux territoires, à savoir deux liaisons aériennes quotidiennes, on savait que le risque d’importation était élevé », explique Hassani Youssouf, épidémiologiste à la cellule locale de Santé publique France.
Après un premier cas importé enregistré le 4 mars, un premier cas autochtone – donc dû à une transmission sur le territoire – est survenu 3 semaines plus tard. La situation s’est intensifiée au courant du mois d’avril, avec un doublement des cas. Depuis le 27 mai, l’île est entrée en phase épidémique, avec une « transmission intense et généralisée », selon l’ANRS.
Pas de test PCR pour confirmer les cas
Si les moustiques peuvent transmettre la maladie via leurs piqûres sur tout le territoire, 70% des cas ont été recensés dans trois communes: Mamoudzou, Dzaoudzi et Pamandzi. « Toutes les classes d’âges sont touchées mais on constate beaucoup de cas chez les 25 / 34 ans qui représentent environ un quart des cas enregistrés. »
Depuis la détection du premier cas confirmé dans l’archipel, 19 personnes ont été hospitalisées, dont onze femmes enceintes pour surveillance et sept enfants de moins d’un an. La première admission en réanimation néonatale a également été enregistrée fin mai. Aucun décès n’a été signalé.
« Nous pensons que la circulation a été sous-estimée pour le moment, prévient Hassani Youssouf. En raison des difficultés à l’hôpital, il a été demandé aux médecins de ne pas prescrire de confirmation des cas afin de ne pas emboliser les laboratoires de biologie médicale. Très peu de confirmations biologiques sont réalisées aux urgences. En parallèle, certains médecins affirment ne pas prescrire de vérification en ville non plus. »
Sans test PCR, impossible de savoir exactement combien de personnes sont touchées et de connaître la dynamique exacte de la maladie. Ajouté à cela, de nombreux patients ne se déplaceraient pas jusqu’aux structures de santé. « A Mayotte, on sait que les gens renoncent souvent aux soins », précise l’épidémiologiste.
Vaccination en berne et saison des pluies qui guette
Pour le moment, très peu d’habitants ont été vaccinés contre la maladie. Le vaccin Ixchiq, autorisé en 2024, est pris en charge par l’agence régionale de santé. Il est gratuit pour les personnes ciblées prioritairement par la campagne: les personnes âgées de 18 à 64 ans présentant des comorbidités (hypertension artérielle, diabète, maladies cardiovasculaires, maladies respiratoires et maladies neurovasculaires) et n’ayant pas déjà contracté le chikungunya par le passé.
Mais la campagne de vaccination, débutée fin mai, n’a entraîné qu’un très faible nombre de doses administrées, moins de 10 doses selon Hassani Youssouf. « Beaucoup de gens n’ont pas accès aux soins ici. Ils viennent à l’hôpital lorsque leur état est déjà très dégradé. Là encore, le faible niveau de vaccination va entretenir la circulation de la maladie. » Concernant les personnes de 65 ans et plus, la vaccination est suspendue suite aux signalements d’effets indésirables graves dont un décès sur le territoire de la Réunion. « Si l’épidémie s’intensifie à Mayotte, contrairement à l’île de La Réunion, celle-ci touche principalement les personnes de moins de 65 ans pour lesquelles le besoin est couvert par le vaccin Ixchiq », explique la Haute autorité de santé (HAS).
Dans le département le plus pauvre de France, les perspectives dans les mois à venir ne sont pas réjouissantes. Les conditions météorologiques laissent craindre une hausse des cas. « Nous entrons dans l’hiver austral. Avec la saison sèche, nous pouvons espérer une vraie baisse de l’intensité de la circulation », détaille Hassani Youssouf. Reste à savoir si elle s’arrêtera totalement ou si des foyers résiduels persisteront avec des cas sporadiques. Mais les experts s’attendent à une recrudescence des cas avec la saison des pluies, qui doit démarrer en novembre.
« C’est ce qu’il s’était déjà passé en 2005. L’épidémie était partie d’Afrique et était arrivée par les Comores. La saison humide de 2006 avait alors engendré une importante épidémie », se souvient l’épidémiologiste. Si la maladie n’est pas stoppée de façon nette durant la saison sèche, la prochaine saison des pluies promet d’intensifier d’autant plus l’épidémie. L’année dernière, Mayotte a déjà fait face à une épidémie de choléra ainsi que le passage du cyclone Chido.
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