Cameroun : comment Eneo et Yaoundé ont trouvé un compromis financier

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Cameroun : comment Eneo et Yaoundé ont trouvé un compromis financier
Cameroun : comment Eneo et Yaoundé ont trouvé un compromis financier

Africa-Press – Cameroun. En s’endettant auprès du marché monétaire pour apurer une partie de sa dette auprès de la filiale d’Actis, l’État oblige aussi cette dernière à payer ses fournisseurs. Pour un retour durable à l’équilibre financier dans le secteur ?

Une sursouscription de 126 % représentant plus de 88 milliards de francs CFA (environ 134 millions d’euros). Tel est le résultat de l’émission par le Cameroun de bons et d’obligations assimilables du Trésor, réalisée le 15 décembre.

L’opération visait à récolter 70 milliards de francs CFA afin de régler une partie du montant de la dette (à fin 2019) de l’État camerounais à l’égard d’Energy of Cameroon (Eneo), opérateur en charge de la production, distribution et vente d’électricité dans le pays – lequel est détenu à 51 % par le fonds Actis et à 44 % par Yaoundé, le personnel détenant les 5 % restants. Une deuxième émission de 48 milliards de francs CFA doit avoir lieu le 17 janvier, ce qui porterait la titrisation monétaire de la créance de l’État vis-à-vis de l’énergéticien à 118 milliards de francs CFA.

Menace de délestages pendant la CAN

L’accord, dont le protocole a été paraphé le 21 décembre, intervient alors que la menace de délestages planait sur la Coupe d’Afrique des nations (CAN) de football que le Cameroun organise à partir du 9 janvier.

Le britannique Globeleq et ses filiales Kribi Power Development Corporation (KPDC), gérante de la centrale à gaz de Kribi (216 MW), et Dibamba Power Development Corporation (DPDC), exploitant la centrale thermique de Dibamba (88 MW), risquaient de ne pas mettre à contribution leurs capacités du fait de l’ardoise d’Eneo, évaluée à 98 milliards de francs CFA.

Pour prévenir cette difficulté, le ministre des Finances, Louis Paul Motaze, de concert avec son homologue de l’Eau et de l’Énergie, Gaston Eloundou Essomba, se sont mobilisés. Ils ont écarté les propositions de rachat de dette de Société générale, dirigée par Nicolas Pichou, et de BGFI, menée par Abakal Mahamat, pour retenir celle de Financia Capital, cabinet fondé par Serge Yanic Nana.

Jouant le rôle d’arrangeur, celui-ci a choisi Afriland First Bank Cameroun comme agent dans la double intervention sur le marché monétaire. Il a surtout monté un schéma gagnant-gagnant pour les différentes parties. « Cet accord vient enfin résoudre durablement le lancinant problème de l’équilibre financier du secteur électrique camerounais. Il soulage nos principaux clients débiteurs tout en offrant une bouffée d’oxygène financière à nos fournisseurs, après l’entente trouvée il y a deux ans avec Tradex [voire encadré ci-dessous] », résume un cadre d’Eneo, dirigé depuis fin 2019 par le Français Éric Mansuy, qui a participé à la discussion ayant abouti au protocole d’accord.

En apurant partiellement sa dette ainsi que celle de deux entreprises publiques, Cameroon Water (Camwater) Utilities et Aluminium du Cameroun (Alucam), l’État diminue l’ardoise des principaux clients de l’énergéticien.

Le Cameroun va percevoir des dividendes

À cela s’ajoute la reprise par l’État des 25 milliards de franc CFA de créances de KPDC à l’égard de la Société nationale des hydrocarbures (SNH), qui lui fournit du combustible. Par ailleurs, Yaoundé a également titrisé pour 39 milliards de francs CFA sa créance de 2020 au profit d’Eneo auprès d’un consortium bancaire local (Afriland, Ecobank, SG, SCB Cameroun, CBC et UBC). Ce qui permet au Cameroun de s’acquitter en tout de 182 milliards de francs CFA vis-à-vis de la filiale d’Actis.

Si l’accord est contraignant pour l’État, il l’est aussi pour Eneo, obligé de payer ses fournisseurs, ce que la filiale d’Actis rechignait à faire depuis des années, arguant du fait que ses principaux clients ne s’acquittaient pas, eux-mêmes, du paiement de leurs factures.

Au terme des deux interventions sur le marché monétaire, Eneo ne devrait conserver que 20 milliards de francs CFA dans ses caisses sur les 118 milliards récoltés. L’énergéticien doit en effet utiliser 98 milliards de francs CFA pour payer ses fournisseurs, à savoir KPDC, DPDC, la Société nationale de transport de l’électricité (Sonatrel) et Electricity Development Corporation (EDC).

Dans le détail, Globeleq, gestionnaire de KPDC et DPDC, devrait ainsi recevoir 68 milliards de francs CFA quand la Sonatrel et EDC, gérante des droits d’eau pour le fonctionnement des barrages, devraient respectivement toucher 13 et 17 milliards de francs CFA.

S’il s’endette, l’État camerounais sort aussi gagnant du processus : en tant qu’actionnaire à hauteur de 44 % de KPDC et de DPDC, il doit immédiatement percevoir des dividendes de l’exploitation des infrastructures – une première depuis une décennie. Outre ces revenus, Yaoundé devrait, au total, bénéficier de 154 milliards de francs CFA, sous formes de dividendes, redevances et recettes fiscales, de la part de ces deux entités sur les cinq prochaines années.

Comptes presque soldés avec Tradex

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