
Africa-Press – Cameroun. Investir au Cameroun) – Après le dépôt par le gouvernement, le 30 novembre 2023, du projet de loi de finances 2024 de l’État du Cameroun à l’Assemblée nationale, le Parti camerounais pour la réconciliation nationale (PCRN) du député de l’opposition Cabral Libii, a déposé ses propositions d’amendements au secrétaire général de la chambre basse du Parlement le 3 décembre 2023. Dans ce document de 20 pages, les députés du PCRN font des propositions beaucoup plus ambitieuses que celle du gouvernement, en matière de développement des secteurs des énergies renouvelables, de l’adduction d’eau potable, de l’élevage et de la pêche.
Dans le détail, alors que le projet de loi du gouvernement propose une exonération, sur une durée de 24 mois à compter du 1er janvier 2024, des droits de douane de tous les équipements et matériels importés en rapport avec ces secteurs d’activités, le PCRN, lui, suggère une exonération sur une période de 5 ans. « La durée d’application (24 mois seulement) des mesures (…) proposées par le gouvernement pourrait s’avérer inefficaces pour assurer un changement de paradigme chez les populations et influer sur les choix d’investissement des commerçants, ou même permettre la naissance d’une véritable industrie verte, à l’ère de la transition énergétique et de la promotion du localisme (cycles de production courts) susceptible, dans le cas de la pisciculture, réduire substantiellement les importations de poissons coûteuses en devises. Même si l’on peut subodorer que ces incitations visent des opérateurs ciblés d’avance, cela ne peut se justifier au vu des résultats mitigés des agropoles (programme de financement gouvernemental visant l’augmentation de la production locale pour réduire les importations, NDLR) depuis 2012, ainsi que des conventions API (agence de promotion des investissements, NDLR) portant sur ces secteurs », justifie le PRCN dans le document signé par Cabral Libii.
Et le PCRN de poursuivre: « plutôt que d’afficher des objectifs court-termistes, et donc peu ambitieux, le gouvernement gagnerait à aller vers une véritable stratégie de moyen terme pour encourager l’implantation d’une myriade de petites et moyennes fermes aquacoles disséminées sur le territoire. Ce n’est qu’ainsi que nous pouvons espérer réaliser les objectifs de politiques publiques contenues dans la SND30 (Stratégie nationale de développement 2020-2030, NDLR), le programme de réformes économiques sous-régional et la politique monétaire conduit par la Beac, dont l’objectif converge vers le rééquilibrage de nos comptes extérieurs et la réduction du gaspillage de nos ressources d’exportations pour favoriser l’investissement ».
Droit de sortie « confiscatoire » sur les grumes
Dans sa démarche d’amendement du projet soumis à la sanction du Parlement par le gouvernement, le PCRN propose également un relèvement plus important du droit de sortie des grumes. Alors que le gouvernement projette une augmentation de cette taxe, passant de 60% en 2023 à 75% en 2024, le parti de Cabral Libii, souhaite voir la taxe passer à un « taux de sortie confiscatoire de 100% de la valeur FOB de l’essence, applicable aux bois en grume des quatorze essences prévues à l’annexe du décret numéro 99/781/PM du 13 octobre 1999 ». De même, ce parti de l’opposition camerounaise propose 75%, s’agissant du « taux du droit de sortie applicable aux bois en grume des essences de promotion, dont l’exportation est autorisée par l’annexe II du décret (…) précité ».
En appui de sa proposition, le PCRN fait remarquer que « contrairement aux pays voisins, le Cameroun peine à appliquer la mesure Cemac (interdiction des exportations des grumes, dont l’entrée en vigueur est désormais renvoyée sine die, NDLR), encourageant de facto la poursuite de l’exploitation anarchique de nos forêts. (…) Le taux de 60% applicable à l’entrée des bois en grume dans les points francs (proposition contenue dans le projet du gouvernement, NDLR) industriels est une manière de poursuivre l’exportation des bois en grume chez les plus gros exploitants, dont les parcs de chargement dans les ports (Douala et Kribi) constituent des points francs. Il doit être purement et simplement supprimé ».
Le Parlement, une chambre d’enregistrement…
Au sujet de la proposition du gouvernement de soumettre certains produits importés au droit d’accises dès janvier 2024, à l’effet de promouvoir l’import-substitution, le PCRN, lui, suggère d’allonger la liste proposée. En plus des produits à base de céréales et autres préparations alimentaires obtenus à base de flocons de céréales, des huiles raffinées importées, des fèves de cacao, des meubles en bois et en plastique pour bureaux et cuisines, le parti de Cabral Libii ajoute des produits tels que les marques de chocolat de luxe, les biscuits et gâteaux industriels, les confiseries et produits gélifiés, les boissons lactées (non compris les laits infantiles) ou au chocolat, les charcuteries industrielles, le papier hygiénique, les serviettes hygiéniques, les couches jetables, les mouchoirs de table et de poche.
« Le projet du gouvernement ne va pas assez loin, et de nombreux produits importés ignorés par le texte constituent des menaces, à terme, pour la santé publique, en même temps qu’ils viennent concurrencer une production artisanale voire industrielle de bien meilleure qualité, puisque l’usage industriel des nanoparticules (50 000 fois plus petites qu’un cheveu) et d’oligo-éléments est encore très faible. Les consommateurs camerounais sont donc bien plus exposés par les biens importés. Il ne s’agit pas d’interdire totalement le marché local aux produits étrangers, mais de veiller sur la qualité de ce qui vient, de manière contingente, dans l’assiette du Camerounais et de générer des ressources susceptibles, à terme, de s’orienter et de se spécialiser dans le biologique », soutient le PCRN.
Après la transmission de ces amendements, le principal défi du PCRN sera de faire passer ses propositions au sein d’une chambre ou le RDPC, le parti au pouvoir, compte 152 députés sur 180, et considérée comme une chambre d’enregistrement des propositions de l’exécutif. En effet, depuis des décennies, non seulement les projets de loi de finances du gouvernement passent généralement devant les députés comme une lettre à la poste, malgré des débats souvent houleux, mais aussi, aucun parti de l’opposition n’a pratiquement jamais réussi à faire passer le moindre amendement sur un texte venant de l’exécutif.
Brice R. Mbodiam
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