les vérités de Mamadou Mota, tout juste libéré et déjà prêt à reprendre la lutte du MRC

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Cameroun : les vérités de Mamadou Mota, tout juste libéré et déjà prêt à reprendre la lutte du MRC
Mamadou Mota, premier vice-président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC)

Africa-PressCameroun. Libéré dans la nuit du 4 au 5 février après 21 mois de prison, le premier vice-président du MRC se dit déterminé à poursuivre la lutte contre le pouvoir de Paul Biya. Entretien.

Il quittera Yaoundé ce 11 février pour retrouver les siens à Tokombéré, dans l’Extrème-Nord. Libéré dans la nuit du 4 au 5 février après 21 mois de détention à la prison centrale de Kondengui, Mamadou Mota, premier vice-président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), effectuera le voyage en compagnie de Maurice Kamto, président du parti.

Incarcéré en juin 2019 pour avoir organisé une marche interdite destinée à revendiquer la victoire de Kamto à la présidentielle d’octobre 2018, Mota avait été condamné à deux ans de prison en septembre 2019 pour son rôle supposé dans la mutinerie du 22 juillet 2019.

L’ingénieur agronome jure que la prison ne l’a pas abîmé, pas plus qu’elle n’a entamé sa détermination. Il veut reprendre le combat, tout de suite, « car, dit-il, toutes les solutions aux maux du Cameroun se trouvent en politique ». Sous quelle forme et de quelle manière? Il se garde bien de le préciser, mais affirme avoir pris le temps de réfléchir aux nouvelles orientations à donner au MRC.

Une machination « savamment orchestrée »
Mamadou Mota explique qu’il lui faudra du temps pour panser « les blessures infligées à [son] âme ». Il y a d’abord la mutinerie, qu’il qualifie de « honteuse injustice ». Il insiste pour revenir sur l’événement et livrer sa version des faits. Une semaine plus tôt, les détenus liés à la crise anglophone avaient envoyé un message au régisseur de la prison, l’informant de leur décision de manifester s’ils n’étaient pas libérés.

Le jour dit, invité par l’administration pénitentiaire à servir de médiateur auprès des prisonniers, Mota dit s’être retrouvé pris au piège d’une machination « savamment orchestrée par le régisseur lui-même ». Ce dernier aurait, à l’en croire, « lâché » une horde de détenus de droit commun sur ceux liés à la crise anglophone, provoquant un déchaînement de violence.

Lui se souvient avoir été extrait de l’établissement, tabassé par quatre gaillards encagoulés (des policiers, jure-t-il), qui lui ont brisé l’épaule. S’en sont suivis sept jours sous surveillance militaire, douze chefs d’inculpation (dont « rébellion en groupe » et « hostilité contre la patrie »), un procès expéditif et sa condamnation à deux ans de prison (ramenée à 18 mois en appel en octobre 2020). « Mais les gardiens savaient très bien que j’étais une victime », ajoute-t-il.

Pendant un an, Mota épuisera toutes les procédures de demande de remise en liberté. Quant à son plâtre, il l’enlèvera seul au bout de quatre mois, en le découpant avec une lame de rasoir – pas question de faire confiance à un infirmier : « Qui sait ce qu’ils auraient pu m’injecter ? »

Insalubrité et corps décharnés
Mamadou Mota explique qu’il n’effacera pas facilement de sa mémoire le souvenir des conditions de détention dans cette prison qui accueille indifféremment, et dans un même espace, assassins, délinquants en col blanc et mineurs poursuivis pour consommation de stupéfiants. Plus de vingt détenus au mètre carré, l’insalubrité, les corps décharnés des jeunes enfants, les adolescents édentés et sous-alimentés…

« Voir des humains se consumer comme des bougies heurte la sensibilité humaine », lâche-t-il, racontant que la veille de sa sortie de prison, Alain Mébé Ngo’o, l’ancien puissant ministre de la Défense a été attaqué par un détenu qui voulait lui arracher sa chaîne.

Lui dit ne s’être jamais laissé abattre. « La prison ne peut vous avilir lorsque vous y êtes enfermé pour avoir défendu une noble cause », analyse-t-il. Et puis, à l’extérieur, les partisans du MRC n’ont pas baissé les bras. « J’aurais été bien ingrat de flancher », sourit Mota.

Alors, il a appris la patience. Il a pris le temps de méditer, de lire aussi, à commencer par les best-sellers de l’Israélien Yuval Noah Harari (Sapiens, Homo Deus et 21 leçons pour le XXIe siècle), mais aussi Brutalisme d’Achille Mbembe – « un intellectuel que le Cameroun se révèle incapable de valoriser parce qu’il refuse de jouer les griots ».

« Le peuple a peur »
En attendant de reprendre totalement du service, « en concertation avec le directoire du MRC », il distille les mises au point. Non, le parti n’est pas à bout de souffle, insiste-t-il, pas plus qu’il ne se fissure. « Ceux qui pensent le contraire ne sont que de petits marabouts en mal de sensationnel. Ils souhaitent la mort de l’opposition pour pouvoir encenser Paul Biya. »

Non, continue-t-il, le MRC n’est pas non plus une église du Réveil, où l’on dit « Amen » à tout. « Nous pouvons ne pas être d’accord sur la stratégie à adopter, mais nous sommes d’accord sur le fait que le problème persiste et c’est l’essentiel. »

Oui, il y a des défections dans les rangs, admet-il lorsque l’on évoque le désengagement de Celestin Djamen, anciennement secrétaire aux droits de l’homme. « Mais un parti politique est appelé à vivre au-delà de la petite existence de ses cadres. D’ailleurs, réduire au silence ses stratèges comme tente de le faire le régime de Yaoundé n’affaiblit pas le MRC. Nous ne sommes que des semeurs de vent. La tempête, c’est le peuple, et il finira bien par se lever. »

Et d’ajouter : « Aujourd’hui, le peuple a peur. Comment pourrait-il en être autrement quand les dirigeants règnent par la violence, par le biais d’une armée tribalisée acquise à leur cause ? » Ce séjour en prison n’est peut être que le premier d’une longue série, conclue-t-il. « Et tant que durera la dictature, la prison sera notre maison. »

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