Mystère résolu : on sait désormais comment le mythique disque céleste de Nebra a été fabriqué

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Mystère résolu : on sait désormais comment le mythique disque céleste de Nebra a été fabriqué
Mystère résolu : on sait désormais comment le mythique disque céleste de Nebra a été fabriqué

Africa-Press – CentrAfricaine. Exposé au Musée de la préhistoire de Halle, en Allemagne, le disque céleste de Nebra est considéré comme la plus ancienne représentation du ciel. Il daterait d’environ 1600 avant notre ère, et aurait donc été fabriqué au début de l’âge du bronze par la culture d’Únětice. Des études précédentes de cet artefact en bronze incrusté d’or découvert par des détectoristes non agréés ont révélé l’origine des métaux qui le constituent, mais jusqu’à présent, on ne savait pas exactement comment il avait été fabriqué. La modernisation des technologies dont disposent les archéologues permet à présent d’y répondre.

Grâce à des analyses métallurgiques réalisées par les spécialistes de l’université Otto-von-Guericke de Magdebourg et par les chercheurs de la société DeltaSigma Analytics, la fabrication de plusieurs répliques par un maître forgeron a permis aux archéologues du Land de Saxe-Anhalt de reconstituer les diverses étapes de sa création. Une chose est certaine: le dinandier (forgeron spécialisé dans le travail du cuivre) qui l’a forgé était un véritable maître artisan.

En 2020, une remise en doute de la datation du disque de Nebra

Initialement découvert en 1999 lors de fouilles illégales au sommet de la colline du Mittelberg, près de la ville de Nebra, dans le Land de Saxe-Anhalt, le disque céleste de Nebra a déjà fait couler beaucoup d’encre. En premier lieu parce que le trésor dont il faisait partie a été mis au jour par des pilleurs de trésors qui ont aussitôt cherché à le revendre. Ensuite parce qu’il a été récupéré par les autorités suisses en 2002, avec l’aide de l’archéologue Harald Meller (aujourd’hui directeur du Musée de la préhistoire de Halle), qui s’est fait passer pour un acheteur auprès des revendeurs.

Ces circonstances pour le moins rocambolesques ont facilement prêté le flanc à la critique, dans la mesure où ce ne sont pas des scientifiques qui ont procédé à la mise au jour et où le contexte archéologique de découverte était compromis – même si les auteurs du crime ont plus tard donné aux archéologues les indications les plus précises quant au lieu de leur trouvaille.

En 2020, deux chercheurs allemands ont ainsi remis en doute la datation admise – basée sur les objets associés (deux épées, deux haches, deux bracelets et un ciseau) et non sur le disque lui-même –, faisant remonter le disque céleste à l’âge du bronze, en laissant entendre qu’il était plutôt caractéristique de l’âge du fer et qu’il était donc plus récent de 1000 ans environ. Mais une fois publié un article en bonne et due forme apportant les éléments nécessaires pour prouver la datation, la rumeur s’est tue à propos de l’objet du litige.

Un savoir particulier est nécessaire pour réaliser un disque de cette dimension

Plusieurs études se sont déjà penchées sur ce disque de bronze incrusté d’or, censé représenter les astres célestes (le Soleil ou la pleine Lune, une Lune en forme de croissant, l’amas des Pléiades et d’autres étoiles). La dernière en date, publiée dans la revue Nature Scientific Reports s’attelle à une énigme de taille: le processus de sa fabrication.

On connaît déjà l’origine des métaux qui le composent (cuivre, étain et or), mais il n’est pas évident de fabriquer un objet de cette dimension (31 centimètres de diamètre) et de cette forme sans un savoir particulier. C’est ce dont les auteurs de l’étude se rendent compte au fur et à mesure des expériences réalisées avec l’aide du maître cuivrier Herbert Bauer. Car ce dernier, avec les matières premières et les objets d’aujourd’hui, a dû se donner bien du mal pour réaliser un disque qui soit à peu près l’équivalent du disque de Nebra !


Dix cycles pour réaliser le disque

Le véritable objet de cette étude, c’est donc la conception du disque lui-même à partir d’une ébauche de bronze. Avant la partie expérimentale, les chercheurs ont procédé à des analyses métallographiques sur un tout petit échantillon temporairement prélevé sur la partie externe du disque.

Des observations réalisées à l’aide de techniques d’imagerie ultramodernes (spectroscopie de rayons X à dispersion d’énergie et diffraction par rétrodiffusion d’électrons, EBSD) indiquent que « le disque céleste a été fabriqué au cours d’un processus de forgeage à chaud complexe, notent les chercheurs. Pour atteindre ses dimensions finales, il a fallu environ dix cycles, comprenant chacun un chauffage à environ 700 degrés Celsius, un forgeage et un recuit pour détendre la structure métallique ».

Forgé et non directement coulé

Il apparaît ainsi que la pièce n’a pas été « simplement » coulée dans un moule à partir d’un mélange en fusion. La composition chimique du matériau de base est d’ailleurs complexe et correspond à celle d’un « bronze ancien », indiquent les chercheurs: comme cela a déjà été établi, « outre le cuivre, il contient surtout de l’étain (2,6 %) et un peu de nickel (0,22 %), de zinc (0,15 %) et d’arsenic (0,21 %) ».

Le coulage est principalement exclu parce que le disque est trop fin: il ne mesure que 4,6 millimètres d’épaisseur en son centre, et encore moins sur les bords (entre 1,8 et 1,5 millimètres). Par ailleurs, « le matériau n’est pas facile à couler en raison de sa faible teneur en étain et en arsenic », c’est pourquoi la seule manière de réaliser le disque, c’est de le forger à partir d’une ébauche coulée.

Le travail du forgeron demande force et adresse

Comme va l’expérimenter le forgeron recruté pour l’occasion, le façonnage du disque demande à la fois de la force, de l’adresse et de l’expérience. Le processus qui se met en place au fur et à mesure du travail du métal, repose en effet sur deux principes: la matière première n’est malléable que lorsqu’elle est à très haute température, d’où la nécessité d’alterner chauffage et forgeage, et il faut forger à chaud en tapant la forme à coups de marteau hélicoïdaux depuis le centre en allant vers l’extérieur.

Pour ce faire, le forgeron a dû utiliser différents marteaux plus ou moins lourds, la force nécessaire au début du processus devant être plus importante qu’à la fin.


C’est l’expérience du forgeron qui est déterminante

Au cours du processus expérimental, les chercheurs se rendent compte du degré d’expérience nécessaire pour déterminer à chaque étape la température de recuit adéquate: cette dernière « est estimée par l’expérience du dinandier à partir de la couleur de la trempe », concluent-ils, car le forgeage doit s’arrêter dès que la formation de fissures s’annonce.

Dans le contexte de l’étude, le forgeron Herbert Bauer a réalisé 55 cycles de forgeage et de chauffe avant d’arriver à une forme jumelle de celle du disque de Nebra, ce qui signifie que « le régime exact de température et de temps n’a probablement pas été atteint au cours de cette expérience ». Au terme de ce processus, le disque est finalisé par un ultime traitement de recuit à 750° Celsius pendant 10 minutes.

Un objet unique du point de vue métallurgique

Pour les auteurs, la difficulté à reproduire le disque est bien le signe de la maîtrise des forgerons de l’époque et de « leur connaissance avancée du traitement des métaux ». D’autant plus que le disque n’est pas un objet comme les autres. Il se distingue en particulier du tout-venant de l’époque, comme les haches de bronze, qui demandaient un travail complètement différent étant donné la dureté nécessaire au niveau du tranchant. Les seuls autres types d’artefacts connus qui soient comparables au disque de Nebra, ce sont de petits ornements en tôle retrouvés dans les régions situées le long du Danube, mais ils sont bien plus fins et donc plus faciles à réaliser.

En tout état de cause, cette étude « démontre l’importance du forgeage dans la métallurgie de l’âge du bronze, alors que cette dernière est souvent principalement considérée et étudiée du point de vue de la fonte des métaux », concluent les chercheurs. Le disque de Nebra est donc unique à plus d’un titre, preuve en est une nouvelle fois apportée.

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