Africa-Press – CentrAfricaine. La transhumance est une activité occasionnant parfois des violences entre agriculteurs et éleveurs faisant même des morts dans plusieurs pays africains, notamment en Centrafrique où cette activité est fortement liée aux groupes armés et plusieurs décennies de crise dans le pays. L’International Crisis Group a publié un rapport le 28 mai 2025 sur le sujet. Un travail de deux ans dont les conclusions relèvent une évolution du pastoralisme devenu un enjeu sécuritaire, au-delà d’un conflit classique entre agriculteurs et éleveurs. Détails.
Premier constat: les pratiques pastorales se sont militarisées au fil des ans. Face à de nouveaux acteurs qu’elle accuse de connivence avec les groupes armés, la Centrafrique voit la transhumance comme un possible facteur de déstabilisation, et donc comme un enjeu de souveraineté.
Pour International Crisis Group (ICG), cela a conduit à marginaliser les acteurs du secteur, mais aussi les territoires et infrastructures de transhumance.
Conséquence, selon le rapport, les éleveurs « désertent les routes, favorisant le passage du bétail dans les champs des populations sédentaires, au risque de représailles ».
Vers une pratique beaucoup plus spéculative
Autre point essentiel relevé dans le document, la transhumance, en tant que mode de vie culturel et identitaire, est en train de glisser vers une pratique beaucoup plus économique et spéculative.
ICG parle de « néo-éleveurs », ces entrepreneurs pastoraux qui confient le transport de leur bétail à des bouviers lourdement armés pour assurer la protection des troupeaux.
Ce procédé très répandu au Tchad gagne de plus en plus la Centrafrique, il implique des hommes d’affaires, des politiques, des notables et des cadres de l’armée, selon l’ICG.
Le rapport note l’afflux d’éleveurs étrangers. En plus des transhumants habituels qui parcouraient les couloirs centrafricains, il faut désormais compter avec le bétail venu du Sahel, notamment du Niger, de la Mauritanie ou du Nigeria.
Transhumance en Centrafrique: «Sans sécurité, il n’y aura pas de de volonté de dialoguer pour trouver des solutions» En 2019, après la signature d’un accord de paix à Khartoum avec 14 groupes armés, les autorités centrafricaines avaient mis en place une Unité spéciale mixte de sécurité (USMS), afin de sécuriser les couloirs de transhumance. Les premiers éléments de ce corps paramilitaire composé d’éléments des groupes armés, parmi lesquels les anti-Balaka et l’ex-Séléka avaient même été formés, mais le projet n’a pas abouti.
En plus de réhabiliter les infrastructures pastorales (comme le centre de vaccination pour le bétail) et mettre l’accent sur la coopération régionale avec des pays comme le Tchad, l’ICG propose des solutions et appelle notamment l’État centrafricain à reprendre son rôle de régulateur dans les couloirs de transhumance.
Fulbert Ngodji, chercheur Afrique centrale au sein de l’ICG couvrant la Centrafrique et le Tchad, souligne au micro de Kpénahi Traoré: « Tout le monde a demandé le retour de l’État, de la sécurité. Sans sécurité, il n’y aura pas de de volonté de dialoguer pour trouver des solutions communes aux défis que pose la transhumance. Donc, le rétablissement de l’État est véritablement primordial. Il est aussi important de répondre aux besoins de ces des acteurs impliqués dans la transhumance. C’est vraiment essentiel. Mais il faut aussi pour les populations locales, qui vivent de la transhumance avec beaucoup d’angoisse, que quelque chose change un peu dans leur situation. En ce sens, il faut que les taxes, qui sont perçues par la transhumance, permettent par exemple de faire fonctionner les hôpitaux locaux, les écoles, de donner les moyens aux acteurs concernés, d’avoir des activités, et de permettre le dialogue. »
Fulbert Ngodji poursuit: « Et à ce sujet, nous avons identifié que l’expérience du RBM, qui est le Réseau Billital Maroobé (RBM), qui existe déjà au Sahel, c’est quelque chose qu’il est possible de répliquer en Afrique centrale. C’est une association d’éleveurs qui leur permet en fait de peser sur les politiques publiques. Et la Fédération nationale des éleveurs centrafricains pourrait s’élever davantage et prendre ainsi un leadership sous-régional pour intégrer non seulement la question des peuls, mais aussi des étrangers qui arrivent. Parce que c’est un flux dont la Centrafrique ne pourra pas se départir. Il faut trouver le moyen de le réguler. »
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