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Héritier Doneng, ministre centrafricain de la Jeunesse, déchaîne une tempête politique. Ses attaques contre l’Assemblée nationale et ses alliés montrent aux yeux du monde un pouvoir en pleine fracture.
Le ministre centrafricain de la Jeunesse, des Sports et de l’Éducation civique, Rodolphe Héritier Doneng Wazoumon, fait face à une vague de critiques. Accusé d’actes répréhensibles, de détournements de fonds, d’abus de pouvoir et de menaces violentes, Doneng, également patron de la milice pro-gouvernementale « Requins », semble défier toute autorité, y compris celle de ses anciens soutiens. Un récent document de l’Assemblée nationale, signé par le sulfureux premier vice-président Evariste Ngamana, demande son départ immédiat, pointant des agissements qui fragilisent les institutions du pays.
Le 2 mai 2025, la Conférence des Présidents de l’Assemblée nationale a interrogé Rodolphe Héritier Doneng au sujet d’une note qu’il aurait rédigée, proposant de retirer l’équipe nationale de football des compétitions internationales. Cette idée, jugée absurde et nuisible au sport centrafricain, a provoqué un tollé. Mais ce qui a choqué les élus, c’est la réaction de Héritier Doneng après cette rencontre. Loin de se montrer discret, le ministre a publié des messages sur les réseaux sociaux, attaquant un député membre de la Conférence des Présidents avec des propos insultants et diffamatoires. Ces déclarations, qualifiées de brutales par les parlementaires, ont indigné non seulement les élus, mais aussi le public et les acteurs politiques.
Dans un document officiel daté du 20 mai 2025, l’Assemblée nationale, par l’intermédiaire d’Evariste Ngamana, a dénoncé le comportement de Héritier Doneng , le jugeant inacceptable pour un ministre en poste. Le texte appelle à son renvoi immédiat, affirmant que ses actions nuisent à la réputation de l’institution, envoient un mauvais signal à la jeunesse et vont à l’encontre des valeurs de respect qu’il devrait défendre. Ce document représente un sérieux revers pour Héritier Doneng, révélant à quel point il est devenu isolé sur la scène politique nationale.
Les reproches contre Doneng ne se limitent pas à ses dérapages sur les réseaux sociaux. Des articles de presse l’accusent de détournements financiers. En août 2024, Doneng avait détourné 10 millions de FCFA sur les 30 millions alloués par le Comité international olympique pour préparer les athlètes centrafricains aux Jeux olympiques de Paris. Fernand Mande Ndjapou, trésorier du Comité national olympique et sportif centrafricain (CNOSCA), a révélé cette affaire, ce qui lui a valu une suspension par Doneng, une décision vue comme une tentative de cacher la vérité.
En 2023, Doneng aurait déjà détourné des fonds destinés à un match entre la RCA et l’Angola, justifiant ses dépenses par des termes vagues comme « environnement du match ». Ces affaires, combinées à son passé de chef de la milice des Requins, entachent sa crédibilité en tant que ministre. Les Requins, fondés par Doneng en 2019, sont accusés par l’ONU et Human Rights Watch d’actes violents, d’enlèvements et de massacres, notamment l’incendie mortel de la maison d’une responsable associative en 2022. Ces antécédents, loin de freiner sa carrière, semblent avoir facilité sa nomination au gouvernement, une décision qui interroge les choix du président Faustin Archange Touadéra.
Héritier Doneng ne se contente pas de défier l’Assemblée nationale ; il se brouille aussi avec ses anciens alliés et même le Premier ministre Félix Moloua. En avril 2025, il a tenté d’imposer Rigobert Song comme sélectionneur de l’équipe nationale de football, sans consulter la Fédération centrafricaine de football (FCF), ce qui a failli entraîner une sanction de la FIFA. Sous pression, Doneng a reculé, mais il a ensuite proposé de suspendre l’équipe nationale pour trois ans, une idée considérée comme un désastre pour le sport. Cette initiative a poussé le Premier ministre à intervenir pour calmer les tensions, révélant des frictions entre les deux hommes.
Sur les réseaux sociaux, Héritier Doneng a critiqué Moloua, l’accusant d’entraver ses projets, notamment après que ce dernier lui a demandé de rembourser les fonds détournés du CNOSCA. Dans un geste audacieux, Doneng a obtenu des excuses indirectes de Moloua, un épisode qui montre son sentiment d’impunité. La semaine dernière, il s’en est pris à Evariste Ngamana, l’accusant de diviser le parti au pouvoir, le Mouvement cœurs unis (MCU), et de s’opposer à Touadéra. Ces attaques, diffusées dans des messages virulents, décrivent Ngamana comme un diviseur et un manipulateur, alors que Héritier Doneng se présente comme le seul soutien de la candidature de Touadéra pour 2025.
L’aspect le plus inquiétant du comportement de Héritier Doneng est son recours à la violence pour intimider ses adversaires. Un témoignage publié le 24 mai 2025 par Dieu Trésor Adoum, un ancien proche, raconte une tentative d’intimidation instrumentée par Doneng. Selon Adoum, un officier des Forces armées centrafricaines (FACA), accompagné d’un véhicule militaire, s’est présenté à son domicile le 23 mai à 21h16, exigeant des excuses publiques à Doneng. Cette opération aurait été coordonnée par Norbert Pounaba, chargé de mission, et Symphorien Nganahoul, chef de service de protocole. Bien que l’officier soit parti sans incident, Adoum confirme son intension de porté plainte auprès du parquet, de l’état-major des armées et du président Touadéra, dénonçant un acte grave de Doneng.
Ces accusations s’ajoutent à une plainte déposée en France en juillet 2024, rapportée par Africa Intelligence, qui accuse Doneng de diriger une milice liée au pouvoir et d’être impliqué dans des menaces de mort et une tentative d’assassinat sur le sol français. Cette plainte, déposée à Paris pendant que Doneng assistait à l’ouverture des JO, montre que sa réputation criminelle dépasse les frontières de la RCA.
Ce qui surprend le plus, c’est l’apparente inaction du président Touadéra face aux agissements de Héritier Doneng. Malgré les scandales, les accusations de corruption et les actes d’indiscipline, Héritier Doneng conserve la confiance du chef de l’État. Certains estiment que Héritier Doneng manipule Touadéra, profitant de sa bonne foi pour agir sans crainte. Cette relation pose des questions sur la gouvernance en RCA, où des figures comme Héritier Doneng, issues de milieux troubles, occupent des postes clés. Sa nomination en janvier 2024 semble récompenser sa loyauté lors du référendum de 2023, qui a permis à Touadéra de renforcer son pouvoir grâce à une nouvelle constitution.
Mais cette stratégie pourrait nuire au régime. Les tensions au sein du MCU, aggravées par les attaques de Héritier Doneng contre Ngamana et Moloua, affaiblissent le parti à l’approche des élections de décembre 2025. L’isolement de Héritier Doneng , qui se retrouve à affronter tout le monde, pourrait précipiter sa chute, surtout si l’Assemblée nationale maintient sa demande de renvoi.
Héritier Doneng représente ce qui ne va pas dans la politique centrafricaine: corruption, violence et mépris des institutions. Son parcours, d’un chef de milice accusé d’actes graves à un ministre intouchable, est une claque pour la jeunesse qu’il est censé inspirer. Ses attaques contre l’Assemblée, le Premier ministre et ses anciens alliés montrent un orgueil démesuré et un manque total de responsabilité. Proposer d’exclure les Fauves des compétitions internationales, détourner des fonds pour les athlètes, menacer des élus et des citoyens avec sa milice: ce ne sont pas les actions d’un ministre, mais celles d’un homme qui se croit au-dessus des lois.
Le silence de Touadéra face à ces dérives est tout aussi problématique. En protégeant Héritier Doneng , le président tolère une culture d’impunité qui fragilise son gouvernement. La RCA, déjà marquée par des années de conflits, n’a pas besoin d’un ministre qui divise et détruit. L’Assemblée nationale a raison de demander son départ, mais c’est à Touadéra de montrer qu’il place l’intérêt du pays avant ses alliances personnelles. Sinon, Doneng continuera de semer le désordre, et la « 7e République » promise risque de rester un rêve lointain pour une population fatiguée des promesses vides et des responsables corrompus….
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