Mégalithes de Carnac: Secrets et Patrimoine UNESCO

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Mégalithes de Carnac: Secrets et Patrimoine UNESCO
Mégalithes de Carnac: Secrets et Patrimoine UNESCO

Africa-Press – CentrAfricaine. La nouvelle est tombée le 12 juillet dernier: les mégalithes de Carnac et des rives du Morbihan ont enfin rejoint la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, devenant ainsi le 54e site français à faire partie de ce prestigieux inventaire. Il aura fallu près de trois décennies de travaux scientifiques, de concertations locales et de plaidoyers institutionnels houleux pour que cette reconnaissance symbolique soit décrochée. Et pour cause: ceux que l’on surnomme affectueusement les « cailloux » de Carnac constituent un patrimoine hors-norme difficile à faire entrer dans les cases.

« Hors format »

« Contrairement à un site unique comme le Mont Saint-Michel, ils forment un ensemble diffus de plus de 550 monuments mégalithiques répartis sur 28 communes », explique Jean-Paul Demoule, professeur émérite d’archéologie à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et grand spécialiste du Néolithique. « Cette dispersion géographique n’a pas facilité les choses. Plus freinant encore, le fait que le site n’ait bénéficié que très tardivement d’un plan de gestion garantissant sa protection, qui est hélas encore relatif aujourd’hui. »

En effet, même si les mégalithes ont été classés comme monuments historiques dès 1889, nombre d’entre eux ont été par la suite disséminés dans des jardins privés ou encore détruits ou déplacés au profit de routes, de lotissements ou d’aménagements agricoles. Pas plus tard qu’en 2023, à Carnac, l’installation d’un magasin de bricolage sur un site que l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) avait pourtant diagnostiqué comme mégalithique avait entrainé la destruction d’au moins 38 menhirs vieux de plus de 7000 ans, prouvant au passage que leur préservation n’était pas la priorité de tous les acteurs de la région. « Il aura enfin fallu des années pour qu’un musée digne de ce nom soit ouvert et encore, celui qui a vu le jour est sous-dimensionné », regrette Jean-Paul Demoule.

Des menhirs encore incompris

La préservation de ces fragiles menhirs, dolmens et autres cairns bretons érigés vers 4500 ans avant notre ère, à l’époque des premières sociétés agropastorales du Néolithique, est d’autant plus urgente qu’ils comportent encore leur lot d’énigmes que la science n’a pas réussi à percer. Si nous savons depuis longtemps que les dolmens – mot qui signifie littéralement « table en pierre » en breton – sont les vestiges de tombeaux monumentaux et prestigieux bâtis sur le principe des pyramides égyptiennes (bien qu’ils aient été construits deux mille ans avant celles-ci), les menhirs, eux, ont encore du mal à être interprétés.

« En archéologie, quand on échoue à expliquer la fonction d’une structure, on dit que c’est rituel », plaisante Jean-Paul Demoule. Constitués de plus de 3000 pierres disposées sur onze rangées de 4 kilomètres de long, les alignements de Carnac n’auraient pas eu une fonction funéraire. « Ils ont été implantés selon la topographie du lieu, de sorte qu’il existait une continuité visuelle des différents alignements », détaille l’archéologue. Il a d’ailleurs été démontré que les menhirs avaient été dressés de manière à accentuer les effets de perspective: les plus grands, de plus de 3 mètres, sont implantés sur les points hauts, tandis que les plus petits, de moins de 90 centimètres, dans les zones les plus basses.

Avec le Néolithique, un boom démographique

Encore aujourd’hui, ces alignements de pierres dressées font l’objet de différentes interprétations. « Certains chercheurs parlent de repères pour la déambulation, d’autres de marqueurs territoriaux à une époque où les tensions se font de plus en plus fortes », énumère Jean-Paul Demoule. À partir de 6500 avant notre ère, l’Europe est colonisée d’est en ouest par des agriculteurs. Vient un moment, vers 4500, où ces groupes buttent sur l’Atlantique et sont contraints de s’arrêter. « Avec la sédentarisation, on observe un boom démographique en Europe. C’est sur ces territoires côtiers où la pression est plus forte qu’ailleurs que l’on commence à voir apparaître ces mégalithes, que l’on trouvera par la suite un peu partout sur le Vieux Continent. L’élévation des premiers dolmens, plus particulièrement, concorde avec l’émergence de sociétés de plus en plus inégalitaires. »

Une autre de ces interprétations est celle, plus débattue, d’une structure d’observation astronomique « façon Stonehenge », célèbre monument circulaire érigé entre 3000 et 1600 avant notre ère dans le sud de l’Angleterre. « À titre personnel, cette lecture me paraît peu probable puisqu’il est inutile d’agencer des pierres aussi colossales pour observer le soleil et les autres étoiles. »

Nouvelle datation

Depuis une dizaine d’années, les études scientifiques destinées à éclairer les zones d’ombre persistantes sur les mégalithes bretons tendent à se multiplier. La dernière en date, dont les résultats ont été publiés dans la revue Antiquity en juin 2025, a permis de confirmer que les alignements du sud Morbihan constituaient les plus anciens monuments mégalithiques d’Europe. Menés par l’Université de Göteborg en partenariat avec la société de fouilles française Archeodunum et l’Université de Nantes, ces travaux de datation d’une précision inégalée font remonter les alignements du Plasker, à Plouharnel, à une période comprise entre 4670 et 4250 avant notre ère, soit au moins six siècles avant Stonehenge !

« Les premières dates des années 1960 étaient trop hautes, la méthode du carbone 14 étant encore tâtonnante, et c’est effectivement au milieu du 5ème millénaire que commence le mégalithisme atlantique », commente Jean-Paul Demoule. Une raison de plus de protéger au mieux ces monuments ancestraux. « Leur préservation est une priorité, conclue le chercheur. Elle doit s’appliquer à tous les mégalithes, c’est-à-dire également à ceux qui, nombreux, sont encore enfouis sous les ronces dans la forêt et qui n’ont jamais été étudiés. »

Gardons aussi en tête que certaines pierres reviennent de loin: dans les années 1970, les dolmens situés aux abords des plages servaient encore… de toilettes publiques. Prudence, donc. Une reconnaissance au patrimoine mondial de l’Unesco est toujours à double tranchant car elle ne vient pas sans ses hordes de touristes.

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