Africa-Press – CentrAfricaine. Avec ses 40 années d’espérance de vie, le rat-taupe nu (Heterocephalus glaber) est le « Mathusalem » des rongeurs, vivant 10 fois plus longtemps que des espèces similaires. Les secrets de sa longévité intriguent les chercheurs qui tentent depuis des années de comprendre par quel moyen l’organisme de l’animal peut échapper aux cancers, aux maladies neurodégénératives et cardiovasculaires et vivre aussi longtemps.
Le vieillissement d’un organisme se signale notamment par le dérèglement d’une enzyme, la cGAS, qui conduit à une augmentation des processus inflammatoires, comme l’ont montré des travaux quelques années plus tôt. La cGAS (pour « GMP-AMP cyclique synthase ») est une protéine qui constitue la première ligne de défense contre les pathogènes. Elle est notamment spécialisée dans la détection d’ADN ou ARN étrangers, par exemple ceux de virus, qui viendraient à pénétrer dans une cellule. Elle déclenche alors un signal d’alarme sous la forme d’une cascade de signalisation moléculaire qui conduit à la production d’interférons, des molécules impliquées dans la défense immunitaire. Toutefois, le fonctionnement de la cGAS reste globalement obscur.
Une petite variation pour de grandes différences
Yu Chen, de l’Université de Shanghai (Chine), et ses collègues ont publié une étude génétique dans la revue Science du 9 octobre 2025, montrant que les enzymes cGAS du rat-taupe nu diffèrent de ceux d’autres mammifères, humains compris. Oh, de pas grand-chose. Quatre acides aminés seulement sur les 522 que comporte la molécule. Et pourtant, cette minuscule variation semble faire toute la différence. Lorsque l’ADN cellulaire de l’animal se trouve endommagé, à cause d’un pathogène ou d’une inflammation, sa cGAS persiste plus longtemps que celle d’une souris ou d’un humain et s’avère plus résistante à la dégradation. Ce qui la conduit à s’accumuler et à être ainsi plus abondante dans le noyau.
Présents en plus grand nombre, ces pompiers moléculaires peuvent dès lors nouer des interactions plus fortes et plus durables avec les molécules chargées de réparer un ADN cellulaire endommagé. Preuve en est que, lorsque les chercheurs ont ôté la cGAS des cellules des rats-taupes nus, les dégâts subis par l’ADN se sont grandement accumulés.
Plusieurs facteurs expliquent cette longévité
Allant un peu plus loin dans leur démonstration, les chercheurs chinois ont muté les cGAS de mouches pour qu’elles soient analogues à celles des rats-taupe nus, avec leurs quatre acides aminés de différence, et ils ont effectivement pu remarquer que les insectes vivaient dès lors plus longtemps.
Cette évolution spécifique et pourtant minime de l’enzyme cGAS chez ces rongeurs améliore la réparation de leur ADN et semble bien contribuer directement à leur exceptionnelle longévité.
Plusieurs autres facteurs concourent sans doute à ce phénomène quasi unique dans le monde animal. Moléculaires sans doute, et la recherche a déjà isolé par le passé plusieurs molécules d’intérêt comme la protéine P16 ou la P27. Sociétaux, sans doute aussi. Sa vie au sein de vastes colonies de plusieurs centaines d’individus dans des galeries pauvres en oxygène ont conduit l’animal à des adaptations métabolique et cardiaque qui le rendent particulièrement résistant et ont façonné son étonnant organisme.
Les chauves-souris détiennent la même clé du vieillissement
La suite du travail va consister à examiner minutieusement les cGAS d’autres espèces animales, spécialement celles à la longévité remarquable. D’ors et déjà, l’analyse du génome des chauves-souris, animaux vivant aussi très longtemps, a par exemple révélé que leurs cGAS présentaient de grandes variations comparées à celles d’autres mammifères. Toutefois, la petite zone de quatre acides aminés de différence qui semble nécessaire aux cGAS du rat-taupe nu pour les rendre si coriaces se retrouvait à l’identique chez certaines chauves-souris.
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