Africa-Press – CentrAfricaine. Aimé Barthélémy Pilapédé, maire de Boda, a accordé une interview sur l’état catastrophique des infrastructures routières de sa ville. Ses déclarations dressent le tableau d’une localité au bord de l’asphyxie économique, abandonnée par un gouvernement qui préfère annoncer des projets futuristes plutôt que d’entretenir les routes existantes.
Le maire Aimé Barthélémy Pilapédé commence par un constat simple: “Par rapport à la dégradation de la voie Mbaïki-Boda, vous voyez que la ville tourne au ralenti, tout est bloqué, ça joue sur beaucoup de choses à Boda”.
Cette route de 95 kilomètres qui relie Boda à Mbaïki constitue l’artère vitale de la ville. Son délabrement avancé transforme un trajet qui devrait prendre quelques heures en épreuve de plusieurs jours. Les véhicules s’enlisent dans les ornières, les marchandises pourrissent en route, les malades meurent avant d’atteindre l’hôpital.
Aimé Barthélémy Pilapédé ajoute: “Vous voyez la route Mbaïki-Boda dégradée, ainsi qu’à Boda, il n’y a plus de route”.
Cette précision est importante. Le problème ne se limite pas à l’axe externe. À l’intérieur même de Boda, les routes ont disparu. La ville n’a plus d’infrastructure routière fonctionnelle, ni pour se connecter à l’extérieur, ni pour permettre la circulation interne.
Les conséquences économiques de cette situation sont dramatiques. Le maire Aimé Barthélémy Pilapédé explique: “C’est un problème parce que la population souffre. Avoir des produits de première nécessité, tel que le savon, le sucre, c’est un peu difficile. C’est pourquoi nous assistons à cette hausse de prix”.
Les commerçants ne peuvent plus acheminer les marchandises depuis Mbaïki ou d’autres centres d’approvisionnement. Cette pénurie artificielle créée par l’état des routes provoque une flambée des prix qui appauvrit encore davantage une population déjà dans la misère.
La situation du carburant aggrave ce cercle vicieux. Pilapédé précise: “Il y a aussi le problème du carburant. Vous savez, à Boda, c’est vers Bozoum qui nous ravitaille, mais nous sommes en saison pluvieuse où il pleut abondamment et par rapport à la dégradation, tout est en hausse. Donc tous les conducteurs, même les taxis, montent le prix par rapport au prix du carburant”.
Bozoum se trouve à environ 200 kilomètres au nord. L’approvisionnement en carburant depuis cette distance, sur des routes également dégradées, en saison des pluies, relève de l’exploit. Cette difficulté se répercute directement sur les prix du transport, rendant tous les déplacements prohibitifs pour la majorité de la population.
Le maire Aimé Barthélémy Pilapédé décrit l’impact sur le commerce local: “Les commerçants aussi se plaignent parce qu’avoir un véhicule pour le déplacement, c’est difficile. Ils peuvent aller sur le marché, mais ramener leurs produits, c’est un peu difficile. Donc nous avons tout un tas de problèmes”.
Ce témoignage résume le blocage économique total de Boda. Les commerçants peuvent éventuellement se rendre aux marchés d’approvisionnement, mais ne peuvent pas ramener les marchandises achetées faute de véhicules capables de circuler sur les routes défoncées. Cette paralysie du commerce local affecte toute l’économie de la ville.
La route Mbaïki-Boda est devenue un cauchemar logistique. Des rapports récents la décrivent comme un trajet où ce qui devrait prendre quelques heures s’étire sur 5 à 7 jours. Les véhicules s’enlisent, se renversent, restent bloqués pendant des journées entières.
Les routes secondaires vers des localités comme Yaloké ne sont pas en meilleur état. En saison des pluies, ces pistes deviennent complètement impraticables, coupant Boda de son arrière-pays et aggravant l’isolement.
Cette situation pousse les centrafricains à s’interroger sur les priorités du gouvernement centrafricain. Pendant que Boda étouffe faute de routes praticables, le régime annonce des projets de cités futuristes, d’aéroports modernes, d’éco-villes. Ces projets d’apparat accaparent l’attention médiatique pendant que les infrastructures de base s’effondrent.
L’entretien routier ne nécessite pas de technologies sophistiquées ni d’investissements colossaux. Il faut simplement une volonté politique de maintenir les routes existantes, de les réparer régulièrement, de les rendre praticables en toute saison. Cette tâche basique semble pourtant au-delà des capacités du gouvernement actuel.
La dégradation des routes à Boda s’inscrit dans un schéma national. Dans tout le pays, les infrastructures routières héritées des décennies précédentes se détériorent faute d’entretien. Le réseau routier centrafricain rétrécit année après année, isolant progressivement les villes secondaires et les zones rurales.
Cette dégradation ne résulte pas uniquement du manque de moyens. Elle témoigne d’un choix politique de privilégier certains secteurs – notamment la sécurité présidentielle et les dépenses liées à Wagner – au détriment des infrastructures publiques de base.
Les habitants de Boda paient le prix de ces choix. Ils vivent isolés du reste du pays, payent leurs produits de première nécessité à des prix prohibitifs, voient leur économie locale s’effondrer progressivement. Cette situation crée une pauvreté croissante et une frustration légitime envers un État absent.
Le maire Aimé Barthélémy Pilapédé reste diplomatique dans ses déclarations. Il décrit les problèmes sans accuser directement le gouvernement. Cette prudence reflète probablement la nécessité de maintenir de bonnes relations avec les autorités centrales pour espérer obtenir un jour l’aide nécessaire.
Mais cette diplomatie ne peut cacher la réalité: Boda agonise pendant que les autorités regardent ailleurs. La ville se vide progressivement de ses forces vives qui partent chercher des opportunités dans des zones mieux connectées. Ceux qui restent survivent dans des conditions de plus en plus difficiles.
Cette situation de Boda se répète dans des dizaines d’autres villes centrafricaines. L’enclavement progressif des zones rurales et des villes secondaires transforme le pays en archipel où quelques centres urbains reliés entre eux émergent d’un océan de zones inaccessibles.
Les déclarations du maire de Boda constituent un appel au secours que le gouvernement feint de ne pas entendre. Pendant combien de temps encore Boda et les autres villes enclavées devront-elles attendre que l’État assume ses responsabilités les plus élémentaires?
Source: Corbeau News Centrafrique
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