Africa-Press – CentrAfricaine. Dans une lettre incendiaire, l’ancien premier ministre et député de Bocaranga 1 détaille dix ans de persécutions et accuse le président Baba Kongoboro de “perdre son sang-froid” avant les élections. La guerre est ouvertement déclarée entre les deux rivaux politiques.
La rupture est désormais totale et irréversible. Anicet Georges Dologuelé, que maître Nicolas Tiangaye accusait de “trahison” pour avoir déposé sa candidature malgré le boycott du BRDC, vient de franchir un point de non-retour. Dans une lettre datée du 14 octobre 2025 adressée au président Faustin-Archange Touadéra, l’ancien Premier ministre et candidat à la présidentielle ne mâche plus ses mots et transforme ce qui était un différend politique en affrontement personnel brutal.
“Votre acharnement contre ma personne commence à friser l’obsession”, écrit sans détour Anicet-Georges Dologuelé, avant d’énumérer méthodiquement une décennie de ce qu’il qualifie de persécutions systématiques. Le ton est donné: ce ne sera pas une simple joute électorale, mais un combat frontal entre deux hommes que tout oppose désormais.
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase intervient le 9 octobre, lorsque le ministre de la Défense, assurant intérim de son collègue de l’intérieur, sur instruction d’ailleurs du président, informe l’opposant Anicet-Georges Dologuelé qu’il a “perdu la nationalité centrafricaine”. Une tentative de le déclarer apatride qui vise manifestement à l’écarter de la course présidentielle. Mais l’opposant ne se laisse pas intimider et contre-attaque avec une violence verbale inédite dans le paysage politique centrafricain.
La réponse de l’ancien premier ministre Anicet-Georges Dologuelé est chirurgicale et dévastatrice. Il rappelle être “né Centrafricain, de père et de mère eux-mêmes Centrafricains d’origine”, et possède depuis 1994 un certificat de nationalité délivré par une autorité judiciaire compétente. Ce document lui a permis de se présenter aux présidentielles de 2016, 2020 et maintenant 2025, ainsi que d’être élu député de Bocaranga 1 depuis près de dix ans. Touadéra invoque contre lui une loi de 1961 sur la nationalité qui, selon Anicet-Georges Dologuelé , “existe depuis 64 ans mais n’a jamais été mise en application et est donc tombée en désuétude”.
L’argument massue arrive ensuite: “Des milliers de Centrafricains, dont certains ont dirigé notre pays, sont devenus des binationaux sans que leur nationalité centrafricaine n’ait jamais été remise en cause”. Pour enfoncer le clou, Anicet-Georges Dologuelé rappelle qu’il s’est libéré de ses liens d’allégeance à la France le 25 septembre 2025 et ne possède donc plus que la nationalité centrafricaine. “Maintenant que je n’ai plus que la seule nationalité centrafricaine, il devient sans objet de me demander une réintégration”, assène-t-il avec ironie.
Mais c’est dans la suite de sa lettre que Anicet-Georges Dologuelé passe véritablement à l’offensive, dévoilant un catalogue accablant de ce qu’il présente comme une vendetta personnelle du président à son encontre. En 2017, Touadéra alias Baba Kongoboro avait tenté de l’impliquer dans une “sombre histoire d’atteinte à la sûreté de l’État”. En 2021, le président lui aurait interdit de se faire soigner à l’étranger malgré une “urgence chirurgicale”, confisquant son passeport diplomatique et publiant sur les réseaux sociaux la copie de son passeport français. La même année, la tentative de levée de son immunité parlementaire pour un “délit imaginaire”. En 2023, introduction dans la Constitution de l’interdiction aux binationaux de se présenter à la présidentielle. Et maintenant, en 2025, cette tentative de déchéance de nationalité.
L’ancien Premier ministre Anicet-Georges Dologuelé ne se contente pas de dresser ce réquisitoire: il lance une charge frontale contre la personnalité même du président. “Il est à la fois surprenant et consternant de noter qu’au cours de cette décennie à la tête de notre pays, tous vos actes et décisions n’ont été guidés que par des sentiments négatifs: la rancune, la méchanceté, le désir d’écraser, d’humilier et de réduire à néant vos adversaires”, écrit-il sans retenue.
Plus grave encore, Anicet-Georges Dologuelé accuse Touadéra d’avoir “détruit tous les fondements culturels de la société centrafricaine” et transformé la politique en “synonyme de tout ce que l’on réprouve: mensonge, manipulation, intérêts personnels, trahison, injustice, violence, roublardise, corruption, débauche, machiavélisme”. Des mots d’une violence rare dans une correspondance officielle entre un candidat et un président en exercice.
L’accusation la plus cinglante touche à la foi religieuse du président. Anicet-Georges Dologuelé dénonce les “scènes de démonstration publique de votre piété et de votre dévotion à l’Éternel” diffusées sur les réseaux sociaux, notamment celle montrant Touadéra “à genoux, en train de recevoir la bénédiction de pasteurs”. Pour l’opposant, “ces scènes sont malheureusement aux antipodes des réalités que vous faites vivre aux Centrafricains”. Il va jusqu’à parler de “cynisme avec la parole de Dieu devenu un acte blasphématoire” et affirme que le président a “perdu la crainte devant Dieu et devant la Nation”.
Cette lettre explosive intervient dans un contexte déjà explosif. Rappelons que l’ancien premier ministre Nicolas Tiangaye, dans son interview sur Africa Radio, avait qualifié la démarche d’Anicet-Georges Dologuelé de “trahison” après que ce dernier ait brisé le front commun du BRDC en déposant sa candidature malgré la décision collective de boycott. Le président du CRPS avait même annoncé son exclusion du Bloc Républicain.
Mais Anicet-Georges Dologuelé semble avoir fait son choix: plutôt que de rester dans l’ombre d’un boycott dont il conteste manifestement la stratégie, il a décidé d’affronter directement le pouvoir en place sur le terrain électoral. Et cette lettre montre qu’il ne compte pas se contenter d’une campagne classique: c’est une guerre totale qu’il déclare à Touadéra, utilisant les armes de la dénonciation frontale et de l’attaque personnelle.
L’ancien Premier ministre Anicet-Georges Dologuelé ne s’arrête pas là. Il accuse le président d’avoir “fait de l’Autorité Nationale des Élections un appendice des services du Gouvernement” qui “reçoit directement des instructions” du pouvoir. Il dénonce la convocation du corps électoral alors que “la liste définitive des électeurs n’a toujours pas été rendue publique” et l’imposition par le gouvernement de recrutement d’“experts électoraux” choisis “parmi les militants de votre parti politique”.
Mais c’est la conclusion de la lettre qui montre toute l’ambition d’Anicet-Georges Dologuelé et la profondeur du fossé qui le sépare désormais de l’opposition boycotteuse. “Je ne cherche pas à prendre ‘votre place’ ; je cherche à devenir Président de la République Centrafricaine”, écrit-il, marquant ainsi sa volonté de conquérir le pouvoir par les urnes plutôt que de le contester de l’extérieur.
Cette stratégie frontale contraste radicalement avec celle défendue par Tiangaye qui, rappelons-le, affirmait dans son interview qu’“aller à ces élections, c’est accompagner Touadéra, c’est légitimer le coup d’État constitutionnel”. Pour le président du CRPS, “il vaut mieux ne pas aller à ces élections-là pour que le masque de la tyrannie puisse tomber”.
Anicet-Georges Dologuelé fait exactement le pari inverse: il mise sur sa participation pour démasquer la “tyrannie” qu’il dénonce. Son calcul est clair: en restant dans la course malgré toutes les manœuvres du pouvoir, il espère incarner la résistance face à ce qu’il présente comme un régime obsédé par son maintien au pouvoir.
La lettre se termine par un défi à peine voilé: “Vos partisans aiment à répéter que c’est Dieu qui vous a donné le pouvoir. Nous croyons tous en Dieu, laissons-le faire son œuvre et arrêtons d’avoir la prétention de l’influencer.” Une façon élégante de dire au président: rendez-vous aux urnes, et que le meilleur gagne.
L’opposition centrafricaine se retrouve donc scindée en deux camps aux stratégies diamétralement opposées. D’un côté, Tiangaye et le BRDC qui boycottent et dénoncent une “parodie électorale” où “les résultats sont connus d’avance”. De l’autre, Anicet-Georges Dologuelé qui a choisi l’affrontement direct, quitte à être accusé de “trahison” par ses anciens alliés.
Cette division fatale de l’opposition pourrait bien faire le jeu du président Touadéra. Mais elle montre aussi deux visions radicalement différentes de l’action politique: celle du refus et du boycott face à un système jugé verrouillé, et celle du combat frontal malgré toutes les embûches.
Reste à savoir laquelle de ces deux stratégies servira le mieux les intérêts du peuple centrafricain. Une chose est certaine: avec cette lettre incendiaire, Anicet-Georges Dologuelé a fait exploser les derniers semblants de courtoisie politique et transformé la campagne électorale en règlement de comptes personnel. Le 28 décembre dira si ce pari audacieux était celui de la témérité ou celui du courage.
Source: Corbeau News Centrafrique
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