Zémio: L’Armée Centrafricaine Comme Gang de Racketteurs

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Zémio: L'Armée Centrafricaine Comme Gang de Racketteurs
Zémio: L'Armée Centrafricaine Comme Gang de Racketteurs

Africa-Press – CentrAfricaine.
Au bord de la rivière Mbomou, là où le territoire centrafricain touche la République Démocratique du Congo, les soldats des Forces Armées Centrafricaines ont installé leur propre péage. Pas un poste de contrôle sécuritaire. Pas un dispositif de surveillance frontalière. Non. Une simple machine à extorquer de l’argent aux pauvres gens qui tentent de survivre en traversant la frontière pour commercer.

Bienvenue à Zémio, préfecture du Haut-Mbomou, où l’uniforme militaire est devenu le costume préféré des bandits de grand chemin.

Chaque jour, des dizaines d’habitants de Zémio descendent vers les berges de la Mbomou. Certains vont acheter du sel, du sucre ou de l’huile en RDC pour les revendre de l’autre côté. D’autres attendent les commerçants congolais qui traversent avec leurs marchandises. C’est un ballet commercial vieux comme le fleuve lui-même, un mouvement naturel de survie économique dans une région où l’État n’a jamais rien construit, jamais rien apporté.

Mais voilà que les FACA ont flairé l’opportunité. Elles ont planté leur drapeau au bord de l’eau et décrété que désormais, chaque passage se paierait. Cash. Immédiatement. Sans reçu, évidemment.

Les montants? Entre 10 000 et 50 000 francs CFA selon l’humeur du soldat, la tête du passager, ou le poids supposé de sa poche. Peu importe que tu sois un commerçant qui traverse trois fois par semaine, un réfugié qui rentre chez lui après des mois d’exil, ou une mère de famille qui va chercher de quoi nourrir ses enfants. Tu paies. Sinon, tu restes bloqué.

Imaginez la scène. Vous avez fui Zémio il y a six mois parce que les Mercenaires russes terrorisaient votre quartier. Vous avez vécu dans un camp de réfugiés en RDC, dans des conditions misérables, en attendant que la situation se calme. Vous apprenez que c’est plus tranquille maintenant. Vous décidez de rentrer. Vous traversez le fleuve avec vos maigres possessions. Et là, sur la berge centrafricaine, votre propre armée vous barre la route et vous réclame 10 000 francs pour fouler à nouveau le sol de votre pays.

Dix mille francs que vous n’avez pas. Que vous n’avez jamais eus. Alors vous faites demi-tour. Vous retournez en RDC. Vous restez réfugié. Parce que votre armée nationale vous a transformé en étranger sur votre propre terre.

Pour les commerçants, c’est l’asphyxie économique installée. Madame Françoise traverse chaque semaine vers Mboki, en RDC, pour acheter du savon qu’elle revend à Zémio. Son bénéfice normal: 5 000 francs par voyage. Mais maintenant, les FACA lui réclament 7500 francs à l’aller et autant au retour. Comment voulez-vous qu’elle continue? Elle a arrêté. Comme des dizaines d’autres petits commerçants qui faisaient vivre leurs familles de ce trafic transfrontalier.

L’économie locale, déjà exsangue, vient de recevoir le coup de grâce. Mais les soldats FACA, eux, s’enrichissent. Ils ont trouvé leur mine d’or: les pauvres gens qui n’ont pas le choix.

Si le racket au bord du fleuve était le seul problème, ce serait déjà scandaleux. Mais les FACA de Zémio ont inventé un deuxième système, encore plus pervers, pour remplir leurs poches.

Elles arrêtent les jeunes. N’importe quel jeune. Sur n’importe quel prétexte. Le prétexte préféré? Les cicatrices.

Vous avez une marque sur le bras? Une cicatrice sur le torse? Des traces de scarifications traditionnelles pratiquées dans votre ethnie depuis des générations? Alors vous êtes suspect. Suspect de quoi? D’être un milicien Azandé, évidemment.

La logique des FACA est imparable dans sa stupidité: les miliciens Azandé se cachent dans la brousse et viennent parfois en ville pour boire, s’amuser ou acheter des provisions. Ces miliciens ont souvent des cicatrices rituelles sur le corps. Donc, si tu as des cicatrices, tu es forcément un milicien qui se planque en ville.

Sur cette base “juridique” solide comme du sable, les FACA interpellent, embarquent, emprisonnent. Et ensuite? Elles envoient un émissaire à la famille avec un message simple: “Ton fils est au cachot. Il est accusé d’être un milicien Azandé. Si tu veux le revoir, apporte 200 000 francs.”

Pas de procès. Pas d’enquête. Pas de preuve. Juste une accusation inventée et une demande de rançon. C’est du kidnapping légalisé par l’uniforme.

Jean-Pierre a 24 ans. Il vend des arachides au marché de Zémio. Il a sur le bras gauche trois scarifications en forme de lignes parallèles, un signe identitaire de son clan. Un matin, en allant au marché, il croise une patrouille FACA. Un soldat remarque les cicatrices. “C’est quoi ça sur ton bras?”. Jean-Pierre explique. Le soldat sourit. “Milicien. Tu viens avec nous”.

Jean-Pierre passe trois semaines au cachot. Sa mère vend sa récolte de manioc. Son père emprunte auprès d’un voisin à 50% d’intérêt. Ses sœurs abandonnent l’école pour travailler aux champs. La famille réunit péniblement 180 000 francs. Les FACA acceptent, exceptionnellement, vu les circonstances. Jean-Pierre sort. Il n’a jamais touché une arme de sa vie. Il n’a jamais fréquenté aucun groupe armé. Mais sa famille est ruinée pour des années.

Cette histoire n’est pas unique. Elle se répète chaque semaine à Zémio. N’importe quel jeune peut être arrêté à tout moment. Il suffit que les FACA décident qu’il a “une tête de milicien” ou “des marques suspectes”. Et hop, direction le cachot. Et la famille doit se débrouiller pour trouver la rançon.

Les jeunes de Zémio vivent désormais dans la terreur. Ils évitent de croiser les patrouilles FACA. Ils portent des manches longues pour cacher leurs cicatrices. Certains ne circulent plus. La ville est devenue une prison à ciel ouvert où les geôliers portent l’uniforme national.

Les FACA ont transformé Zémio en zone de chasse. Elles chassent les civils. Elles les traquent, les capturent, les mettent en cage, et demandent une rançon pour les relâcher. Ce n’est plus une armée. C’est une organisation criminelle qui opère sous couvert de lutte contre les groupes armés.

Le plus révoltant dans cette histoire? Les vrais miliciens Azandé, eux, ne sont jamais inquiétés. Ils sont dans la brousse, armés jusqu’aux dents, et les FACA ne les cherchent même pas. C’est tellement plus facile et plus rentable d’arrêter des jeunes désarmés au marché et de rançonner leurs familles.

Cette situation à Zémio n’est pas un fait exceptionnel. Ce n’est pas le résultat de quelques soldats indisciplinés qui auraient dérapé. Non. C’est un système. Un système organisé, toléré, encouragé par la hiérarchie militaire.

Les FACA déployées à Zémio ne reçoivent souvent pas leurs primes globales d’alimentation (PGA). Parfois pendant des années. Alors le commandement leur donne un message implicite: débrouillez-vous. Vivez sur la population. Prélevez votre dû directement sur les civils. Le racket devient le mode de rémunération officieux de l’armée.

Et ce système ne concerne pas que Zémio. Partout en Centrafrique, les FACA installent des barrières, créent des “taxes”, arrêtent arbitrairement des civils et demandent de l’argent. À Bossangoa, à Bambari, à Bria, à Ndassima, le scénario est identique. L’armée nationale est devenue une armée d’occupation qui pille son propre peuple.

Comment en est-on arrivé là? La réponse tient en un mot: Wagner.

Depuis que les mercenaires russes du groupe Wagner ont pris le contrôle des FACA, ils leur ont enseigné leurs méthodes. Les instructeurs russes ne forment pas des soldats professionnels qui protègent les civils. Ils forment des prédateurs qui terrorisent la population.

Les mercenaires de Wagner eux-mêmes pratiquent le pillage partout où ils opèrent. À Ndassima, ils tuent les ouvriers miniers. À Bossangoa, ils pillent les petits villages voisins. À Bowaye, ils confisquent les vivres distribués par la Croix-Rouge. Les FACA, formées par Wagner, ont simplement copié le modèle.

La plainte déposée le 8 octobre 2025 à la Cour Pénale Internationale documente en détail comment les FACA sont passées sous contrôle de facto des mercenaires russes. Dans un rapport couvrant la période juillet 2020 à juin 2021, les Nations Unies ont recensé 526 violations des droits humains en RCA. Près de 46% de ces violations étaient attribuables aux FACA et aux instructeurs russes.

Les FACA ne sont plus l’armée nationale centrafricaine. Elles sont devenues les supplétifs de Wagner, une milice au service de Touadéra et des intérêts russes. À Zémio comme ailleurs, elles appliquent la doctrine Wagner: terroriser, racketter, piller.

Et le commandement? Il ferme les yeux. Le ministre de la Défense Claude Rameaux Bireau laisse faire. Le Chef d’État-Major Zéphirin Mamadou ne sanctionne personne. Touadéra décore les mercenaires de Wagner pendant que les FACA formées par ces mêmes mercenaires rackettent la population.

Il y a quelques mois, lors d’une opération militaire dans la région de Zémio, un soldat FACA avait déclaré dans une vidéo devenue virale: “Nous sommes formés pour tuer et non pour rire”.

Cette phrase résume tout. Les FACA ne se cachent même plus. Elles assument leur brutalité. Elles se vantent d’être des machines à tuer. Et maintenant, elles ajoutent une fonction: machines à racketter.

À Zémio, cette doctrine s’applique quotidiennement. Les soldats ne rient pas quand ils réclament 10 000 francs à un réfugié qui rentre chez lui. Ils ne rient pas quand ils arrêtent un jeune innocent et demandent une rançon à sa famille. Ils font leur travail. Le travail pour lequel Wagner les a formés.

Les habitants de Zémio sont pris au piège. D’un côté, les miliciens Azandé qui attaquent les positions des forces de l’ordre. De l’autre, les FACA qui les rackettent et les emprisonnent. Ils n’ont nulle part où se tourner. Leur propre armée est devenue leur ennemie.

Source: Corbeau News Centrafrique

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