Africa-Press – CentrAfricaine. Pendant que le régime Touadéra utilise la Constitution de 2023 et la loi de 1961 pour déclarer Anicet-Georges Dologuélé apatride et l’écarter de la course présidentielle, son propre gouvernement est rempli de ministres qui violent exactement les mêmes dispositions. La différence? Ces ministres sont des alliés de Touadéra, donc la loi ne s’applique pas à eux. Elle ne s’applique qu’aux opposants politiques.
Cette hypocrisie démontre que Touadéra n’applique pas la loi de manière égale. Il l’utilise comme une arme politique pour neutraliser ses adversaires tout en protégeant ses complices. Examinons quelques cas qui expliquent parfaitement cette double mesure scandaleuse.
Sylvie Baïpo-Temon occupe actuellement le poste de ministre des Affaires Étrangères de la Centrafrique. Mais selon la loi que Touadéra applique contre Dologuélé, elle ne devrait même pas être centrafricaine.
Voici son parcours: Sylvie est partie en France grâce à sa maman qui s’est mariée à un Français. Le mari français de sa mère a adopté Sylvie et ses frères et sœurs. Ils sont tous partis vivre en France. Sylvie a fait ses études en France où elle a obtenu un BTS. Elle a ensuite travaillé comme agent commercial à BNP Paribas, une banque française.
À travers l’adoption par son beau-père français et son installation en France, Sylvie Baïpo-Temon a acquis la nationalité française. Selon la loi de 1961 que le régime brandit maintenant contre Dologuélé, toute personne qui acquiert une nationalité étrangère perd automatiquement sa nationalité centrafricaine.
Donc, selon la propre logique du régime Touadéra, Sylvie Baïpo-Temon a perdu sa nationalité centrafricaine quand elle a acquis la nationalité française. Elle n’est plus centrafricaine, elle est française. Et pourtant, elle occupe le poste de ministre des Affaires Étrangères de la Centrafrique.
Comment est-ce possible? Comment une personne qui, selon la loi de 1961, n’est plus centrafricaine peut-elle diriger la diplomatie centrafricaine? Comment quelqu’un qui devrait être considéré comme français peut-il représenter la Centrafrique sur la scène internationale?
La réponse est simple: Sylvie Baïpo-Temon est une maîtresse de Touadéra. Grâce à sa proximité amoureuse avec le président, elle a été catapultée comme un tonnerre au poste de ministre des Affaires Étrangères. Peu importe qu’elle n’ait aucune expérience diplomatique. Peu importe que son parcours professionnel se limite à un poste d’agent commercial dans une banque française. Peu importe qu’elle ait acquis la nationalité française et donc, selon la loi de 1961, perdu sa nationalité centrafricaine.
Rien de tout cela ne compte parce qu’elle est une maîtresse du président. La loi ne s’applique pas à elle. Elle ne s’applique qu’aux opposants comme Dologuélé.
De plus, selon la nouvelle Constitution de 2023 imposée par Touadéra, pour occuper une fonction ministérielle, il faut être “centrafricain pur”, c’est-à-dire n’avoir que la seule nationalité centrafricaine. Sylvie Baïpo-Temon n’a jamais renoncé à sa nationalité française. Elle possède donc les deux nationalités. Elle ne devrait pas pouvoir être ministre selon la Constitution de 2023.
Mais elle l’est quand même. Parce que la Constitution, comme la loi de 1961, ne s’applique qu’aux ennemis du régime, pas à ses amis.
Thierry Kamach est ministre de l’Environnement dans le gouvernement Touadéra. Son père est syrien et sa mère est centrafricaine de Berberati. De facto, Thierry Kamach possède la nationalité syrienne par son père.
Selon la loi de 1961 et selon la logique appliquée contre Dologuélé, Kamach devrait avoir perdu sa nationalité centrafricaine puisqu’il possède une autre nationalité. Monsieur Kamach n’est pas centrafricain, il est syrien. Il ne devrait donc pas pouvoir occuper un poste ministériel selon la Constitution de 2023 qui exige d’être “centrafricain pur”.
Mais Thierry Kamach occupe quand même le poste de ministre de l’Environnement. Pourquoi? Parce qu’il est un allié de Touadéra. La loi ne s’applique pas à lui.
Cette situation est d’autant plus scandaleuse qu’on est en train de déclarer Dologuélé apatride pour avoir acquis la nationalité française alors que Kamach, qui possède la nationalité syrienne, est tranquillement ministre sans que personne ne s’interroge sur sa nationalité.
Le régime applique deux poids, deux mesures de manière claire. Pour les opposants, la loi est appliquée avec la plus grande rigueur. Pour les alliés du président, la loi n’existe pas.
Annie-Michelle Mouanga occupe le poste de ministre du Travail. Comme nous l’avons déjà documenté dans plusieurs articles, elle possède également la nationalité française.
Selon la loi de 1961, elle devrait avoir perdu sa nationalité centrafricaine. Elle ne devrait pas pouvoir occuper un poste ministériel selon la Constitution de 2023. Mais elle l’occupe quand même. Pourquoi? Parce qu’elle est une belle sœur de Touadéra.
Pierre Somsé, ministre de la Santé, a un père congolais de RDC et une mère centrafricaine de Mambéré Kadéï. Son père a quitté Berbérati quand Pierre était encore petit et est rentré en RDC. Le fils est resté avec sa maman centrafricaine, a fait ses études en Centrafrique et est devenu docteur.
Dans son cas, on pourrait peut-être imaginer qu’il n’a que la nationalité centrafricaine puisque son père est parti quand il était enfant et qu’il n’a peut-être jamais acquis la nationalité congolaise. Mais même là, selon la logique stricte que le régime applique à Dologuélé, il faudrait vérifier. Possède-t-il la nationalité congolaise par son père? Si oui, selon la loi de 1961, il devrait avoir perdu sa nationalité centrafricaine.
Mais personne ne pose ces questions pour Pierre Somsé. Parce qu’il est un allié de Touadéra. La loi ne s’applique pas à lui.
Il y a beaucoup de gens dans le gouvernement actuel qui ont une double nationalité. Ils devraient tous, selon la loi de 1961 brandie contre Dologuélé, avoir perdu leur nationalité centrafricaine. Ils ne devraient pas pouvoir occuper des postes ministériels selon la Constitution de 2023 qui exige d’être “centrafricain pur”.
Mais ils occupent quand même ces postes. Pourquoi? Parce qu’ils sont des alliés de Touadéra. Parce que la loi ne s’applique qu’aux opposants, pas aux amis du président.
Cette situation est pathétique. Elle démontre que Touadéra a fait cette loi uniquement pour certaines personnes, uniquement pour ses opposants. Pour son clan, pour ses alliés, pour ses ministres, la loi ne s’applique pas.
C’est de la dictature pure et simple. C’est exactement ce qu’on a vu en Corée du Nord, en Russie, en Biélorussie, et dans toutes les dictatures du monde: le dirigeant utilise la loi comme une arme contre ses ennemis tout en s’en affranchissant lui-même et en protégeant ses alliés.
Source: Corbeau News Centrafrique
Pour plus d’informations et d’analyses sur la CentrAfricaine, suivez Africa-Press