Africa-Press – CentrAfricaine. Parce que jamais il ne faudrait perdre la mer de vue. Et ce même quand on ne peut pas la voir de ses fenêtres. On peut alors bien sûr la lire : fils de capitaine au long cours, l’écrivain et éditeur Olivier Frébourg et quatre autres auteurs viennent de sortir Latitude mer aux Editions des Equateurs (23 euros), un bel ouvrage fait de récits et reportages, de peintures et d’interviews dont celle, incroyable, d’Isabelle Joschke, qui fut au départ du dernier Vendée Globe.
On peut aussi, c’est même conseillé, fermer les yeux. Tenter de percevoir le chant des baleines, ou, plus proche, le cri des mouettes. On peut, enfin, et c’est plus qu’heureux et bienvenu, s’en remettre à France Culture, qui a eu la bonne idée de rediffuser la série « Marins » (quatre épisodes) d’Arnaud Contreras, réalisée par Guillaume Baldy en 2018.
En France, une partie des lycées maritimes deviennent des voies de garage et, en fin de parcours, très peu d’élèves finissent par embarquer. Mais alors qui sont ces femmes et ces hommes qui malgré tout se jettent à l’eau ? A les écouter dans l’épisode 1, quelque chose frappe, et tant pis pour les clichés. Malgré la dureté des métiers choisis et des engagements auxquels ils obligent, toutes et tous parlent de liberté dès que les amarres sont larguées.
Catherine Poulain, autrice du Grand Marin (Editions de l’Olivier, 2016), le résume ainsi : « En quittant la terre, c’est un sentiment d’appartenance à quelque chose de plus vaste qu’une famille, qu’une société, qu’un pays. C’est appartenir au souffle du monde. » Yohan, élève à l’Ecole de maistrance à Brest, souligne un autre trait que partagent femmes et hommes de mer : « Dans la marine, on nous apprend à vivre en communauté. Tout ça nous apporte de la cohésion, de l’esprit d’équipage. Et, vraiment, on se soutient tous mutuellement. Si quelqu’un tombe, quelqu’un le rattrape. On se porte, au lieu de se tirer vers le bas. »
A cœur vaillant
C’est de solidarité qu’il sera d’ailleurs question dans l’épisode 3 consacré aux sauveteurs en mer. Chaque année, la Société nationale de sauvetage en mer porte secours à 7 700 personnes. Marins, médecins, pompiers, équipages de la marine nationale, ils sont à l’écoute des moments où tout bascule. Ici, parfois, quand le drame fait remonter les souvenirs, les mots manquent. D’ailleurs, dans le milieu des femmes et hommes de mer, on se contente souvent de peu de mots, mais alors ce sont des mots précis quand il s’agit d’abattre, de mettre à la cape, de mouiller, et d’y aller, à cœur perdu.
A cœur vaillant, aussi, comme ces femmes qui ont choisi la mer mais qui, comme Erell Pellé, préviennent d’emblée et malgré la thématique de l’épisode 2 (« Les femmes de mer ») : « O.K. je vous embarque, mais pas pour parler de trucs de femmes. Je suis pêcheur, vous me parlerez comme à un pêcheur. Et après, on verra si je vous parle. » Alors, on les écoute, ces femmes qui aimeraient être reconnues au même titre que les hommes.
L’épisode 4 permet de faire entendre d’autres voix que l’on ne soupçonnait pas, celles de marins qui ont remplacé l’alcool de leurs ancêtres par la consommation de drogues souvent dures. Là aussi, la parole se fait rare, mais elle est précieuse. Et ce sont leurs mots, leurs paroles, leurs silences aussi, et le bruit de la mer et du vivant qu’ont si bien réussi à capter les micros ici embarqués par Arnaud Contreras et Guillaume Baldy. Et c’est précieux.