Enseignants Contractuels: Recrutement Sans Rémunération

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Enseignants Contractuels: Recrutement Sans Rémunération
Enseignants Contractuels: Recrutement Sans Rémunération

Africa-Press – CentrAfricaine. Six mille enseignants contractuels recrutés, des mois de salaires impayés, des promesses gouvernementales qui s’accumulent. Voilà la réalité du Projet d’appui au recrutement des enseignants (PARE) en Centrafrique, financé par la Banque mondiale à hauteur de plusieurs milliards de francs CFA.

Derrière l’euphorie des chiffres du recrutement se cache un drame humain: des centaines d’enseignants envoyés en province sans salaire, contraints de survivre à crédit ou d’abandonner leurs postes. L’État centrafricain a créé un système pervers où l’on recrute massivement avec l’argent des bailleurs, mais où l’on ne paie pas ceux qui enseignent quotidiennement aux enfants du pays.

« Le contrat devait être signé en début d’année, mais nous avons dû attendre plusieurs mois. Certains collègues envoyés en province n’ont toujours pas reçu leur salaire », témoigne cet enseignant contractuel. Son histoire résume celle de milliers d’autres: recrutés dans l’urgence, déployés rapidement, puis oubliés par l’administration.

Pendant que les bureaux ministériels de Bangui s’enorgueillissent des statistiques de recrutement, les maîtres d’école de Bambari, Bossangoa ou Bangassou attendent leurs salaires depuis des mois. Certains ont vendu leurs maigres biens pour survivre, d’autres mendient la solidarité villageoise pour se nourrir. C’est cela, la réalité du terrain que les rapports officiels ne mentionnent jamais.

La déclaration de Guindoro Rongois, représentant de la Banque mondiale, illustre parfaitement cette irresponsabilité organisée: « Nous apportons les fonds, mais c’est au ministère de l’Éducation de gérer les paiements et la logistique ». Autrement dit: nous donnons l’argent, débrouillez-vous pour le faire arriver aux concernés. Entre l’argent versé et le salaire dans la poche de l’enseignant, il y a un gouffre que personne ne veut combler.

Au ministère de l’Éducation, on parle des contractuels comme d’une solution miracle. Sur le terrain, ils découvrent qu’ils sont devenus des enseignants de seconde zone. Pas de sécurité d’emploi, pas d’avantages sociaux, pas même la garantie d’être payé régulièrement.

« C’est une bonne chose que le gouvernement recrute, mais nous espérons que les problèmes de paiement seront vite réglés », dit cet enseignant avec une résignation qui en dit long. Car au fond, ils savent tous que ces “problèmes de paiement” ne sont pas des bugs du système, mais des caractéristiques. L’État a choisi de créer une armée d’enseignants précaires plutôt que d’intégrer durablement de nouveaux fonctionnaires.

Cette politique de la débrouillardise transformer l’acte d’enseigner en acte de charité. On demande aux contractuels de faire le même travail que les fonctionnaires, mais en acceptant d’être payés… quand c’est possible. C’est le règne du “tu seras payé inch’Allah”, une gestion à l’africaine qui fait du salaire une faveur plutôt qu’un droit.

L’histoire la plus cruelle se joue loin de Bangui, dans ces villages où l’État a envoyé ses nouveaux enseignants contractuels. Là-bas, pas de bureau du personnel où aller réclamer, pas de syndicat pour se plaindre, pas de réseau pour faire pression. Il n’y a que la solitude de l’enseignant face à un État qui l’a oublié sitôt recruté.

Ces maîtres d’école vivent une double peine: non seulement ils ne reçoivent pas leurs salaires, mais ils doivent faire face aux regards interrogateurs des parents d’élèves qui ne comprennent pas pourquoi “leur” enseignant semble si désabusé. Comment expliquer à une communauté villageoise que l’État qui vous a envoyé ne vous paie pas?

Le représentant de la Banque mondiale l’admet sans détour: « les ressources limitées de la Banque mondiale ne permettent pas de couvrir toutes les demandes, notamment dans les zones reculées comme l’est du pays ». Traduction: on recrute partout, mais on ne garantit le suivi que là où c’est facile. Pour les autres, c’est la débrouille ou la famine.

Au final, ce sont les enfants centrafricains qui paient le prix de cette gestion chaotique. Un enseignant qui ne mange pas à sa faim ne peut pas bien enseigner. Un maître qui passe ses nuits à chercher comment joindre les deux bouts n’a plus la tête à préparer ses cours. L’école centrafricaine, déjà fragilisée par des années de crise, subit un nouveau coup avec cette précarisation organisée de ses enseignants….

Source: Corbeau News Centrafrique

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