Aurélie M’Bida
Africa-Press – CentrAfricaine. Un continent, où la population devrait doubler d’ici à 2050 et dont la moitié a moins de 25 ans, devrait être une locomotive économique. Encore faut-il savoir miser sur cette manne humaine pour en faire une force et non une bombe à retardement.
« D’ici à trente ans, les boomers et autres artisans du système politique postcolonial seront disqualifiés. » En 2050, un quart de la population mondiale sera africaine. Ce chiffre, souvent présenté comme une promesse, cache aussi une grande responsabilité. S’il est le symbole d’un continent jeune, dynamique et plein de potentiel, il laisse entrevoir des défis importants. Dans L’Afrique et le reste du monde, Kako Nubukpo replace cette croissance démographique dans le cadre d’une dépendance économique structurelle. Son message est clair: sans transformation profonde, cette manne humaine risque de devenir un fardeau.
Pour l’économiste togolais, ancien commissaire chargé de l’Agriculture, des Ressources en eau et de l’Environnement de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa), le cœur du problème réside dans l’héritage colonial. Une économie pensée pour exporter des ressources brutes et importer des biens finis. Ce modèle, encore largement en vigueur, laisse le continent vulnérable aux fluctuations des marchés mondiaux. L’exemple du cacao illustre cette logique. L’Afrique produit 75 % de l’approvisionnement mondial, mais les revenus qu’elle en tire sont insuffisants, dérisoires même, absorbés par des multinationales situées à des milliers de kilomètres.
Refonte des relations internationales
Alors que le monde s’inquiète des chaînes d’approvisionnement perturbées par la guerre en Ukraine, l’Afrique, riche en ressources agricoles et minières, devrait jouer un rôle stratégique. Pourtant, cette opportunité se retrouve à nouveau minée par un manque d’infrastructures, des élites « autocrates et corrompues » et une gouvernance défaillante. Kako Nubukpo appelle donc à une rupture nette. Le temps presse. Il faut transformer localement, investir massivement dans l’agro-industrie, et prioriser les marchés africains avant d’exporter.
Pour peser dans des blocs tels que les Brics ou l’OMC, le continent doit d’abord mettre de l’ordre chez lui.
Un continent où la moitié de la population a moins de 25 ans devrait être une locomotive économique. Mais là encore le potentiel reste largement inexploité. Les jeunes Africains, bien que nombreux et souvent formés, peinent à trouver des opportunités sur leur propre sol, dit Nubukpo. Pourquoi ? Parce que l’industrialisation et les investissements dans des secteurs porteurs sont lacunaires. L’économiste rappelle ainsi ses solutions: investir dans une éducation adaptée aux réalités africaines, favoriser l’entrepreneuriat local et, surtout, l’importance de créer les conditions pour que cette jeunesse reste sur le continent.
Parmi les autres défis à relever d’ici à 2050, l’ouvrage plaide pour une refonte des relations internationales. Et alors que le continent peine à parler d’une seule voix, Kako Nubukpo appelle à une diplomatie plus affirmée, capable de défendre les intérêts africains dans des blocs comme les Brics ou à l’Organisation mondiale du commerce. Mais pour peser, le continent doit d’abord mettre de l’ordre chez lui. La coopération régionale, souvent bloquée par des rivalités nationales, étant une priorité. À titre d’illustration, ce fervent opposant au franc CFA ne manque pas de s’étendre sur la monnaie commune ouest-africaine, vestige de la colonisation française, symbolise cette dépendance que beaucoup dénoncent sans oser la rompre complètement.
Le choix d’une « troisième voie »
L’Afrique de 2050 devra donc répondre à cette question: comment transformer ses défis en opportunités ? La réponse de Nubukpo est ambitieuse, mais terre à terre. Ce qu’il propose n’est pas un panafricanisme sentimental ni une rupture brutale avec le reste du monde. C’est une « troisième voie », où le continent s’appuie sur ses atouts – jeunesse, ressources naturelles, résilience culturelle – pour devenir un acteur majeur de l’économie mondiale.
Continuer à subir les crises importées, voir sa jeunesse migrer faute d’espoir, et renforcer un modèle économique obsolète n’a que trop duré. Alors, en 2050, l’Afrique pourra-t-elle être fière de cette population africaine dominante ? Ou regrettera-t-elle son inaction et son impréparation ? Tout dépendra des décisions prises aujourd’hui.
Source: JeuneAfrique
Pour plus d’informations et d’analyses sur la CentrAfricaine, suivez Africa-Press