Afrique : « Pourquoi promouvoir l’égalité salariale est un impératif moral »

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Afrique : « Pourquoi promouvoir l’égalité salariale est un impératif moral »
Afrique : « Pourquoi promouvoir l’égalité salariale est un impératif moral »

Africa-Press – CentrAfricaine. Alors que la crise du Covid-19 a exacerbé les inégalités salariales et professionnelles entre les hommes et les femmes, la fin de la pandémie qui se profile doit être l’occasion de reconstruire des sociétés qui offriront les mêmes chances aux femmes qu’aux hommes dans le monde du travail.

En Afrique comme ailleurs dans le monde, les femmes gagnent moins que les hommes. Au niveau mondial, les hommes gagnent en moyenne 15 % à 30 % plus que les femmes. En Afrique subsaharienne, le revenu mensuel médian des hommes est plus de deux fois supérieur à celui des femmes, selon le Bureau international du travail et d’après une étude récente sur le potentiel de l’entrepreneuriat féminin en Afrique, les revenus des femmes entrepreneurs ne font en moyenne que deux tiers de ceux des hommes entrepreneurs.

Briser les « murs de verre »

Ces disparités salariales sont bien sûr dues en partie aux discriminations qui persistent encore et expliquent les écarts de salaire pour un même travail. Mais les écarts de salaires sont aussi dus à un accès inégal aux professions et aux fonctions les plus rémunératrices. Les secteurs les plus rémunérateurs sont en général dominés par les hommes, et les femmes sont moins nombreuses aux postes de gestion et de décision. Elles se retrouvent en général dans le secteur public et dans les services sociaux, et beaucoup moins dans les secteurs les plus lucratifs tels que la finance, l’informatique et les nouvelles technologies. Au « plafond de verre » qui limite l’ascension des femmes se rajoute donc des « murs de verre » qui entravent l’accès des femmes aux mêmes professions et fonctions que les hommes, comme le souligne le rapport de la Banque mondiale : « Breaking Barriers : Female Entrepreneurs Who Cross Over to Male-Dominated Sectors ».

Pour Ousmane Diagana, vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, « le développement de l’Afrique ne pourra se faire sans offrir des opportunités égales aux femmes et aux hommes ».

La pandémie du Covid-19 a creusé les inégalités salariales et de revenus entre les femmes et les hommes, mettant ainsi en lumière certaines des causes sociales et structurelles auxquelles il faut s’attaquer pour espérer atteindre l’égalité salariale. Très souvent, les femmes ont une plus grande charge de travail au sein du foyer, ce qui limite leurs opportunités à avoir un travail rémunéré. Dans le contexte de la pandémie du Covid-19 avec la fermeture des écoles, les femmes ont été les premières à perdre leur emploi ou à devoir fermer leurs entreprises.

Face à ces murs qui s’érigent autour d’elles, les actions en faveur de l’éducation et de la formation, ainsi que les réformes visant à rendre le monde du travail et ses lois plus accessibles aux femmes demeurent les mesures les plus efficaces.

L’éducation pour construire l’égalité des chances et soutenir les mères

Les inégalités salariales et professionnelles, bien souvent, ont leurs racines dans des inégalités préexistantes d’accès à l’éducation. En renforçant l’accès à l’éducation pour les filles, notamment aux STEM (Science, Technology, Engineering and Mathematics), on s’attaque directement à la ségrégation professionnelle qui empêche les femmes d’accéder aux métiers les plus rémunérateurs.

Les inégalités salariales et professionnelles, bien souvent, ont leurs racines dans des inégalités préexistantes d’accès à l’éducation.

Offrir une éducation de qualité aux filles et garçons, et en particulier dès la petite enfance, c’est aussi permettre à leurs mères de se libérer de certaines tâches domestiques afin qu’elles se consacrent à des activités génératrices de revenus sans avoir à s’inquiéter pour le soin et le développement de leurs enfants. En cela, des pays comme le Ghana doivent être pris en exemple. Le gouvernement ghanéen offre deux années d’enseignement préscolaire universel gratuites, mesures grâce auxquelles il a l’un des taux d’inscription à l’éducation de la petite enfance les plus élevés d’Afrique subsaharienne. Un projet de garderies d’enfants mobiles au Burkina Faso en collaboration avec l’Association internationale de développement du Groupe Banque mondiale et l’Unicef a également révélé un impact positif pour les perspectives professionnelles des femmes et leur santé mentale.

Les initiatives pour renforcer la formation professionnelle des jeunes filles et des femmes et leur accès à l’information gagneraient également à être répliquées. En République du Congo, des informations sur les revenus par métier fournies dans le cadre d’un programme de formation professionnelle ont permis d’augmenter de 28,6 % la probabilité que les femmes choisissent de travailler dans des secteurs traditionnellement dominés par les hommes. De telles actions peuvent avoir un impact considérable sans être nécessairement coûteuses.

Des lois pour favoriser l’inclusion économique des femmes

Enfin, l’adoption de lois en faveur de l’égalité hommes-femmes en général permet d’élargir le champ des opportunités pour les femmes et aussi de libérer leur potentiel. Aujourd’hui, le Gabon se distingue grâce à une réforme ambitieuse de son Code civil et la promulgation d’une loi visant à éliminer la violence à l’égard des femmes. Des évolutions qui ont fait passer son score de 57,5 en 2020 à 82,5 dans l’indice du rapport Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2022 de la Banque mondiale, occupant le 10e rang en Afrique. Ces avancées accordent aux femmes les mêmes droits que les hommes dans de nombreux domaines, notamment le choix de leur lieu de résidence, l’obtention d’un emploi sans l’autorisation de leur mari et la possibilité d’être chef de famille au même titre que les hommes.

L’adoption de lois en faveur de l’égalité hommes-femmes en général permet d’élargir le champ des opportunités pour les femmes et aussi de libérer leur potentiel.

Ailleurs au Bénin, des réformes ont permis de supprimer les restrictions à l’emploi des femmes dans le secteur de la construction ; elles peuvent désormais occuper tous les emplois au même titre que les hommes. La Sierra Leone quant à elle a facilité l’accès des femmes au crédit en interdisant la discrimination fondée sur le sexe dans les services financiers.

Si les inégalités salariales et professionnelles persistent sur le continent, il existe néanmoins des progrès et les bons exemples ne manquent pas. Le développement de l’Afrique ne pourra se faire sans offrir des opportunités égales aux femmes et aux hommes. En plus d’être un impératif moral, l’égalité salariale est la meilleure stratégie pour favoriser un développement inclusif. Au Nigéria par exemple, on estime que la participation accrue des femmes dans des secteurs clés de l’économie pourrait entraîner des gains de 22,9 milliards de dollars, soit environ 5,8 % du PIB du pays. De quoi exhorter tous les acteurs politiques et économiques à redoubler d’efforts pour faire tomber les barrières et atteindre l’égalité salariale.

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