Burkina Faso : rumeurs de coup d’État

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Burkina Faso : rumeurs de coup d’État
Burkina Faso : rumeurs de coup d’État

Africa-Press – CentrAfricaine. Au Burkina Faso, la situation était explosive ces dernières semaines entre les militaires et le pouvoir. Puis, dimanche matin, le bras de fer a pris un nouveau tournant. Des soldats se sont mutinés dans plusieurs casernes du pays : Sangoulé Lamizana, Baba Sy, dans le Nord à Kaya, Ouahigouya et jusque dans la capitale, Ouagadougou. Que réclament-ils ? le départ des chefs de l’armée et des « moyens adaptés » à la lutte contre les djihadistes. En fin de journée, des tirs ont été entendus près de la résidence du chef de l’État, Roch Marc Christian Kaboré, relate l’AFP. Le gouvernement a d’abord réagi en reconnaissant ces tirs dans plusieurs casernes, démentant cependant « une prise de pouvoir par l’armée ». Dimanche soir, le chef de l’État, a même décrété « jusqu’à nouvel ordre », un couvre-feu de 20 heures à 5 h 30 (heure locale et GMT).

La nuit semble avoir été très courte, et les Burkinabè se sont réveillés en ne sachant pas où se trouve leur président. Après plusieurs heures de confusion, les rumeurs de coup d’État se confirment. D’après l’Agence France Presse, « le président Kaboré, ainsi que le chef du Parlement (Alassane Bala Sakandé) et des ministres sont effectivement aux mains des soldats » à la caserne Sangoulé Lamizana de Ouagadougou. Mais la suite des événements est incertaine. Une déclaration est attendue dans les prochaines heures alors que le siège de la radio-télévision publique, la RTB, est bouclé par des soldats armés et encagoulés, selon plusieurs sources médiatiques.

Selon plusieurs sources, le président Roch Marc Christian Kaboré a été arrêté.

Pourquoi le président Roch Marc Christian Kaboré est dans le viseur ?

En 2015, un an après la chute de Blaise Compaoré, renversé par une insurrection populaire après 27 ans de pouvoir, l’élection de Kaboré avait suscité de grands espoirs de développement et de changement au « pays des hommes intègres ». Mais c’est précisément en 2015 que le Burkina Faso, jusqu’alors épargné, commence à subir les assauts de groupes djihadistes armés qui n’ont fait que s’amplifier au fil des ans. Lorsqu’il est réélu pour un second mandat en 2020, le pays s’est enfoncé dans le chaos, les attaques de groupes djihadistes sont devenues quasi quotidiennes et font des centaines de morts, des pans entiers du pays échappent à l’autorité de l’État et les forces de l’ordre semblent incapables d’enrayer la spirale de violences. Il fait donc la promesse pendant sa campagne électorale que la lutte contre les djihadistes sera la première de ses priorités. Mais les attaques et les massacres dans le Nord se poursuivent, comme ceux du village de Solhan en juin 2021 au cours duquel au moins 132 civils sont tués, ou d’Inata mi-novembre de la même année quand 57 personnes meurent, dont 53 gendarmes. Dès lors, les manifestations de colère de populations excédées par cette violence se multiplient pour dénoncer « l’impuissance » du pouvoir, des manifestations le plus souvent réprimées par la police. Roch Marc Christian Kaboré, de l’ethnie majoritaire mossi, ancien banquier et homme réputé consensuel, n’a pas réussi à honorer sa promesse en dépit de plusieurs changements à la tête de l’armée et du gouvernement.

Dans les chancelleries occidentales, l’inquiétude monte, même s’il n’y a eu aucune réaction officielle. En revanche, l’ambassade de France à Ouagadougou, évoquant une « situation assez confuse », recommande dans un message à la communauté française « d’éviter les déplacements non indispensables dans la journée et de ne pas circuler de nuit ». Les deux vols d’Air France prévu lundi soir entre Paris et Ouagadougou sont annulés et les écoles françaises resteront fermées mardi, ajoute la représentation diplomatique.

Sur le continent, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), institution dont est membre le Burkina Faso a réagi dès dimanche, et dit suivre « avec une grande préoccupation » la situation. L’organisation a appelé au calme, tout en demandant « aux militaires de demeurer dans une posture républicaine et de privilégier le dialogue avec les autorités ».

Comment en est-on arrivé là ?

Plusieurs manifestations de colère ont lieu depuis plusieurs mois dans de nombreuses villes du Burkina Faso, souvent interdites et dispersées par les policiers anti-émeutes. Illustration de ce climat de tensions : samedi 22 janvier, des incidents ont éclaté à Ouagadougou et dans d’autres villes du Burkina Faso entre les forces de l’ordre et des manifestants qui ont bravé une nouvelle fois l’interdiction de se rassembler pour protester contre l’impuissance des autorités face à la violence djihadiste qui ravage le pays depuis 2015. La mairie a également interdit samedi un autre rassemblement de soutien au Mali, visé par des sanctions de la Cédéao.

Des partisans des mutins ont aussi incendié dans la capitale, toujours, le siège du parti au pouvoir, avant d’être dispersés par la police. À l’extérieur de la caserne Sangoulé Lamizana, une quarantaine de soldats ont tiré en l’air près de plusieurs centaines de personnes en liesse venues les soutenir. « Nous voulons des moyens adaptés à la lutte [antidjihadiste] et des effectifs conséquents », ainsi que le « remplacement » des plus hauts gradés de l’armée nationale, a indiqué dans un enregistrement sonore parvenu à l’AFP un militaire de la caserne Sangoulé Lamizana, sous couvert de l’anonymat. Il a en outre souhaité « une meilleure prise en charge des blessés » lors des attaques et des combats avec les djihadistes, ainsi que « des familles des défunts ». Ce militaire n’a pas réclamé le départ du président burkinabè Roch Christian Kaboré, accusé, par une grande partie de la population excédée par la violence, d’être « incapable » de contrer les groupes djihadistes. Surtout depuis l’attaque d’Inata dans le Nord, le 14 novembre, qui a fait 57 morts et provoqué une onde de choc dans tout le pays. Comme le Mali et le Niger voisins, le Burkina Faso est pris dans une spirale de violences attribuées à des groupes armés djihadistes, affiliés à Al-Qaïda et au groupe État islamique. Les attaques qui visent civils et militaires sont de plus en plus fréquentes et en grande majorité concentrées dans le nord et l’est du pays. Les violences des groupes djihadistes ont fait en près de sept ans plus de 2 000 morts et contraint 1,5 million de personnes à fuir leurs foyers.

Les revendications des mutins ont été confirmées par d’autres sources militaires et des discussions ont eu lieu entre des représentants des mutins et le ministre de la Défense, le général Barthélémy Simporé, selon une source gouvernementale. Rien n’avait filtré dimanche soir sur le contenu de la rencontre. Tout au long de la journée, des manifestants ont apporté leur soutien aux mutins et ont dressé des barrages de fortune dans plusieurs avenues de la capitale, avant d’être dispersés par la police, ont constaté des journalistes de l’AFP.

Il y a dix jours, des militaires et des civils ont été arrêtés, accusés de préparer un coup d’État. Le complot présumé avait été révélé à la suite de la « dénonciation d’un militaire qui aurait été contacté par un groupe d’individus pour les rejoindre pour mener des actions de déstabilisation contre les institutions ». Une enquête a été ouverte.

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