Désarmement Ou Provocation : Trahison Du Gouvernement

4
Désarmement Ou Provocation : Trahison Du Gouvernement
Désarmement Ou Provocation : Trahison Du Gouvernement

Africa-Press – CentrAfricaine. Pourquoi aller subitement désarmer quelqu’un à qui on a remis des armes pour défendre la région? » Ces mots de Dieudonné Ngoumbango, président de la plateforme des partis centristes, résonnent comme un cri d’indignation face à la politique erratique du gouvernement centrafricain dans le Haut-Mbomou.

Dans cette région du sud-est de la République centrafricaine (RCA), en proie à une insécurité persistante, les miliciens Azandé Ani Kpi Gbé, autrefois salués pour leur lutte contre l’UPC, se retrouvent aujourd’hui dans le viseur de l’État. Leur crime? Avoir cru en une intégration promise dans les forces armées centrafricaines (FACA), pour finalement être menacés de désarmement forcé. Ce revirement, perçu comme une trahison, alimente la crise et plonge la population dans un cycle de violence et de méfiance. Comment en est-on arrivé là, et pourquoi le gouvernement semble-t-il provoquer ceux qu’il a lui-même armés?

Une intégration en trompe-l’œil

L’histoire des Azandé Ani Kpi Gbé est celle d’une communauté abandonnée, contrainte de prendre les armes pour survivre. Face à l’inaction de Bangui, incapable d’assurer la sécurité dans le Haut-Mbomou en raison d’un embargo et d’un manque de moyens, ces habitants d’Obo, Zémio, Mboki et Bambouti ont affronté les exactions de l’UPC avec des machettes et des armes artisanales. Leur courage a payé: ils ont chassé les rebelles de la région, libérant des localités entières. Le gouvernement, reconnaissant leurs « faits d’armes », comme l’a admis le ministre résident Marcel Dimassé lors de l’émission Patara, a décidé de les intégrer dans les FACA. Mais cette intégration s’est révélée être un miroir aux alouettes.

Sur les 5 000 membres du groupe recensés par Michel Kombo-Yéki, ancien porte-parole des Azandé, seuls 200 ont été formés par les instructeurs russes du groupe Wagner et dotés de numéros matricules. Ces 200 hommes, devenus officiellement soldats, ont servi loyalement l’État, déployés à Bozoum, Paoua, Bria ou encore Sam-Ouandja, parfois au péril de leur vie, pour chasser les rebelles et protéger les intérêts miniers sous contrôle russe. Mais que dire des 4 800 autres, laissés sans formation ni encadrement? « Nous avions donné une liste de 100 personnes pour une formation à Zémio, mais les Russes les ont chassés dans la brousse », déplore Kombo-Yéki. Cette exclusion massive a semé les graines de la frustration, transformant un potentiel allié en une force instable.

Un désarmement perçu comme une provocation

Le véritable point de rupture est survenu lorsque le gouvernement, via ses alliés russes, a décidé de désarmer les 200 miliciens intégrés dans les FACA. Cette décision, prise après des incidents violents en 2024, dont l’attaque d’un convoi de la MINUSCA et la mort de cinq éléments des forces de l’ordre, a été vécue comme une injustice profonde. « Les gens qui ont été formés n’étaient pas sur le lieu de l’attaque », insiste Kombo-Yéki, dénonçant une confusion entretenue par l’État entre les miliciens formés et les autodéfenses non intégrées. Pourquoi, alors, cibler ceux qui ont juré fidélité à la République?

Dieudonné Ngoumbango va plus loin, qualifiant cette démarche de « provocation »: « Quand on a un numéro matricule, on est devenu FACA. Désarmer un militaire, c’est l’exclure, le rendre civil ». Cette logique, selon lui, non seulement trahit la confiance des miliciens, mais sème les germes d’une nouvelle révolte. Les miliciens formés, désormais sous la menace d’arrestations arbitraires: quatre de leurs leaders sont déjà détenus à Bangui, ont fui Zémio pour se réfugier à Obo, emportant leurs armes par peur d’être abandonnés. « Si on m’arrête, qui va gérer le groupe? », s’interroge Kombo-Yéki, lui-même sous mandat d’arrêt, révélant l’absurdité d’une politique qui criminalise ceux qu’elle a armés.

Une absence de dialogue et de garanties

Le ministre Dimassé tente de justifier cette stratégie en affirmant que le gouvernement privilégie le dialogue, citant des discussions avec Kombo-Yéki et une initiative pour désarmer une centaine de jeunes à Obo. Mais ces efforts, s’ils existent, arrivent trop tard et manquent de sincérité. « Il fallait dialoguer en amont », martèle Ngoumbango, critiquant une approche qui mise sur la force avant la négociation. Les opérations de ratissage, menées par les FACA et les Russes, se poursuivent en parallèle, semant la peur parmi les populations. À Zémio, un chef de village a été abattu après avoir tenté de fuir une interpellation, illustrant les dérives de ces interventions.

Les Azandé, de leur côté, posent des conditions claires pour déposer les armes: des garanties de sécurité et une reconnaissance de leur contribution. « Nous avons travaillé pour l’État, nous avons reconquis une préfecture », rappelle Kombo-Yéki, qui craint que le désarmement ne soit qu’un prétexte pour « nous jeter dans la poubelle ». Sans perspectives d’intégration économique ou militaire pour les 4 800 autodéfenses restantes, le désarmement ressemble à une punition plutôt qu’à une solution. Comment espérer la paix lorsque ceux qui ont défendu la République sont traités comme des parias?

Une trahison aux conséquences dramatiques

Cette politique de désarmement maladroite a des répercussions humaines désastreuses. À Mboki, des maisons ont été incendiées, un civil et un ex-milicien tués. À Zémio, la population, terrifiée par les exactions attribuées aux Russes, s’est réfugiée en RDC ou dans des églises. Obo, vidée de ses habitants selon Kombo-Yéki, vit dans la crainte d’un nouveau convoi russe. Ces violences, loin de restaurer l’autorité de l’État, creusent un fossé entre Bangui et le Haut-Mbomou, une région déjà marginalisée par des décennies de négligence.

Le gouvernement, en trahissant la confiance des Azandé Ani Kpi Gbé, non seulement fragilise la sécurité, mais risque de transformer des alliés en ennemis. « Quand un pouvoir tourne son canon contre une partie de la population, c’est un échec », conclut Ngoumbango. Cet échec, c’est celui d’une gouvernance incapable de dialoguer, de planifier et de respecter ses engagements. La crise actuelle n’est pas seulement une question d’armes, mais de justice et de reconnaissance….

Source: corbeaunews

Pour plus d’informations et d’analyses sur la CentrAfricaine, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here