En Centrafrique, Fidèle Gouandjika, le « fou du roi » Touadéra

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En Centrafrique, Fidèle Gouandjika, le « fou du roi » Touadéra
En Centrafrique, Fidèle Gouandjika, le « fou du roi » Touadéra

Africa-Press – CentrAfricaine. Rompu aux polémiques, le conseiller spécial du chef de l’État est devenu incontournable. Membre de la famille présidentielle, il ne manque pas de s’en vanter sur les réseaux sociaux. Non sans créer des tensions.

Dans l’enceinte de la ferme du président centrafricain Faustin-Archange Touadéra, située à Mondjô près de Damara, c’est un bal de personnalités qui défilent en ce week-end du 24 et 25 février. Anciens dignitaires, ministres, directeurs généraux… Les grosses cylindrées se sont suivies entre Bangui et cette bourgade plantée à 70 kilomètres de la capitale et sécurisée par les inévitables soldats rwandais et supplétifs russes de Wagner. Tous veulent être reçus par le chef de l’État. Et, en grande majorité, chacun attend le sésame accordé pour cela par Fidèle Gouandjika.

Les rendez-vous du président Touadéra, dans ce cadre privé présidentiel, sont en effet calés par ce conseiller du patron. Gouandjika est d’ailleurs bien présent à la ferme du chef de l’État et joue même volontiers l’animateur, esquissant quelques pas de danse traditionnelle. Dimanche 25 février, il pose, tout sourire, avec Faustin-Archange Touadéra, au côté de l’ancien cadre du régime de l’ex-président François Bozizé, Thierry Savonarole Maleyombo.

« Faiseur de rois »

Début 2021, Thierry Savonarole Maleyombo avait pourtant été arrêté à l’aéroport de Bangui avant de passer plusieurs mois en prison, accusé de faire partie des commanditaires du coup d’État manqué du 13 janvier 2021 contre Faustin-Archange Touadéra. Mais il a finalement été blanchi au cours d’un procès quelques mois plus tard et le voilà de retour au premier plan, du moins en partie. Grâce à l’intervention de Fidèle Gouandjika, comme le suggère le cliché ?

À la ferme de Faustin-Archange Touadéra ou au palais de la Renaissance à Bangui, « Chégué », comme chacun appelle Gouandjika dans le pays, n’est pas simplement un conseiller spécial avec rang de ministre. Originaire du même village que le président, il en est aussi le cousin, ce qu’il ne se prive jamais de rappeler. Surtout, s’il se fait régulièrement surnommer le « faiseur de rois », c’est qu’il a participé à l’ascension de Faustin-Archange Touadéra.

Nous sommes en janvier 2008. À la suite d’une succession de malentendus, François Bozizé finit par perdre patience et débarque Élie Doté de la primature. Reste à savoir par qui le remplacer. Le président centrafricain consulte, à Bangui et ailleurs, jusqu’à Libreville, où Omar Bongo Ondimba est encore au pouvoir. Le patriarche gabonais lui conseille de choisir un universitaire pour apaiser les tensions politiques.

« Calme mais intelligent, Touadéra était encore recteur de l’université. Il était le candidat idéal », se souvient un proche de Touadéra et de Gouandjika. Ce dernier fait l’éloge de son cousin auprès de François Bozizé. Lequel choisit donc de nommer Faustin-Archange Touadéra à la primature, à la surprise quasi générale. « Chégué » y gagne ses galons de « faiseurs de roi », tandis que son cousin et poulain gravit les échelons de la politique.

« Tout donner » à Wagner

L’ancien ingénieur en télécommunications de 69 ans – patron du Groupe MGF SARL – est aujourd’hui l’un des hommes les plus puissants du système en place à Bangui. Fort de ses réseaux, il a été directeur commercial de la Société centrafricaine des télécommunications avant d’être nommé ministre des Postes et Télécommunications, puis de l’Agriculture et du Développement rural sous François Bozizé. Brièvement exilé en Roumanie – pays dont son fils Lionel est aujourd’hui consul honoraire à Bangui – à la chute de ce dernier, celui qui se surnomme le « milliardaire de Boy-Rabe » a même tenté une aventure politique en solo, en se portant candidat à la présidentielle de 2015.

Il n’y a toutefois recueilli que 1,25% des suffrages, loin derrière Faustin-Archange Touadéra donc, celui qu’il a contribué à lancer en politique. Cadre du parti au pouvoir, le Mouvement cœurs unis (MCU), il est aujourd’hui l’un des principaux collaborateurs du chef de l’État et successeur de François Bozizé, aujourd’hui en exil en Guinée-Bissau. Fidèle Gouandjika s’en vante d’ailleurs régulièrement: son bureau à la présidence jouxte celui du patron. Il ne se prive pas non plus d’utiliser cette proximité et de la mettre en avant lors de ses fréquentes interventions sur les réseaux sociaux, s’affichant comme l’un des porte-parole officieux de Touadéra.

En 2021, alors que l’opinion critiquait les exactions commises par les mercenaires russes de Wagner, « Chégué » a ainsi publié une vidéo sur un réseau social pour prendre à contre-pied les détracteurs de la stratégie d’alliance pro-Kremlin du chef de l’État. « Nous sommes prêts à tout leur donner. Même s’ils doivent coucher avec nos femmes et nos mères, c’est le prix pour notre liberté », a-t-il lancé dans son message. La vidéo a évidemment fait réagir pendant plusieurs semaines, au grand plaisir de son auteur, farouche partisan du buzz. Peu après, il s’affichait d’ailleurs encore avec un t-shirt à la gloire de Wagner.

Très présent sur les réseaux sociaux, Fidèle Gouandjika défie ouvertement les opposants à Faustin-Archange Touadéra et les occidentaux. Fin 2023, il a même appelé « au génocide » contre la mission de l’ONU et les missions diplomatiques, « si un renversement de pouvoir venait à se produire ». « On dit généralement que c’est le fou du roi, explique un diplomate occidental en poste à Bangui. Mais ce qu’il exprime est ce qui est pensé lors des petites retrouvailles présidentielles. Lui le dit à haute voix, et généralement, on le prend au sérieux. »

Source: JeuneAfrique

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