Afrique : la tech peut-elle aider à lutter contre la corruption ?

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Afrique : la tech peut-elle aider à lutter contre la corruption ?
Afrique : la tech peut-elle aider à lutter contre la corruption ?

Africa-Press – CentrAfricaine. Lorsqu’il s’agit d’éducation, Chima Osuji est un éternel révolté. « Des dizaines de millions d’enfants n’ont pas accès à une éducation de qualité au Nigeria, et près de dix millions d’entre eux ne vont pas du tout à l’école, tempête le jeune avocat spécialisé dans la défense des droits de l’homme. Le gouvernement est trop accaparé par la captation de la rente pétrolière pour s’en préoccuper, c’est à croire que nos dirigeants font exprès de maintenir les masses dans l’ignorance. » Le récent procès à Londres de la banque américaine JP Morgan, accusée d’avoir aidé des dirigeants nigérians à détourner plusieurs centaines de millions de pétrodollars des coffres de l’État, en a apporté une nouvelle preuve : le Nigeria reste l’un des pays les plus corrompus du monde.

L’un des plus grands problèmes du Nigéria est l’éducation. « Le système est horriblement inégalitaire » raconte Ozayi Izedonmwen, qui a créé une startup dans le secteur.

© Sadak SouiciMais en plein boom de la tech africaine, certains tentent d’utiliser la technologie peut combler les immenses lacunes d’un service public atteint d’incurie. Ainsi d’Osayi Izedonmwen, le fondateur de Teesas, une start-up sociale procurant des contenus éducatifs en dialectes locaux à près de 50 000 enfants. « Les écoles publiques sont d’une qualité déplorable, notamment dans les quartiers pauvres, et nous tentons de combler le manque grâce à Internet », explique-t-il.

« La transparence est l’ennemi juré de la corruption »

La tech sauvera-t-elle l’Afrique de la corruption ? Beaucoup de jeunes entrepreneurs veulent y croire. « Nous sommes un continent composé de nations qui ont été empêchées d’avancer par plusieurs décennies de guerre, de corruption, de crises économiques… Cela laisse une foule de problèmes sociétaux à résoudre : la santé, l’éducation, les transports en commun, l’accès au crédit. La technologie nous permet de nous saisir de notre avenir et de monter dans le train de la modernité » affirme Ladi Delano, le cofondateur d’une start-up dans le secteur de la mobilité urbaine.

Damilola Olokesusi, une trentenaire originaire du nord du Nigeria, a créé son entreprise d’après une réflexion similaire. Inspirée par l’efficience des transports en commun de Dubai, elle décide de créer une application permettant aux habitants d’un même quartier d’affréter eux-mêmes des bus collectifs pour se rendre au travail. « Il n’y a pas de transports en commun au Nigeria, j’ai voulu que les gens puissent y remédier sans attendre le gouvernement », raconte la jeune femme qui a levé près de 2 millions de dollars en 2021.

En diffusant l’information, la technologie bouscule ainsi certains prés carrés. « La transparence est l’ennemi juré de la corruption, analyse Bernard Ghartey, un investisseur ghanéen. La tech ralentit la corruption en éliminant les intermédiaires, que ce soit en remodelant des industries entières où à coups d’optimisations toutes simples, comme les déclarations douanières ou les demandes de passeport en ligne. » D’autres acteurs rappellent cependant une évidence : aussi novatrices soient-elles, les start-up ne modifieront pas les déséquilibres structurels d’un pays. « Les start-up ont un impact limité sur le PIB, leur rôle est plutôt de faire progresser un changement systémique, estime Dario Giuliani, directeur d’une entreprise d’intelligence économique spécialisée sur l’Afrique. Elles sont néanmoins un formidable instrument de relations publiques en attirant les capitaux, et procurent un emploi qualifié aux jeunes diplômés. »

L’État à la traîne

Conscient de l’image positive véhiculée par ses jeunes pousses à l’étranger, le gouvernement nigérian a récemment fait voter le « Startup Act », un corpus de législatif visant à donner des garanties de stabilité au secteur. Mais la mauvaise réputation du pays, en partie liée à sa dépendance au pétrole, reste tenace. « Le cadre juridique nigérian dans son ensemble reste inquiétant pour les entreprises étrangères, car le pays reste miné par des faiblesses structurelles et sécuritaire, relate Mounir Alhoz, le directeur de l’agence Business France au Nigeria. Mais pour peu que vous ayez les reins solides et une vraie vision de long terme, le secteur tech offre un bon moyen de miser sur une économie qui va compter, ne serait-ce que par son poids démographique ». Reste maintenant au gouvernement nigérian à accepter le corollaire de la transparence numérique : la circulation de l’information. Confronté à d’importantes manifestations à l’automne 2020, l’exécutif avait fini par suspendre Twitter pendant plusieurs mois. La mesure avait fait l’effet d’une douche froide sur la communauté de la tech de Lagos.

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