L’année où Bank of Africa s’est émancipée du Maroc

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L’année où Bank of Africa s’est émancipée du Maroc
L’année où Bank of Africa s’est émancipée du Maroc

Mathieu Galtier

Africa-Press – CentrAfricaine. En 2023, plus de la moitié des bénéfices du groupe d’Othman Benjelloun viennent de son activité en Afrique subsaharienne, laquelle ne cesse de croître financièrement et géographiquement.

Le groupe Bank of Africa (BOA) est un panafricaniste convaincu, tendance caméléon. Afrique du Nord, de l’Ouest ou de l’Est, région anglophone ou francophone… Les 19 filiales bancaires du groupe marocain desservent toutes les zones du continent, avec des services adaptés. Cette flexibilité est la clé de voûte du succès de BOA, qui regroupe les différentes banques subsahariennes de sa maison mère, BMCE Bank of Africa.

L’Uemoa au cœur de l’activité de BOA

Selon la communication financière sur les comptes consolidés de BOA publiée ce mardi 9 avril, les activités en Afrique hors Maroc ont représenté 56 % des bénéfices en 2023 (contre 49 % en 2022) du groupe d’Othman Benjelloun. La zone subsaharienne a réalisé 755 millions d’euros de produit net bancaire (PNB, +11 %), pour un PNB global du groupe de 17 milliards de dirhams (1,55 milliards d’euros, +9 %).

Dans sa région historique de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), Bank of Africa mise sur un maillage très fort de ses agences pour crédibiliser son positionnement panafricain. Dans les régions à conquérir, notamment en Afrique de l’Est, l’accent est mis sur le financement de grands projets et sur des services financiers de pointe, respectivement plus sûrs et plus rentables.

Bank of Africa n’est pas la banque leader dans les pays où elle est présente, mais elle est toujours à l’avant du peloton. En 2023, sa croissance a été portée par celle des commissions (+16 %), de la marge d’intérêt (+11 %), et par une augmentation limitée des charges générales d’exploitation (+3 %).

La société dirigée par Amine Bouabid est le quatrième groupe bancaire de la zone Uemoa (avec 7,4 % de parts de marché), mais elle se classe première en matière de comptes bancaires (13,4 % du total), selon les derniers chiffres disponibles en 2022. Plus de la moitié de ses 533 agences sont dans l’Uemoa. Sa forte implantation génère des économies d’échelle en mutualisant ses services, ce qui lui permet de s’installer dans des zones rurales reculées sans trop de pertes. « Cette expansion renforce son image de marque de banque panafricaine, attirant ainsi de nouveaux clients et fidélisant ceux déjà existants, explique Axel Pleï, analyste chez Everest Finance. De plus, elle permet à BOA d’accéder à de nouveaux marchés, créant ainsi des opportunités d’affaires et lui permettant de diversifier ses produits et services. » Avec ses 59 agences, BOA-Sénégal a par exemple vu son résultat net croître de 40,7 % entre 2021 et 2022.

Diversification des risques

Les filiales font une remontée mensuelle au pôle Risques Groupe de la maison mère, permettant de mettre en place des stratégies atténuantes.

Même au Niger et au Mali, secoués par une forte instabilité politique, sécuritaire et financière, le groupe bancaire a vu son PNB rester stable. L’équilibre entre présence locale et rayonnement régional permettant d’atténuer les impacts de l’instabilité politique est le fruit d’une politique de risque très étudiée. « Les filiales font une remontée mensuelle au pôle Risques Groupe de la maison mère, permettant de mettre en place des stratégies atténuantes. Pour ses calculs prudentiels, le groupe se base sur les normes exigeantes IFRS et Bâle III », détaille Ranya Gnaba, analyste chez AlphaMena.

En Afrique anglophone, terrain moins connu et plus concurrentiel, Bank of Africa mise sur la prudence. Le groupe bancaire qui siège à Dakar opte « pour une mise en place sélective dans des pays à fort potentiel comme l’Ouganda ou le Ghana, ainsi que dans des économies dotées d’infrastructures solides comme le Kenya, le Botswana et l’Éthiopie », analyse Axel Pleï. Dans cette zone, BOA se concentre plutôt sur le secteur de la banque d’affaires en privilégiant les grandes entreprises implantées et les clients les plus fortunés. Un choix rentable et peu risqué. À l’image de ses investissements, avec, par exemple, une centrale électrique au Ghana et de la microfinance dédiée aux femmes entrepreneures au Kenya. Deux projets soutenus par la puissance publique et par des institutions financières internationales.

Égypte et Nigeria: des paris trop risqués ?

Fort de cette stratégie gagnante, Othman Benjelloun confiait à Jeune Afrique en juin 2023 que l’Égypte et le Nigeria étaient dans la ligne de mire du groupe. Deux pays qui pourraient cependant symboliser le plafond de verre de BOA.

« Pour l’Égypte, il faudrait que la banque concrétise ses intentions dans les prochains mois, prévient Ranya Gnaba. La dévaluation de la livre égyptienne et l’extension de l’accord avec le FMI vont attirer les grands groupes bancaires du golfe. Fin 2024 risque d’être trop tard. » Selon l’experte financière, le Nigeria représente aussi un pari risqué, car « s’il offre un potentiel important, c’est un pays très compliqué, avec notamment l’explosion des cryptomonnaies ». Le Nigeria est devenu le deuxième utilisateur mondial de ce moyen de paiement. Or, la digitalisation est l’un des angles morts du groupe. À Casablanca, siège de BMCE BOA, on ne s’en cache pas. L’achèvement de la transition digitale est le premier objectif de la vision stratégique du groupe à l’horizon 2030.

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