Charlène N’dimon
Africa-Press – CentrAfricaine. Alors que les flux mondiaux d’investissements directs étrangers (IDE) chutent à des niveaux historiquement bas, la ZLECAf pourrait offrir au continent une opportunité sans précédent de stimuler l’investissement et de dynamiser la croissance économique.
Selon le dernier rapport de la Banque mondiale sur les flux mondiaux d’Investissements directs étrangers (IDE), publié le 16 juin 2025, une mise en œuvre complète de la ZLECAf pourrait faire grimper les IDE sur le continent de 85 % en provenance des pays africains eux-mêmes, et de 120 % depuis le reste du monde. En créant un marché intégré de 1,4 milliard de consommateurs et un PIB combiné de plus de 3000 milliards de dollars, la ZLECAf est perçue comme un moteur de croissance et de compétitivité essentiel pour l’Afrique.
La concrétisation de ce potentiel dépend toutefois de l’application effective des protocoles relatifs à l’investissement, à la concurrence et à la politique industrielle, ainsi que du développement des infrastructures, notamment dans les transports et l’énergie, et de la stabilité macroéconomique et politique sur le continent.
Disparités et défis dans la répartition des IDE
Intitulé « Foreign Direct Investment in retreat: Policies to turn the tides », le rapport souligne que les IDE vers les pays en développement ont chuté à 435 milliards de dollars en 2023, leur niveau le plus bas depuis 2005. L’Afrique, déjà peu intégrée à ces flux, risque un recul encore plus marqué sans réformes structurelles majeures. Cette tendance baissière est globale. Les économies avancées n’ont attiré que 336 milliards de dollars, leur niveau le plus faible depuis 1996. Sur la période 2012-2023, dix pays — dont la Chine, le Brésil et l’Inde — ont capté à eux seuls les deux tiers des IDE destinés aux économies en développement. L’Afrique, elle, reste en marge, les flux se concentrant principalement dans les grandes économies du continent (Nigeria, Afrique du Sud, Égypte), alors que les 26 pays les moins avancés n’ont capté que 2 % des investissements. Cette dynamique freine l’industrialisation, la création d’emplois et l’intégration économique régionale.
Progrès timides et recommandations pour la ZLECAf
Depuis son lancement en janvier 2021, la ZLECAf a suscité de nombreuses attentes. Si seule une partie des États membres a pour l’heure mis en œuvre leurs engagements, certains progrès sont visibles. En avril 2025, la Côte d’Ivoire a abaissé ses droits de douane conformément au Tarif extérieur commun (TEC) de la CEDEAO, aligné sur la nomenclature de l’Organisation mondiale des douanes.
Pour la Banque mondiale, il est impératif d’accélérer cette dynamique et de lever les obstacles restants, notamment l’harmonisation des cadres juridiques et fiscaux qui entravent encore les flux de capitaux. Pour maximiser les retombées de la ZLECAf, l’institution a identifié trois axes d’action: attirer davantage d’IDE grâce à un environnement réglementaire stable et prévisible, orienter les investissements vers les secteurs stratégiques (agro-industrie, technologies, énergies renouvelables) et renforcer la coopération régionale et mondiale pour favoriser les synergies.
Un regain d’optimisme
Malgré un contexte morose en 2023, le dernier rapport « World Investment Report 2025 » d’ONU Commerce et Développement (ex-CNUCED) relève un rebond des IDE en Afrique en 2024, en hausse de 75 % pour atteindre 97,03 milliards de dollars. Cette performance est principalement due au mégaprojet de développement de la péninsule de Ras El-Hekma en Égypte. Si l’on exclut ce projet, les IDE ont tout de même progressé de 12 %, atteignant environ 62 milliards de dollars, soit 4 % des flux mondiaux.
La nécessité d’une architecture financière continentale
Pour le Dr Patrick Ndzana Olomo, chef de division des politiques économiques à la Commission de l’Union africaine, le marché unique régional a besoin d’une « vision financière souveraine, structurée et ancrée dans les besoins réels du continent ». Il est temps, préconise-t-il, de passer à l’étape suivante, en complétant l’architecture financière africaine avec une banque centrale, un fonds monétaire, une banque de financement de l’investissement et un marché financier (bourse) au niveau continental.
Alors que le commerce mondial est confronté à de profondes turbulences, marquées notamment par la rivalité sino-américaine, l’Afrique dispose avec la ZLECAf d’un outil stratégique pour se repositionner sur l’échiquier de l’investissement mondial.
Pour plus d’informations et d’analyses sur la CentrAfricaine, suivez Africa-Press