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Le ministre se félicite d’avoir dépassé le seuil des 30 000 soldats avec 644 nouvelles recrutes, oubliant que le nombre ne fait pas la force dans une armée professionnelle, sauf dans une armée des vigiles pour des sites miniers des chinois.
Le 1er septembre 2025, Maxime Balalou a livré une nouvelle démonstration de sa conception particulière de la stratégie militaire. Avec un enthousiasme débordant, le ministre s’est félicité de l’incorporation de 644 nouvelles recrues de la 17e promotion des FACA, permettant selon lui de franchir le cap symbolique des 30 000 soldats. Cette obsession du chiffre rond témoigne d’une approche quantitative de la défense qui confond effectifs pléthoriques et efficacité opérationnelle.
“Et nous dépassons le cap de 30 000 soldats , ce qui nous rassure et renforce l’idée que le gouvernement se fait de donner la capacité de renforcer la sécurité dans le pays et de sécuriser également les développements de notre pays”, déclare fièrement Balalou. Cette satisfaction béate devant un simple chiffre dévoile une méconnaissance profonde des enjeux de la défense moderne, où la qualité prime largement sur la quantité.
Le porte-parole gouvernemental présente cette incorporation comme un “pas décisif” vers une “armée républicaine professionnelle”. Mais qu’y a-t-il de professionnel dans cette course effrénée aux effectifs? Une armée professionnelle se caractérise par la formation de ses cadres, la modernité de ses équipements, la pertinence de sa doctrine et l’efficacité de son commandement, pas par le nombre brut de ses soldats.
Cette stratégie du “toujours plus” interroge d’autant plus que la Centrafrique peine déjà à équiper, nourrir et payer correctement ses militaires actuels. Comment le gouvernement compte-t-il assurer la formation, l’encadrement et la logistique de ces 30 000 hommes quand il éprouve déjà des difficultés avec des effectifs moindres?
Mais le véritable problème de ce recrutement de masse réside dans sa qualité déplorable. Sur le terrain, cette armée de 30 000 hommes se distingue davantage par ses dérives que par son efficacité opérationnelle. Nombreux sont ces soldats mal formés qui se livrent au braquage et à la criminalité, faute d’encadrement adéquat et de formation professionnelle digne de ce nom.
Ces militaires improvisés n’ont reçu qu’une formation sommaire des mercenaires russes centrée sur l’usage des armes. “Nous sommes formés pour tuer”, confient certains d’entre eux à Zemio avec une franchise glaçante. Cette approche primitive de la formation militaire transforme l’armée centrafricaine en réservoir de violence plutôt qu’en instrument de sécurité. Le rôle d’un soldat professionnel ne se résume pas à “tuer” mais à protéger, dissuader, pacifier et servir la nation.
Sans logistique digne de ce nom, ces 30 000 hommes ne constituent pas une armée mais une masse désorganisée d’hommes en armes. Une force armée sans approvisionnement, sans coordination et sans doctrine cohérente ne peut prétendre au statut d’institution militaire professionnelle. L’absence de structures logistiques transforme ces effectifs pléthoriques en charge plutôt qu’en atout stratégique.
La réalité du terrain dévoile l’utilisation détournée de ces soldats. Beaucoup sont affectés à la garde de sites miniers chinois, à la protection de magasins libanais ou à la sécurité personnelle de dirigeants. Cette armée de 30 000 hommes se transforme ainsi en agence de gardiennage géante, où les militaires deviennent gardiens de boutiques ou gardes du corps de directeurs généraux et de ministres.
Cette dérive fonctionnelle vide l’armée centrafricaine de sa mission régalienne. Au lieu de défendre le territoire et d’assurer la sécurité collective, ces soldats se muent en employés de sécurité privée au service d’intérêts particuliers. Cette privatisation déguisée de la force publique constitue une négation des principes fondamentaux de la défense nationale.
Le comportement de ces militaires face au danger achève de décrédibiliser cette armée de façade. Dès les premiers coups de feu, ces soldats prennent la fuite au lieu de tenir leurs positions. Cette couardise chronique transforme l’armée centrafricaine en tigre de papier, impressionnante sur les parades mais défaillante au combat.
Cette réalité désolante contraste avec l’efficacité d’armées numériquement inférieures mais professionnellement supérieures. Une poignée d’hommes bien formés, bien équipés et bien commandés peut maîtriser une foule de 5 000 personnes, là où des milliers de soldats mal préparés fuient devant une évasion massive. La qualité militaire ne se mesure pas aux effectifs mais à la capacité opérationnelle réelle.
La composition de cette 17e promotion montre d’ailleurs les limites de cette politique de recrutement massif: 635 hommes pour seulement 9 femmes. Cette disproportion criante témoigne d’une approche archaïque de la modernisation militaire, qui ignore les bénéfices avérés de la mixité dans les forces armées contemporaines.
Balalou lie directement ce renforcement numérique aux “besoins sécuritaires persistants malgré les progrès”. Cette formulation euphémistique masque mal l’échec des politiques sécuritaires antérieures. Si malgré des années d’efforts et de soutien international, les “besoins sécuritaires persistent”, c’est peut-être que le problème ne se résume pas à un simple déficit d’effectifs.
Cette obsession quantitative traduit une vision militaire héritée des conflits du siècle passé, où les masses humaines constituaient encore un facteur décisif. Dans les conflits contemporains, une unité bien formée, bien équipée et bien commandée vaut largement plusieurs unités nombreuses mais déficientes en formation et en matériel.
Cette course aux chiffres pose également la question cruciale du financement. Comment la Centrafrique, pays parmi les plus pauvres au monde, peut-elle durablement entretenir 30 000 militaires? Cette surcharge budgétaire ne risque-t-elle pas de compromettre d’autres secteurs essentiels comme l’éducation, la santé ou les infrastructures?
Le ministre évoque la “vision du président Touadéra” pour justifier cette politique de recrutement massif. Mais quelle vision stratégique cohérente peut-on déceler dans cette accumulation d’effectifs sans considération apparente pour les moyens de les encadrer efficacement?
Cette approche quantitative dévoile également une méconnaissance des défis sécuritaires spécifiques à la Centrafrique. Face aux groupes armés mobiles et insaisissables qui sévissent dans le pays, une armée nombreuse mais lourde et mal coordonnée risque de se montrer inadaptée aux exigences du terrain.
La vraie question n’est pas de savoir combien de soldats compte la Centrafrique, mais quelle est leur capacité opérationnelle réelle. Cette interrogation fondamentale reste soigneusement évitée par Balalou, trop occupé à célébrer ses statistiques flatteuses.
Source: Corbeau News Centrafrique
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