Claude Richard Gouandjia: « lettre à Abel Goumba, mon compagnon de lutte, grand combattant de la liberté »

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Claude Richard Gouandjia: « lettre à Abel Goumba, mon compagnon de lutte, grand combattant de la liberté »
Claude Richard Gouandjia: « lettre à Abel Goumba, mon compagnon de lutte, grand combattant de la liberté »

Africa-Press – CentrAfricaine. 11 mai 2009 -11 mai 2024 », voilà 15 ans que disparaissait le Professeur Abel GOUMBA, figure emblématique de la scène politique centrafricaine. Compagnon de route du Père Fondateur Barthélemy Boganda, il s’est éteint à l’âge de 83 ans après avoir lutté toute sa vie pour l’émancipation de l’homme centrafricain et pour la démocratie en RCA. Président Fondateur du Front Patriotique pour le Progrès (FPP), il occupa plusieurs hautes fonctions de l’État: Recteur de l’Université de Bangui, Député de Kouango, Premier Ministre, Chef du Gouvernement, Vice-président de la République et Médiateur de la République.

En ces jours de souvenir, Claude Richard GOUANDJIA, ancien ministre et compagnon de lutte du Professeur Abel GOUMBA a voulu rendre hommage à cet illustre disparu, père du Socialisme en Centrafrique à travers une lettre qu’il lui a adressée à titre posthume.

Ci-dessous l’intégralité de la lettre pour mémoire et afin que nul n’en ignore. » (Ndlr !)

Dédicace à mon cadet et frère de lutte Albert Zéphirin GOUANDJIA, Camarade KARANGUI, homme de confiance, mon complice.

REGRETS ÉTERNELS

LE PATRIOTE AHO «Militant Panafricaniste»

Les révolutionnaires ne pleurent pas. Mais vengent leurs camarades tombés sur le front de la bataille. Les patriotes ne se découragent guère. Continuent à porter haut le flambeau qui symbolise la continuité du combat. En nous léguant un précieux héritage, tu nous as appris à résister. Tomber mais se relever toujours. Plier mais ne jamais rompre.

MABOKO AVOUROU (les mains propres).

Droiture et honnêteté te caractérise. Tu es l’incarnation du DÉMOCRATE même. Convaincu que seul les peuples font l’histoire. Avec BOGANDA, ton inspirateur, tu as vécu selon ton idéal. Tu es l’un des premiers PANAFRICANISTES partageant ce grand rêve avec LUMUMBA, NKRUMAH et NASSER.

11Mai 2008-11Mai 2024, deux dates hautement historiques pour tous ceux qui suivent les traces de notre Timonier, notre guide, notre leader charismatique, celui qui nous a appris à aimer notre pays.

«O Centrafrique, berceau de nos aïeux», c’était ce que tu avais proposé pour notre hymne national mais le père Fondateur avait préféré «O Centrafrique, O berceau des bantus», vous étiez tous les deux très inspirés.

Très proche de nos paysans, tu initias un programme économique baptisé KODRO (pays) qui a été combattu par les colons et qui est resté lettre morte dans les tiroirs de notre histoire. Homme politique aguerri et homme de science reconnu, préférant privilégier le dialogue en acceptant comme seule arme, le débat contradictoire ou le palabre sous le grand baobab issu de notre sagesse africaine.

Semblable à tout homme l’humilité fut ta grande force et la modestie collée à ta peau, telle l’écorce à l’arbre: l’un ne peut exister sans l’autre. J’ai énormément appris de toi. Tu es mon modèle, ma référence. Tu m’as souvent humilié face au découragement m’engueulant parfois malgré mon âge avancé, me donnant aussi raison si je le mérite. Tél l’argile aux mains du potier, tu m’as façonné dans mon parcours de militant, parsemé d’embûches et de gloire. Je t’en suis indéfiniment fier et reconnaissant. Car cette marque déposée que tu m’as imprimée continue sa semence et se multiplie. Ton seul nom est souvent évoqué avec dignité et respect dans ce monde où se côtoie ingratitude et haine, ou l’homme est un loup pour l’homme. Tu es le commun des mortels, une vie des hauts et des bas, des erreurs et satisfactions, seul Dieu ne se trompe jamais.

Tu nous as appris la persévérance et le courage, détestant le défaitisme, tu nous as inculqué cette grande force. Ce qui nous permet d’affronter les vicissitudes de la vie. Itinéraire ô combien féconde et exaltante:

Du Mouvement pour l’Évolution Démocratique en Afrique Centrale au Front Patriotique Oubanguien, et du Front Patriotique pour le Progrès, tout comme le rassemblement de toute l’opposition dans la Concertation des Forces Démocratiques. Tu n’as plus rien à prouver.

Que d’expériences très riches, dont nous continuerons de nous inspirer. Tu nous as appris la clandestinité. Reculer d’un pas pour mieux sauter évitant ainsi toute adversité et braver des obstacles inexplicables. Nous avions appris à cohabiter parfois avec nos pires ennemies et à rendre possible l’impossible. Comme l’a dit MAO, «il faut embrasser son adversaire pour mieux l’étouffer». Cette formation acquise nous a ouvert d’autres horizons et nous a permis de naviguer dans toutes les eaux troubles. Nous avions fréquenté des révolutionnaires et aussi des réactionnaires.

Pour la lutte, j’étais devenu un globe-trotter sillonnant les quatre coins du monde au détriment d’une vie familiale…c’était le prix à payer pour un bonheur collectif. SIRIRI (la paix)!

Tu es un homme de paix, tu n’as jamais utilisé les armes pour conquérir le pouvoir. Malgré d’innombrables pièges, des propositions de tes compatriotes exaspérés par l’injustice et même parfois la main tendue du colonialiste. Tu es resté attaché à ton peuple attendant l’appel de ce dernier. Tu es considéré à tort ou à raison comme le MANDELA de la Centrafrique. Et je l’ai immortalisé dans une belle mélodie que nous aurons l’occasion d’écouter un jour. Voici l’extrait: «NOBOUGA na MADIBA A YEKE GUI UN SEUL COMBAT». Traduit en français par «GOUMBA et MANDELA MÈNENT UN SEUL COMBAT».

De MITTERRAND à GBAGBO, en passant par la grande famille de l’INTERNATIONAL SOCIALISTE, tu es une figure de proue.

GRAND RÉSISTANT de la lutte anti-impérialiste, anticolonialiste et anti néocolonialiste, PANAFRICANISTE de première heure, tu es et seras pour nous, GRAND CAMARADE, l’EXEMPLE à suivre.

Avec toi, nous avions partagé une idéologie bien que nous ayons des liens biologiques. Très chère oncle, nos premiers contacts ont été très musclés. Je me souviens t’avoir adressé une correspondance très critique alors que tu te trouvais à BOUTARE au RWANDA et ta réponse était cinglante et comme une injure. Nous avions échangé sur ce qui se passait à l’époque au pays sous le régime de BOKASSA. Car tu pensais que ma réaction très virulente venait de l’emprisonnement de mon père. Après quelques années de silence et de froideur, j’ai été contacté par le Docteur IDI LALA de passage à Brazzaville, qui était au parfum de la création d’un mouvement d’opposition dont j’étais un des leaders, en me ramenant un courrier de ta part dans lequel tu me disais: «Je suis maintenant convaincu que ce n’est pas par esprit de vengeance pour ton père en prison, pour ces idées que nous partageons tous, mais par PATRIOTISME que tu écrivais». Et depuis lors nous avons été inséparables dans le combat.

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