Africa-Press – CentrAfricaine. Le député de Berberati Jean Sosthène Dengbe célèbre l’intégration d’ex-rebelles via le DDR, mais cette stratégie fragilise-t-elle la discipline militaire, essentielle à la réforme sécuritaire?
Le programme de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) est au cœur de la réforme du secteur de la sécurité (RSS) en République centrafricaine, un pays où l’insécurité persiste malgré les efforts des partenaires internationaux pour stabiliser les institutions du pays. Lors de l’émission du Parlement sur la radio Ndéké-Luka, Jean Sosthène Dengbe, président de la Commission défense et sécurité à l’Assemblée nationale, a défendu avec ferveur l’intégration d’ex-rebelles dans les forces de sécurité, une mesure phare du DDR issue de l’accord de Khartoum de 2019. Il présente ces anciens combattants comme des “républicains respectueux des principes de droit”, capables de renforcer l’armée, la police et la gendarmerie. Mais ce discours optimiste élude une question enflammée: à quel prix cette intégration affecte-t-elle la discipline militaire, fondement d’une armée efficace? Les silences de Dengbe sur les défis de cette stratégie laissent planer un doute sérieux sur ses retombées.
Jean Sosthène Dengbe explique que le DDR a permis de dissoudre des groupes armés signataires de l’accord de Khartoum, leurs membres étant triés pour rejoindre les forces de sécurité ou d’autres secteurs. Ceux jugés aptes ont été incorporés dans l’armée, la gendarmerie ou la police, un processus qu’il décrit comme une réussite. Selon lui, ces ex-rebelles, formés et encadrés, apportent des effectifs précieux à une armée affaiblie par des années de crises. Il insiste sur leur engagement, affirmant qu’ils respectent les valeurs républicaines et contribuent à la reconstruction d’une force de défense unifiée. Cette intégration, soutenue par des partenaires internationaux comme l’Union européenne, est censée consolider la RSS en renforçant les capacités opérationnelles des forces de l’ordre face aux violences dans des préfectures comme l’Ouham-Pendé, la Nana-Mambéré, le Lim-Pendé, ou l’Ouham.
Pourtant, l’incorporation massive d’ex-rebelles pousse à s’interroger sur des inquiétudes majeures, que Jean Sosthène Dengbe passe sous silence. La discipline militaire, essentielle pour garantir la cohésion et l’efficacité des forces armées, repose sur une formation rigoureuse, une chaîne de commandement claire et une loyauté indéfectible à l’État. Or, les ex-rebelles, issus de factions souvent opposées au gouvernement, apportent avec eux des antécédents complexes: rivalités internes, allégeances résiduelles à leurs anciens chefs, ou encore une méfiance envers les institutions. Sans un encadrement strict et une formation approfondie, leur intégration risque de fragiliser la discipline, transformant les forces de sécurité en un patchwork d’intérêts divergents. Jean Sosthène Dengbe, en qualifiant ces recrues de “républicains”, semble minimiser ces défis, sans préciser comment leur loyauté est assurée ou comment leur formation est standardisée.
Les réalités du terrain amplifient ces préoccupations. Dans les provinces, où les FACA (Forces armées centrafricaines) manquent de moyens logistiques, l’arrivée d’ex-rebelles n’a pas toujours renforcé l’unité. Des témoignages rapportent des tensions entre soldats réguliers et nouvelles recrues, parfois perçues comme imposées par des accords politiques. Certains ex-rebelles, habitués à des structures hiérarchiques lâches dans leurs groupes armés, peinent à s’adapter aux exigences de la discipline militaire, comme le respect des ordres ou la coordination en opération. Ces frictions, absentes du discours de Dengbe, compromettent la cohésion des unités, essentielle pour affronter des groupes armés mobiles et bien organisés. Dans des zones comme la Nana-Gribizi, où les conflits liés à la transhumance dégénèrent, une armée désunie est un handicap majeur.
La dépendance envers des acteurs extérieurs complique encore la situation. Jean Sosthène Dengbe omet de mentionner que la RSS, y compris le DDR, repose largement sur le soutien de la MINUSCA, qui fournit carburant, formations et appui logistique. Mais ce soutien ne garantit pas une intégration harmonieuse des ex-rebelles. Dans certaines régions, les mercenaires russes du groupe Wagner, omniprésents en RCA, jouent un rôle sécuritaire parallèle, éclipsant les FACA. Équipés de blindés et de motos tout-terrain, ils interviennent là où les forces nationales, mal préparées et parfois divisées par l’arrivée d’ex-rebelles, ne peuvent agir. Cette tutelle, qui marginalise l’armée, dévoile les failles du DDR: sans discipline solide, les FACA risquent de devenir un simple faire-valoir face à des acteurs étrangers mieux organisés.
Les crises passées expliquent en partie ces difficultés. Jean Sosthène Dengbe rappelle les “plaies béantes” héritées de la guerre civile de 2013 et des conflits postérieurs, qui ont démantelé l’armée et la police. Le DDR, en intégrant des ex-rebelles, vise à pacifier le pays en offrant une alternative à la lutte armée. Mais cette stratégie, si elle réduit les effectifs des milices, ne résout pas automatiquement les problèmes de discipline. La formation des recrues, souvent limitée à quelques semaines, est insuffisante pour instaurer une culture militaire unifiée. Les officiers, débordés par l’afflux de nouveaux éléments, peinent à imposer une chaîne de commandement cohérente. Jean Sosthène Dengbe, en tant que président de la Commission défense, porte une responsabilité dans cette impasse. Son discours, qui célèbre l’intégration sans aborder ses risques, manque de franchise face à une armée en quête de cohésion….
Source: Corbeau News Centrafrique
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