Africa-Press – CentrAfricaine. Les communautés d’oiseaux du monde entier font face à une crise majeure, avec un déclin important de nombreuses espèces. L’Amérique du Nord ne fait pas exception, avec plus d’un quart des oiseaux nicheurs disparus depuis 1970. Dans une optique de conservation efficace, des chercheurs du laboratoire d’ornithologie de Cornell (Etats-Unis) ont cherché à relever des informations spatiales détaillées sur l’évolution des populations. Ils se sont concentrés sur les relevés eBird des espèces nichant en Amérique du Nord, en Amérique Centrale et dans les Caraïbes. Les scientifiques ont ainsi identifié les populations locales les plus menacées afin de dresser une liste de sites optimaux pour la conservation, et publient leurs résultats dans la revue Science.
Un déclin des populations pour 75 % des espèces d’oiseaux
En utilisant les données de science participative d’eBird, l’équipe de Alison Johnston, chercheuse au laboratoire d’ornithologie de Cornell et co-directrice du Centre de recherche en modélisation écologique et environnementale à l’Université de St Andrews, a réussi à estimer l’abondance relative de 495 espèces d’oiseaux et l’évolution de leurs différentes populations continentales entre 2007 et 2021. Ces données représentent 36 millions de listes épluchées par les chercheurs.
Comme beaucoup de plateformes de sciences participatives, eBird ne dispose pas de protocoles d’échantillonnage standardisés. Les biologistes ont ainsi créé un modèle de tendance permettant de contrôler les sources de variations de données, distinguant les variations des populations d’oiseaux de celles liées aux méthodes d’observation. Ils ont ainsi pu dégager des tendances démographiques des espèces d’oiseaux d’Amérique du Nord, d’Amérique Centrale et des Caraïbes ; 75% ont une tendance en déclin dans leur aire de répartition, et 65% ont un déclin significatif.
Une diminution plus rapide dans les abondances élevées
Malgré leurs résultats, les chercheurs remarquent dans leur étude qu’une “forte hétérogénéité spatiale est invisible” lorsque les tendances sont résumées. En effet, 97% des espèces d’oiseaux étudiées ont connu à la fois des déclins et des augmentations à différents endroits de leur aire de répartition. En moyenne, les déclins ne concerneraient que 60% de leur aire de répartition, représentant plus de la moitié de leur habitat, tout de même.
En examinant les données de plus près, Alison Johnston et son équipe font une observation au premier abord contre-intuitive: “Notre constat le plus inquiétant est que, pour l’immense majorité des espèces, les taux de déclin les plus importants se sont produits dans les zones où les populations étaient les plus abondantes” rapporte l’étude. Ainsi, le laboratoire américain relève une association négative entre l’abondance relative de l’espèce et les tendances de la population locale pour 83% des espèces, et 73% de manière significative. Une conclusion particulièrement marquée pour les espèces se reproduisant dans les prairies. Il existe des cas où les populations d’espèces en faible abondance ont augmenté, suggérant une réponse aux flux environnementaux par une augmentation des populations ou une colonisation de nouveaux sites.
Les petites populations réagissent mieux au changement
Les auteurs de l’étude avancent trois hypothèses pour expliquer cette association négative. D’abord les populations d’oiseaux des sites de forte abondance sont plus sensibles aux perturbations. Celles-ci sont proches de l’équilibre (capacité maximale que l’environnement peut supporter) ce qui accentue les pressions liées à la densité (accès à la nourriture, territoire). La seconde hypothèse se base sur le rythme de vie des individus, souvent plus lent dans les habitats à forte abondance, rendant les populations moins aptes démographiquement à se rétablir après des perturbations.
Enfin, les individus dans les zones de faible abondance seraient plus résilients face aux conditions extrêmes, car présents aux limites de l’aire de répartition dans des environnements déjà non-idéaux. Néanmoins, les auteurs soulignent dans l’étude que “la taille totale des populations des espèces et des communautés continue de diminuer, ce qui suggère que les changements environnementaux dépassent la capacité d’adaptation de la plupart des espèces, entraînant des déclins potentiellement irréversibles”.
Les sciences participatives pour orienter la conservation
Les données de science participative représentent un outil précieux pour mesurer les réactions démographiques des espèces aux perturbations environnementales. Les tendances identifiées peuvent être utilisées pour orienter les actions de gestion et de conservation. Les scientifiques espèrent que leur modèle d’estimation des tendances sera repris sur d’autres continents et d’autres groupes taxonomiques.
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