Africa-Press – CentrAfricaine. Les machettes et les houes sont rangées. Dans l’Équateur centrafricain, les paysans ont troqué leurs outils contre la peur. Entre les sillons abandonnés et les greniers vides, une guerre silencieuse se joue: celle des terres agricoles prises en otage par les conflits entre éleveurs transhumants et agriculteurs sédentaires.
À Basse-Mambéré, à cinquante kilomètres de Berberati, le spectacle est désolant. Les champs de manioc, cette racine qui nourrit huit Centrafricains sur dix dans la région, ressemblent désormais à des no man’s land.
Cette réalité amère, c’est celle de milliers de familles paysannes qui voient leurs moyens de subsistance partir en fumée. Littéralement parfois, quand des éleveurs armés incendient les récoltes pour “donner une leçon” aux agriculteurs récalcitrants.
Le phénomène n’est pas nouveau en Centrafrique. La transhumance, cette pratique ancestrale qui voit les éleveurs migrer avec leurs troupeaux au rythme des saisons, fait partie du paysage centrafricain depuis des siècles. Mais ici, dans l’Équateur, elle a pris un visage inquiétant.
“Ces gens arrivent avec des Kalachnikov, pas avec des bâtons de berger”, témoigne un cultivateur qui préfère taire son nom. “Ils nous demandent de l’argent pour laisser passer leurs bêtes. Si on refuse, ils détruisent tout“.
Cette militarisation de la transhumance transforme chaque saison agricole en épreuve de force. Les paysans, désarmés face à ces groupes organisés, n’ont d’autre choix que de céder ou de fuir.
Face à cette escalade, les autorités tentent de réagir. Une mission conjointe réunissant des représentants du gouvernement régional et de la MINUSCA s’est rendue à Bania pour évaluer la situation. Au programme: renforcement des patrouilles militaires, amélioration des infrastructures routières et organisation de tables rondes pour la réconciliation.
“Nous voulons créer un cadre de dialogue entre tous les acteurs. La transhumance peut se faire dans la paix”, assure Asetu Sanogo, responsable à Berberati. Mais sur le terrain, ces annonces peinent à convaincre. “On nous promet des choses depuis des années, mais nos champs restent vides”, rétorque un agriculteur.
Au-delà de la sécurité, c’est tout un système agricole qui demande à être repensé. Les paysans de l’Équateur travaillent encore avec des outils rudimentaires, des semences de faible qualité et sans accès au crédit agricole.
“Donnez-nous de bonnes semences et quelques machines, et on nourrira toute la région”, lance un producteur de Basse-Mambéré. Un défi que le gouverneur de l’Équateur dit prendre à bras-le-corps: “Nous traitons ces attaques comme des actes de banditisme. Nos forces sont mobilisées pour traquer ces groupes et ramener la paix“.
Les enjeux dépassent les frontières de l’Équateur. Dans un pays où l’agriculture représente plus de 50% du PIB et emploie huit actifs sur dix, chaque parcelle abandonnée aggrave l’insécurité alimentaire nationale. Les marchés de Bangui commencent déjà à ressentir les effets de cette crise: hausse des prix, pénurie de certains produits de base….
Source: Corbeau News Centrafrique
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