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Un communiqué officiel du ministère de la Défense centrafricain sur un prétendu accrochage frontalier avec des “assaillants soudanais” cacherait la réalité d’une attaque de mercenaires russes contre des éleveurs arabes soudanais.
Le communiqué publié le 20 septembre 2025 par le ministère de la Défense nationale et de la Reconstruction de l’armée centrafricain pousse les centrafricains à s’interroger. Ce document officiel raconte un prétendu accrochage survenu le 16 septembre dans la zone de Basham Sher, préfecture de la Vakaga, à environ 15 kilomètres de la frontière soudanaise. Selon la version officielle, une patrouille des forces de défense et de sécurité aurait été attaquée par un groupe armé, ripostant conformément aux règles d’engagement et neutralisant quatre assaillants.
Mais des sources locales et les habitants racontent une histoire complètement différente. Selon ces témoignages, ce ne sont pas les forces armées centrafricaines qui étaient impliquées, mais bien des mercenaires russes qui étaient en route vers Amdafock. Ces derniers auraient attaqué des éleveurs arabes soudanais qui marchaient tranquillement le long de la route, à environ 25 kilomètres avant d’atteindre Amdafock.
L’attaque s’est déroulée sans aucune provocation. Les mercenaires ont ouvert le feu sur le groupe d’éleveurs, tuant quatre à cinq personnes sur place. Les survivants ont pris la fuite, tandis que les mercenaires sont retournés à leur base de Birao sans continuer leur route vers Amdafock.
Cette version alternative des événements publie un processus de manipulation particulièrement bizarre. Après leur retour à Birao, les mercenaires russes ont rédigé un rapport mensonger qu’ils ont transmis à l’ambassade de Russie. Cette dernière a ensuite fait pression sur le ministère centrafricain de la Défense pour qu’il publie ce communiqué trompeur, présentant les mercenaires comme des “forces de défense et de sécurité” centrafricaines.
Cette méthode montre comment les autorités russes et leurs mercenaires manipulent les institutions centrafricaines. Au lieu de laisser les autorités nationales communiquer selon leurs propres analyses, ils leur fournissent des communiqués pré-rédigés que le gouvernement centrafricain se contente de publier sans vérification approfondie.
Les conséquences de cette attaque non provoquée contre des éleveurs soudanais se sont avérées dramatiques pour les populations locales. L’agression a provoqué des représailles de la part de groupes soudanais qui, pensant que les villageois centrafricains avaient guidé les mercenaires, ont mené des opérations de vengeance. Ces représailles ont visé des villages situés à sept kilomètres d’Amdafock, où trois personnes ont été capturées. Deux ont réussi à s’échapper, mais la troisième a péri dans l’incendie de sa maison.
Le communiqué officiel fait également état de la saisie de “monnaies ukrainiennes (hryvnia)” sur les assaillants présumés. Cette mention étonne les observateurs qui s’interrogent sur la présence de cette devise dans une région où même les dollars américains sont difficiles à échanger. Dans une zone où les transactions se font principalement en francs CFA et où même l’euro reste difficile à utiliser, la présence de hryvnia ukrainienne paraît totalement artificielle.
Cette “découverte” de monnaie ukrainienne semble être un élément fabriqué pour alimenter un narratif géopolitique particulier. En suggérant une présence ukrainienne hostile à la frontière, les mercenaires russes cherchent à justifier leur présence et à maintenir le gouvernement centrafricain dans une dépendance sécuritaire. Cette stratégie vise à convaincre les autorités de Bangui qu’elles ne peuvent pas assurer leur sécurité sans l’aide des forces russes.
L’utilisation de cette devise comme “preuve” démontre le caractère grossier de la manipulation. Comment des éleveurs soudanais auraient-ils pu se procurer et utiliser de la monnaie ukrainienne dans une région où cette devise n’a aucune valeur d’échange? Cette incohérence souligne le caractère fabriqué de cette “preuve”.
Le processus qui a conduit à la publication de ce communiqué montre parfaitement la méthode employée par les Russes pour contrôler la communication officielle centrafricaine. Les mercenaires Wagner rédigent leurs propres versions des événements, les transmettent via l’ambassade russe qui transmet à son tour aux autorités centrafricaines pour qu’elles adoptent cette version sans discussion.
Cette pratique transforme le ministère centrafricain de la Défense en simple relais de la propagande russe. Au lieu de mener ses propres enquêtes et de communiquer selon ses propres analyses, l’institution se contente de publier les communiqués préparés par les forces étrangères présentes sur son territoire.
Cette affaire démontre l’ampleur de la perte de souveraineté du gouvernement centrafricain dans le domaine de la communication officielle. Quand un pays ne peut plus contrôler sa propre version des événements qui se déroulent sur son territoire, c’est un signe inquiétant de dépendance politique.
Pour les populations locales, cette manipulation de l’information officielle ajoute à leur sentiment d’abandon. Non seulement elles subissent les violences de différents groupes armés, mais elles constatent aussi que leur propre gouvernement relaie des mensonges sur ces violences.
L’incident de Basham Sher et sa présentation mensongère dans le communiqué officiel montrent comment les mercenaires russes ont réussi à instrumentaliser les institutions centrafricaines pour servir leurs propres objectifs de communication et de justification de leur présence.
Source: Corbeau News Centrafrique
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